|
[17] Φύσει μὲν οὖν ἄρχων ἀεὶ πόλεως ὁ πολιτικὸς
ὥσπερ ἡγεμὼν ἐν μελίτταις, καὶ τοῦτο χρὴ
διανοούμενον ἔχειν τὰ δημόσια διὰ χειρός· ἃς δ´
ὀνομάζουσιν ἐξουσίας καὶ χειροτονοῦσιν ἀρχὰς μήτ´
ἄγαν διώκειν καὶ πολλάκις, οὐ γὰρ σεμνὸν οὐδὲ
δημοτικὸν ἡ φιλαρχία· μήτ´ ἀπωθεῖσθαι, τοῦ δήμου
κατὰ νόμον διδόντος καὶ καλοῦντος· ἀλλὰ κἂν
ταπεινότεραι τῆς δόξης ὦσι, δέχεσθαι καὶ συμφιλοτιμεῖσθαι·
δίκαιον γὰρ ὑπὸ τῶν μειζόνων
κοσμουμένους ἀρχῶν ἀντικοσμεῖν τὰς ἐλάττονας,
καὶ τῶν μὲν βαρυτέρων οἷον στρατηγίας Ἀθήνησι
καὶ πρυτανείας ἐν Ῥόδῳ καὶ βοιωταρχίας παρ´
ἡμῖν, ὑφίεσθαί τι καὶ παρενδιδόναι μετριάζοντα ταῖς
δὲ μικροτέραις ἀξίωμα προστιθέναι καὶ ὄγκον,
ὅπως μήτε περὶ ταύτας εὐκαταφρόνητοι μήτ´ ἐπίφθονοι
περὶ ἐκείνας ὦμεν. εἰσιόντα δ´ εἰς ἅπασαν
ἀρχὴν οὐ μόνον ἐκείνους δεῖ προχειρίζεσθαι τοὺς
λογισμούς, οὓς ὁ Περικλῆς αὑτὸν ὑπεμίμνησκεν
ἀναλαμβάνων τὴν χλαμύδα, "πρόσεχε, Περίκλεις·
ἐλευθέρων ἄρχεις, Ἑλλήνων ἄρχεις, πολιτῶν Ἀθηναίων"·
ἀλλὰ κἀκεῖνο λέγειν πρὸς ἑαυτόν, "ἀρχόμενος
ἄρχεις, ὑποτεταγμένης πόλεως ἀνθυπάτοις,
ἐπιτρόποις Καίσαρος· ’οὐ ταῦτα λόγχη πεδιάς,‘
οὐδ´ αἱ παλαιαὶ Σάρδεις οὐδ´ ἡ Λυδῶν ἐκείνη δύναμις"·
εὐσταλεστέραν δεῖ τὴν χλαμύδα ποιεῖν, καὶ
βλέπειν ἀπὸ τοῦ στρατηγίου πρὸς τὸ βῆμα, καὶ τῷ
στεφάνῳ μὴ πολὺ φρονεῖν μηδὲ πιστεύειν, ὁρῶντα
τοὺς καλτίους ἐπάνω τῆς κεφαλῆς· ἀλλὰ μιμεῖσθαι
τοὺς ὑποκριτάς, πάθος μὲν ἴδιον καὶ ἦθος καὶ
ἀξίωμα τῷ ἀγῶνι προστιθέντας, τοῦ δ´ ὑποβολέως
ἀκούοντας καὶ μὴ παρεκβαίνοντας τοὺς ῥυθμοὺς
καὶ τὰ μέτρα τῆς διδομένης ἐξουσίας ὑπὸ τῶν κρατούντων.
ἡ γὰρ ἔκπτωσις οὐ φέρει συριγμὸν οὐδὲ
χλευασμὸν οὐδὲ κλωγμόν, ἀλλὰ πολλοῖς μὲν ἐπέβη
δεινὸς κολαστὴς πέλεκυς αὐχένος τομεύς,
ὡς τοῖς περὶ Παρδάλαν τὸν ὑμέτερον ἐκλαθομένοις
τῶν ὅρων· ὁ δέ τις ἐκριφεὶς εἰς νῆσον γέγονε κατὰ
τὸν Σόλωνα
Φολεγάνδριος ἢ Σικινήτης,
ἀντί γ´ Ἀθηναίου πατρίδ´ ἀμειψάμενος.
Τὰ μὲν γὰρ μικρὰ παιδία τῶν πατέρων ὁρῶντες
ἐπιχειροῦντα τὰς κρηπῖδας ὑποδεῖσθαι καὶ τοὺς στεφάνους
περιτίθεσθαι μετὰ παιδιᾶς γελῶμεν, οἱ δ´
ἄρχοντες ἐν ταῖς πόλεσιν ἀνοήτως τὰ τῶν προγόνων
ἔργα καὶ φρονήματα καὶ πράξεις ἀσυμμέτρους τοῖς
παροῦσι καιροῖς καὶ πράγμασιν οὔσας μιμεῖσθαι κελεύοντες
ἐξαίρουσι τὰ πλήθη, γέλωτά τε ποιοῦντες
οὐκέτι γέλωτος ἄξια πάσχουσιν, ἂν μὴ πάνυ καταφρονηθῶσι.
πολλὰ γὰρ ἔστιν ἄλλα τῶν πρότερον
Ἑλλήνων διεξιόντα τοῖς νῦν ἠθοποιεῖν καὶ σωφρονίζειν,
ὡς Ἀθήνησιν ὑπομιμνήσκοντα μὴ τῶν
πολεμικῶν, ἀλλ´ οἷόν ἐστι τὸ ψήφισμα τὸ τῆς
ἀμνηστίας ἐπὶ τοῖς τριάκοντα· καὶ τὸ ζημιῶσαι
Φρύνιχον τραγῳδίᾳ διδάξαντα τὴν Μιλήτου ἅλωσιν·
καὶ ὅτι, Θήβας Κασάνδρου κτίζοντος, ἐστεφανηφόρησαν·
τὸν δ´ ἐν Ἄργει πυθόμενοι σκυταλισμόν,
ἐν ᾧ πεντακοσίους καὶ χιλίους ἀνῃρήκεσαν ἐξ
αὑτῶν οἱ Ἀργεῖοι, περιενεγκεῖν καθάρσιον περὶ
τὴν ἐκκλησίαν ἐκέλευσαν· ἐν δὲ τοῖς Ἁρπαλείοις
τὰς οἰκίας ἐρευνῶντες μόνην τὴν τοῦ γεγαμηκότος
νεωστὶ παρῆλθον. ταῦτα γὰρ καὶ νῦν ἔξεστι ζηλοῦντας
ἐξομοιοῦσθαι τοῖς προγόνοις· τὸν δὲ Μαραθῶνα
καὶ τὸν Εὐρυμέδοντα καὶ τὰς Πλαταιάς,
καὶ ὅσα τῶν παραδειγμάτων οἰδεῖν ποιεῖ καὶ φρυάττεσθαι
διακενῆς τοὺς πολλούς, ἀπολιπόντας ἐν ταῖς
σχολαῖς τῶν σοφιστῶν.
| [17] Naturellement le chef d'un État est dans une cité ce
qu'est dans une ruche la reine des abeilles. Il doit penser
toujours à cette similitude lorsqu'il tient entre ses mains le
timon des affaires. Mais il ne faut pas qu'il recherche trop
souvent et avec un empressement excessif les magistratures
et les dignités que confère le peuple : car l'avidité pour les
emplois ne fait pas d'honneur à un homme d'État et ne le
rend point populaire. Il ne doit pas non plus les rejeter
quand sa patrie les lui donne et l'y appelle au nom de la loi.
Fussent-ils même inférieurs à sa réputation, il les acceptera
et s'y consacrera de tout son zèle : car il est juste, lorsqu'on
est honoré par les magistratures plus importantes, qu'à
son tour on honore celles qui le sont moins. Si l'on exerce
les emplois supérieurs, comme celui de stratége à Athènes,
de prytane à Rhodes, de Béotarque chez nous, on diminuera
à dessein l'importance et les prérogatives de ces
charges par sa modération, tandis qu'aux plus humbles on
ajoutera une certaine valeur et une certaine dignité. C'est
ainsi que l'on saura échapper au mépris dans ces dernières
et à la jalousie dans les autres.
Quelque magistrature que vous exerciez, vous ne devez
pas seulement avoir présentes à l'esprit les réflexions que
Périclès se rappelait à lui-même toutes les fois qu'il prenait
sa chlamyde : "Observe-toi, Périclès : tu commandes à des
hommes libres, tu commandes à des Grecs, tu commandes à
citoyens d'Athènes." Il faut vous dire encore : « Tu es commandé
en même temps que tu commandes, puisque la ville
est soumise à des proconsuls, à des lieutenants de l'Empereur. »
Ce ne sont plus
"Ces plaines, vaste champ pour la valeur guerrière",
ce n'est plus cette antique cité de Sardes, cette fameuse
puissance des Lydiens. Il faut revêtir une chlamyde moins
traînante, porter du prétoire les yeux vers le tribunal, ne
pas attacher trop de prix et de confiance à sa couronne, et
voir au-dessus de sa tête les brodequins des magistrats
romains. Il faut imiter les acteurs de théâtre, qui mettent
bien au service de la pièce jouée par eux ce qu'ils ont de
pathétique, de naturel, de dignité, mais qui écoutent aussi le
souffleur et se renferment dans la mesure et dans les bornes
du rôle tel qu'il leur a été imposé par ceux qui leur commandent.
Car les chutes en administration ne provoquent
pas des sifflets et des éclats de rire : souvent intervient
"Un terrible vengeur : le fer, qui décapite",
comme il est arrivé chez vous à Pardalas pour avoir oublié
ses limites. Un autre, relégué dans une île, est comme dit Solon,
"Devenu Sicinite ou Pholégandrien
En perdant tout à coup son nom d'Athénien".
Quand nous voyons les petits enfants qui tâchent de chausser
les sandales de leurs pères et de se coiffer de leurs couronnes,
nous nous mettons à rire, mais les magistrats qui
dans les cités veulent follement que l'on imite les exploits,
la fierté, les actions des ancêtres quand il n'y a plus analogie
de circonstances et de positions, exaltent mal à propos
la multitude en prêtant eux-mêmes à rire. Et pourtant le
sort qui les attend n'est pas risible, à moins qu'on ne les
laisse tomber dans le plus profond mépris.
Il y a bien assez d'autres faits des premiers Grecs à passer
en revue si l'on veut former et corriger les moeurs de
ceux d'aujourd'hui. Par exemple on peut rappeler aux
Athéniens non pas des exploits guerriers, mais le décret
d'amnistie publié après l'expulsion des Trente. On peut leur
dire que Phrynicus fut condamné à l'amende pour avoir
fait représenter une tragédie intitulée la "Prise de Milet";
que les Athéniens se mirent des couronnes sur la tête
quand Cassandre releva les murs de Thèbes; que lorsqu'ils
eurent appris la terrible exécution faite à Argos, exécution
dans laquelle les habitants de cette dernière ville firent périr
sous le bâton quinze cents Athéniens, ils ordonnèrent des
expiations qui furent accomplies en assemblée générale;
qu'enfin, dans l'affaire d'Harpalus, comme on fouillait les
maisons ils voulurent que l'on passât en la laissant intacte,
et ce fut la seule, devant la demeure d'un nouveau marié.
C'est en imitant aujourd'hui de pareils actes que les Athéniens
peuvent égaler leurs ancêtres. Mais des exploits comme
ceux de Marathon, d'Eurymédon, de Platée, et tous ces
exemples qui ne servent qu'à enfler les esprits et à les
remplir d'une fierté vaine, il faut les reléguer dans les
écoles de sophistes.
| [18] Οὐ μόνον δὲ δεῖ παρέχειν αὑτόν τε καὶ τὴν
πατρίδα πρὸς τοὺς ἡγεμόνας ἀναίτιον, ἀλλὰ καὶ
φίλον ἔχειν ἀεί τινα τῶν ἄνω δυνατωτάτων, ὥσπερ
ἕρμα τῆς πολιτείας βέβαιον· αὐτοὶ γάρ εἰσι Ῥωμαῖοι
πρὸς τὰς πολιτικὰς σπουδὰς προθυμότατοι
τοῖς φίλοις· καὶ καρπὸν ἐκ φιλίας ἡγεμονικῆς λαμβάνοντας,
οἷον ἔλαβε Πολύβιος καὶ Παναίτιος τῇ
Σκιπίωνος εὐνοίᾳ πρὸς αὐτοὺς μεγάλα τὰς πατρίδας
ὠφελήσαντες, εἰς εὐδαιμονίαν δημοσίαν
ἐξενέγκασθαι καλόν. Ἄρειόν τε Καῖσαρ, ὅτε τὴν
Ἀλεξάνδρειαν εἷλε, διὰ χειρὸς ἔχων καὶ μόνῳ
προσομιλῶν τῶν συνήθων συνεισήλασεν, εἶτα τοῖς
Ἀλεξανδρεῦσι τὰ ἔσχατα προσδοκῶσι καὶ δεομένοις
ἔφη διαλλάττεσθαι διά τε τὸ μέγεθος τῆς
πόλεως καὶ διὰ τὸν οἰκιστὴν Ἀλέξανδρον, "καὶ
τρίτον," ἔφη, "τῷ φίλῳ μου τούτῳ χαριζόμενος."
ἆρά γ´ ἄξιον τῇ χάριτι ταύτῃ παραβαλεῖν τὰς
πολυταλάντους ἐπιτροπὰς καὶ διοικήσεις τῶν
ἐπαρχιῶν, ἃς διώκοντες οἱ πολλοὶ γηράσκουσι
πρὸς ἀλλοτρίαις θύραις, τὰ οἴκοι προλιπόντες· ἢ
τὸν Εὐριπίδην ἐπανορθωτέον ᾄδοντα καὶ λέγοντα,
ὡς εἴπερ ἀγρυπνεῖν χρὴ καὶ φοιτᾶν ἐπ´ αὔλειον
ἑτέρου καὶ ὑποβάλλειν ἑαυτὸν ἡγεμονικῇ συνηθείᾳ,
πατρίδος πέρι κάλλιστον ἐπὶ ταῦτα χωρεῖν, τὰ δ´
ἄλλα τὰς ἐπὶ τοῖς ἴσοις καὶ δικαίοις φιλίας ἀσπάζεσθαι
καὶ φυλάττειν;
| [18] Il ne suffit pas de se mettre soi-même, ainsi que sa
ville, à l'abri de tout reproche de la part du souverain. On
aura eu soin de se ménager constamment l'amitié de quelque
personnage dans le nombre de ceux qui ont le plus de
crédit, et ce personnage deviendra comme le ferme soutien
de votre administration. C'est ainsi que les seigneurs romains
sont des amis politiques très dévoués; et si, loin de
profiter pour soi de cette faveur des grands, on imite un
Polybe, un Panétius, qui firent tourner à l'utilité de leur
patrie la bienveillance que leur accordait Scipion, on contribue
de la manière la plus glorieuse au bien public.
Arius eut ce bonheur. César-Auguste s'étant emparé
d'Alexandrie fit son entrée dans la ville en le tenant par la
main, et ne parlant qu'à lui seul parmi ceux de sa suite. Les
Alexandriens s'attendaient à des rigueurs extrêmes, et sollicitaient
leur pardon. Auguste déclara qu'il se réconciliait
avec eux, à cause de l'importance de leur ville, à cause
d'Alexandre qui en était le fondateur, "et en troisième lieu,
ajouta-t-il, parce que je veux être agréable à cet ami que voilà."
Est-il convenable de mettre en balance avec de tels bienfaits
les intendances lucratives, les gouvernements de provinces,
que tant d'ambitieux vieillissent à poursuivre, assiégeant la
porte des autres et abandonnant les affaires de leur propre
pays? Ou bien, y a-t-il lieu de redresser Euripide, lorsqu'il
met en vers la pensée dont voici le sens : "S'il faut veiller et
être assidu à la cour d'un étranger, s'il faut devenir le
courtisan d'un prince, c'est dans l'intérêt de sa patrie qu'il
est beau d'aller jouer un tel rôle." En toute autre circonstance
le mieux est de s'en tenir aux amitiés qui se fondent
sur l'égalité et la justice, et de ne rechercher que celles-là.
| | |