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[7] Ἔστι δὲ μέγα καὶ θαυμαστόν, ἂν ὅσον ἡ φύσις
δεομένη δέχεται τῶν ἡδονῶν προσιέμενοι τῷ
σώματι, μᾶλλον δ´ ἂν τὰ πολλὰ παρὰ τὰς ὀρέξεις
αὐτῷ διαμαχόμενοι καὶ ἀναβαλλόμενοι καὶ μόλις
πάνυ ταῖς ἀναγκαίαις χρηματίζοντες ἤ, ὥς φησιν
ὁ Πλάτων, καὶ δάκνοντος καὶ κατατείνοντος ἐνδιδόντες
ἀβλαβεῖς ἀπαλλάττωμεν. τὰς δ´ ἀνάπαλιν
ἐκ τῆς ψυχῆς ἐπὶ τὸ σῶμα κατιούσας ἐπιθυμίας
καὶ καταβιαζομένας τοῖς ἐκείνης ὑπηρετεῖν καὶ
συνεξανίστασθαι πάθεσιν οὐδεμία μηχανὴ τὸ μὴ
σφοδροτάτας βλάβας καὶ μεγίστας ἐφ´ ἡδοναῖς
ἀσθενέσι καὶ ἀμαυραῖς ἐναπολιπεῖν. ἥκιστα δὲ
ψυχῆς ἐπιθυμίᾳ σῶμα πρὸς ἡδονὰς κινητέον· ἡ
γὰρ ἀρχὴ παρὰ φύσιν γίγνεται. καὶ καθάπερ αἱ
τῶν μασχαλῶν ψηλαφήσεις οὐκ ἴδιον οὐδὲ πρᾶον
οὐδ´ ἵλεων γέλωτα τῇ ψυχῇ παρέχουσιν ἀλλ´
ἐοικότα σπασμῷ καὶ χαλεπόν, οὕτω πάλιν ὅσας
τὸ σῶμα νυττόμενον ὑπὸ τῆς ψυχῆς ἡδονὰς ἴσχει
καὶ ταραττόμενον, ἐκστατικαὶ καὶ ταρακτικαὶ
αὗται καὶ ἀλλότριαι τῆς φύσεώς εἰσιν. ὅταν οὖν
τι τῶν σπανίων ἀπολαυσμάτων ἢ ἐνδόξων παραγένηται,
φιλοτιμητέον ταῖς ἀποσχέσεσι μᾶλλον ἢ
ταῖς ἀπολαύσεσι, μεμνημένους ὅτι καθάπερ ὁ
Σιμωνίδης ἔλεγε μηδέποτ´ αὐτῷ μεταμελῆσαι
σιγήσαντι, φθεγξαμένῳ δὲ πολλάκις, οὕτως ἡμῖν
οὔτ´ ὄψον παρωσαμένοις μετεμέλησεν οὔθ´ ὕδωρ
ἀντὶ Φαλερίνου πιοῦσιν, ἀλλὰ τοὐναντίον· οὐ μόνον
οὐ προσβιαστέον ἐστὶ τὴν φύσιν, ἀλλὰ κἂν δεομένῃ
προσφέρηταί τι τῶν τοιούτων, ἐπὶ τὰ λιτὰ καὶ
συνήθη πολλάκις ἀποτρεπτέον ἔθους ἕνεκα καὶ
μελέτης τὴν ὄρεξιν.
εἴπερ γὰρ ἀδικεῖν χρή,
φησὶν ὁ Θηβαῖος οὐκ ὀρθῶς λέγων,
τυραννίδος πέρι
κάλλιστον ἀδικεῖν·
ἡμεῖς δὲ βέλτιον ὡς, εἴπερ φιλοδοξεῖν πρὸς τὰ τοιαῦτα,
ἐγκρατείᾳ κάλλιστον ὑπὲρ ὑγιείας. οὐ μὴν
ἀλλὰ καὶ μικρολογία καὶ γλισχρότης ἐνίους ἀναγκάζει
πιέζοντας οἴκοι τὰς ἐπιθυμίας καὶ κατισχναίνοντας
ἐμπίπλασθαι παρ´ ἑτέροις τῶν πολυτελῶν καὶ
ἀπολαύειν, καθάπερ ἐκ πολεμίας ἀφειδῶς ἐπισιτιζομένους·
εἶτα κακῶς διατεθέντες ἀπίασιν, εἰς τὴν
ὑστεραίαν ἐφόδιον τῆς ἀπληστίας τὴν ἀπεψίαν ἔχοντες.
ὁ μὲν οὖν Κράτης διὰ τρυφὴν καὶ πολυτέλειαν
οἰόμενος οὐχ ἥκιστα τὰς στάσεις καὶ τὰς τυραννίδας
ἐμφύεσθαι ταῖς πόλεσι, μετὰ παιδιᾶς παρῄνει
μὴ πρὸ φακῆς λοπάδ´ αὔξων
αἰεὶ ἐς στάσιν ἄμμε βάλῃς·
αὐτὸς δέ τις ἑαυτῷ παρακελευέσθω "μὴ πρὸ φακῆς
λοπάδ´ αὔξων αἰεὶ" μηδὲ πάντως ὑπερβαίνων τὴν
καρδαμίδα καὶ τὴν ἐλαίαν ἐπὶ τὸ θρῖον καὶ τὸν
ἰχθὺν εἰς στάσιν ἐκ πλησμονῆς τὸ σῶμα καὶ ταραχὰς
ἐμβάλλειν καὶ διαρροίας. τὰ γὰρ εὐτελῆ
κρατεῖ τὴν ὄρεξιν ἐπὶ τῶν φυσικῶν μέτρων,
ὀψοποιῶν δὲ τέχναι καὶ δημιουργῶν καὶ
τὰ πανοῦργα ταῦτ´ ὀψάρια χὑποτρίμματα
κατὰ τὸν κωμικὸν ἀεὶ τοὺς ὅρους τῆς ἡδονῆς μετατίθησιν
εἰς τοὔμπροσθεν καὶ παραλλάττει τὸ συμφέρον.
οὐκ οἶδα δ´ ὅντινα τρόπον, ἡμῶν τὰς γυναῖκας
ὅσαι φίλτρα μηχανῶνται καὶ γοητείας ἐπὶ τοὺς
ἄνδρας βδελυττομένων καὶ δυσχεραινόντων, μισθωτοῖς
τε καὶ δούλοις προϊέμεθα τὰ σιτία καὶ τὰ ὄψα
μονονοὺ μαγγανεύειν καὶ φαρμάττειν. εἰ τοίνυν
καὶ πικρότερον φανεῖται τὸ τοῦ Ἀρκεσιλάου πρὸς
τοὺς μοιχικοὺς καὶ ἀκολάστους εἰρημένον, "μηδὲν
διαφέρειν ὄπισθέν τινα ἢ ἔμπροσθεν εἶναι κίναιδον,"
οὐκ ἀνάρμοστόν ἐστι τοῖς ὑποκειμένοις. τί γὰρ ὡς
ἀληθῶς διαφέρει σατύρια προσάγοντα κινεῖν καὶ
παροξύνειν τὸ ἀκόλαστον ἐπὶ τὰς ἡδονάς, ἢ τὴν
γεῦσιν ὀσμαῖς καὶ καρυκείαις ἐρεθίζειν ὥσπερ τὰ
ψωριῶντα κνησμῶν ἀεὶ δεῖσθαι καὶ γαργαλισμῶν;
| [7] Effet aussi grand qu'admirable ! Si nous accordons
seulement à notre corps les plaisirs autorisés par la nature,
ou même, ce qui est mieux, si nous luttons contre ce corps,
si nous reculons toujours l'instant où il nous faudra composer
absolument et malgré nous avec des appétits à l'aiguillon
et à la violence desquels nous serons obligés, comme dit Platon,
de céder enfin, ce ne sera jamais à notre détriment que
nous sortirons de cette lutte soutenue. Au contraire lorsque
l'âme, communiquant ses désirs au corps, force celui-ci à
être le ministre et le complice de ses passions, il n'y a aucun
moyen d'empêcher que ce même corps ne reste très
gravement, très profondément altéré, à la suite de ces
plaisirs aussi superficiels que passagers. Il ne faut pas que
ce soient les désirs de l'âme qui excitent le corps au plaisir :
c'est là une marche contraire à la nature. De même
que le chatouillement des aisselles provoque dans l'âme un
rire qui n'a rien qui lui soit propre, rien de doux ni de
gracieux, car ce rire est pénible et semble convulsif; de
même tous les plaisirs que le corps ne ressent qu'après
avoir été stimulé et ébranlé par l'âme, le mettent hors de
lui, le troublent et sont contraires à sa nature. Aussi, toutes
les fois que l'occasion est offerte de goûter à ces jouissances
rares ou vantées, il faut se faire un mérite de s'en abstenir
plutôt que de les satisfaire, et se rappeler le mot de Simonide :
«Je me suis souvent repenti d'avoir parlé, jamais
d'avoir gardé le silence.» Pareillement, nous ne nous
sommes jamais repentis d'avoir refusé d'un plat, ni d'avoir
bu de l'eau en place de Falerne : tout au contraire. Non
seulement il ne faut pas violenter la nature, mais encore,
si de semblables tentations s'offrent à elle quand elle éprouve
un besoin de manger, mieux vaut, dans l'intérêt de nos
habitudes et de notre régime, détourner souvent ses appétits
vers ce qu'il y a de plus simple et de plus ordinaire.
"S'il faut commettre un crime,
dit ce Thébain dont je blâme les paroles,
De ce crime il est beau qu'un trône soit le prix".
S'il y a lieu de montrer de l'ambition en ces choses-là, que
ce soit en faisant preuve de modération pour garantir le
maintien de sa santé. Et cependant la bassesse d'âme et la
mesquinerie en forcent quelques-uns à comprimer à la maison
leurs désirs et à les mortifier; puis quand ils sont
chez les autres ils s'emplissent et se régalent des mets les
plus coûteux, comme d'un butin ennemi qu'on dévore sans
ménagement. Ils repartent ensuite en triste état; et quelles
provisions s'est ménagées leur gourmandise? Une indigestion,
qui les attend le lendemain. Aussi Cratès était-il convaincu
que c'est la sensualité et l'excès du luxe qui introduisent
dans les Etats les séditions et le despotisme, et il disait
en plaisantant: "Ah! ne vous jetez pas dans les révolutions,
en faisant le plat plus grand que la lentille''. Pareillement,
chacun doit se dire à soi-même : «ne fais pas constamment
ton plat plus grand que tes lentilles, ne dédaigne jamais le
cresson et l'huile pour leur préférer la délicate andouillette
et le poisson : il y aurait révolution dans ta personne, ta
gourmandise exposerait ton corps à des désordres et à des
dérangements.» Les mets simples maintiennent l'appétit
dans les bornes de la nature; mais l'art des cuisiniers et des
pâtissiers, leurs ragoûts et leurs friandises, «reculent sans
cesse plus loin les limites de la sensualité», selon l'expression
du poète comique. Ils outrepassent ce qui en est bon
pour nous; et, je ne sais par quelle inconséquence, tandis
que nous sommes pleins de haine et d'aversion à l'égard des
femmes qui préparent des philtres et des enchantements
contre leurs maris, nous laissons des mercenaires, des esclaves,
ensorceler en quelque sorte et empoisonner nos aliments
et nos ragoûts. Bien que doive paraître trop amer le
mot d'Arcésilas contre les adultères et les libertins : «Il
n'importe pas si c'est par devant ou par derrière que l'on
est débauché», ce mot, pourtant, s'applique avec beaucoup
de justesse au sujet que nous traitons. Quelle différence y
a-t-il, en réalité, entre celui qui emploie des aphrodisiaques
pour s'exciter à la débauche et aux voluptés, et celui
qui irrite son appétit par des fumets, par des assaisonnements?
Ne semble-t-il pas que l'on ait des démangeaisons par suite
desquelles on a toujours besoin de se sentir chatouillé et gratté?
| [8] Ἄλλοτε μὲν οὖν πρὸς τὰς ἡδονὰς λεκτέον
ἴσως, τὸ καλὸν καὶ σεμνὸν ἐφ´ ἑαυτοῦ τῆς ἐγκρατείας
οἷόν ἐστι δεικνύοντας· ὁ δὲ νῦν λόγος ὑπὲρ
πολλῶν ἡδονῶν καὶ μεγάλων ἐστίν. οὔτε γὰρ πράξεις
οὔτ´ ἐλπίδας οὔτ´ ἀποδημίας οὔτε διαγωγὰς αἱ
νόσοι τοσαύτας ὅσας ἡδονὰς ἡμῶν ἀφαιροῦνται καὶ
διαφθείρουσιν. ὅθεν ἥκιστα λυσιτελεῖ καταφρονεῖν
τῆς ὑγιείας τοῖς μάλιστα τὴν ἡδονὴν διώκουσι.
καὶ γὰρ φιλοσοφεῖν ἀρρωστίαι πολλοῖς παρέχουσι
καὶ στρατηγεῖν νὴ Δία καὶ βασιλεύειν, ἡδοναὶ δὲ
σωματικαὶ καὶ ἀπολαύσεις ἔνιαι μὲν οὐδ´ ὅλως
γένεσιν ἐν νόσῳ λαμβάνουσιν, αἱ δὲ λαμβάνουσαι
βραχὺ τὸ οἰκεῖον καὶ οὐ καθαρὸν ἀλλὰ συμπεφυρμένον
πολλῷ τῷ ἀλλοτρίῳ καὶ μεμωλωπισμένον
ὥσπερ ἐκ ζάλης καὶ χειμῶνος ἀναφέρουσιν. οὐ
γὰρ ἐν πλησμοναῖς Κύπρις,
ἀλλὰ μᾶλλον ἐν εὐδίᾳ σαρκὸς καὶ γαλήνῃ καὶ
Κύπρις εἰς ἡδονὴν τελευτᾷ καὶ βρῶσις καὶ πόσις·
ἡ δ´ ὑγίεια ταῖς ἡδοναῖς ὥσπερ ἡ γαλήνη ταῖς ἀλκυόσιν
ἀσφαλῆ καὶ καλὴν γένεσιν καὶ λοχείαν ἐνδίδωσι.
κομψῶς γὰρ ἔοικεν ὁ Πρόδικος εἰπεῖν ὅτι
τῶν ἡδυσμάτων ἄριστόν ἐστι τὸ πῦρ· ἀληθέστερον
δ´ ἄν τις εἴποι τὴν ὑγίειαν ἥδυσμα θειότατον εἶναι
καὶ προσηνέστατον· ἑφθὰ μὲν γὰρ καὶ ὀπτὰ καὶ
πεπτὰ βρώματα νοσοῦσιν ἢ κραιπαλῶσιν ἢ ναυτιῶσιν
οὐδεμίαν ἡδονὴν οὐδὲ χάριν ἀποδίδωσι, καθαρὰ
δὲ καὶ ἀκραιφνὴς ὄρεξις ὑγιαίνοντι σώματι πᾶν
ἡδὺ ποιεῖ καὶ "ἁρπαλέον," ὡς Ὅμηρος ἔφη, καὶ πρόσφορον.
| [8] Peut-être aurai-je à parler ailleurs contre les voluptés,
en même temps que je ferai voir combien est noble et beau
l'empire exercé sur elles. Aujourd'hui je plaide la cause des
plaisirs envisagés sous le rapport de leur nombre et de leur
vivacité. Ce sont bien moins souvent les maladies que les
plaisirs, qui dans nos actions, nos espérances, nos voyages,
nos divertissements, sont une cause de privations et d'amertumes.
C'est donc aux hommes qui poursuivent les plaisirs avec
plus d'empressement, qu'il importe de moins négliger le soin
de leur santé. De nombreux exemples prouvent que les infirmités
permettent de vaquer à la philosophie, de commander
des armées, de gouverner des royaumes. Mais il y a certaines
voluptés, certaines jouissances corporelles, que l'on ne
saurait goûter lorsque l'on est en état de maladie. Certaines
autres peuvent se produire alors, il est vrai, mais elles n'ont
rien qui leur soit propre, qui soit pur : tout y est mélangé
et corrompu par des affections étrangères, comme s'il y avait
eu orage et tempête. Ce n'est pas lorsqu'il y a réplétion
qu'il convient de se livrer aux ébats de Vénus, mais bien
plutôt lorsqu'il y a calme et sérénité de la chair. Quelle est
la fin que se proposent ces ébats? Le plaisir, qui est aussi
la fin où tendent le manger et le boire. Or c'est sous les
auspices de la santé que le plaisir s'épanouit, de même que
le calme de l'Océan ménage aux Alcyons une couvée
tranquille et une belle progéniture. On regarde comme pleine
de justesse cette parole de Prodicus, "que des assaisonnements
le meilleur c'est le feu". On peut dire avec non moins
de vérité que l'assaisonnement le plus divin et le plus délicat,
c'est la santé. Qu'ils soient bouillis, rôtis, ou cuits,
des aliments ne sauraient causer aucun plaisir, aucune
satisfaction à des personnes malades, ou ivres, ou ayant le
mal de mer; mais l'appétit pur et naturel d'une personne
qui se porte bien lui fait trouver tout exquis et délicieux;
comme dit Homère "Tout est avidement saisi, tout, dévoré".
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