[12] ‘Ἀλλὰ σκοπεῖτε τὸν λόγον’ ἔφην ‘μὴ τοῦ καιροῦ
πορρωτέρω πρόεισι.’ καὶ ὁ Τίμων ‘τυχόν’ ἔφη ‘πρὸς τὸ
μέλλον καὶ τὸ λειπόμενον αὐτῷ μῆκος. ἤδη γὰρ ὥσπερ
ἔφεδρον ἀνίστημι τὴν τελευταίαν ἀπορίαν, ἐπεὶ ταῖς πρώταις
διηγώνισται μετρίως. ἃ γὰρ Εὐριπίδης
ἐγκαλεῖ καὶ παρρησιάζεται πρὸς τοὺς θεοὺς ’τὰ τῶν
τεκόντων σφάλματ´ εἰς τοὺς ἐγγόνους‘ τρέποντας, αἰτιᾶσθαι
νόμιζε καὶ τοὺς σιωπῶντας ἡμῶν. εἴτε γὰρ οἱ δράσαντες
αὐτοὶ δίκην ἔδοσαν, οὐθὲν ἔτι δεῖ κολάζειν τοὺς
μὴ ἀδικήσαντας, ὅπου δὶς ἐπὶ τοῖς αὐτοῖς οὐδὲ τοὺς
δράσαντας δίκαιον· εἴτε ῥᾳθυμίᾳ καταπροέμενοι τὴν τιμωρίαν
ἐν τοῖς πονηροῖς ὀψὲ παρὰ τῶν ἀναιτίων εἰσπράττουσιν,
οὐκ εὖ τῷ ἀδίκως τὸ βραδέως ἀναλαμβάνουσιν.
οἷον ἐνταῦθα δήπουθεν λέγεται ἐλθεῖν Αἴσωπον, ἔχοντα
παρὰ Κροίσου χρυσίον ὅπως τε τῷ θεῷ θύσῃ μεγαλοπρεπῶς
καὶ Δελφῶν ἑκάστῳ διανείμῃ μνᾶς τέσσαρας·
ὀργῆς δέ τινος, ὡς ἔοικεν, αὐτῷ καὶ διαφορᾶς γενομένης
πρὸς τοὺς αὐτόθι τὴν μὲν θυσίαν ἐποιήσατο, τὰ δὲ χρήματ´
ἀνέπεμψεν εἰς Σάρδεις, | ὡς οὐκ ἀξίων ὄντων ὠφεληθῆναι
τῶν ἀνθρώπων· οἱ δὲ συνθέντες αἰτίαν ἐπ´ αὐτὸν
ἱεροσυλίας ἀπέκτειναν, ὤσαντες ἀπὸ τῆς πέτρας ἐκείνης
ἣν Ὑάμπειαν καλοῦσιν. ἐκ δὲ τούτου λέγεται μηνῖσαν τὸ
θεῖον αὐτοῖς ἀφορίαν τε γῆς ἐπαγαγεῖν καὶ νόσων ἀτόπων
ἰδέαν πᾶσαν, ὥστε περιιόντας ἐν ταῖς Ἑλληνικαῖς πανηγύρεσι
κηρύσσειν καὶ καλεῖν ἀεὶ τὸν βουλόμενον ὑπὲρ
Αἰσώπου δίκην λαβεῖν παρ´ αὐτῶν. τρίτῃ δὲ γενεᾷ Σάμιος
Ἴδμων ἀφίκετο, γένει μὲν οὐδὲν Αἰσώπῳ προσήκων ἀπόγονος
δὲ τῶν πριαμένων αὐτὸν ἐν Σάμῳ γεγονώς· καὶ
τούτῳ τινὰς δίκας δόντες οἱ Δελφοὶ τῶν κακῶν ἀπηλλάγησαν.
ἐξ ἐκείνου δέ φασι καὶ τὴν τιμωρίαν τῶν ἱεροσύλων
ἐπὶ τὴν Αὐλίαν ἀπὸ τῆς Ὑαμπείας μετατεθῆναι. καὶ
τὸν Ἀλέξανδρον οὐδ´ οἱ πάνυ φιλοῦντες, ὧν ἐσμεν καὶ
ἡμεῖς, ἐπαινοῦσι τὸ Βραγχιδῶν ἄστυ συγχέαντα καὶ διαφθείραντα
πᾶσαν ἡλικίαν διὰ τὴν γενομένην τοῦ περὶ
Μίλητον ἱεροῦ προδοσίαν ὑπὸ τῶν προπάππων αὐτῶν.
Ἀγαθοκλῆς δ´ ὁ Συρακοσίων τύραννος καὶ σὺν γέλωτι
χλευάζων Κερκυραίους ἐρωτῶντας διὰ τί πορθοίη τὴν
νῆσον αὐτῶν ’ὅτι νὴ Δί´‘ εἶπεν ’οἱ πατέρες ὑμῶν ὑπεδέξαντο
τὸν Ὀδυσσέα‘, καὶ τῶν Ἰθακησίων ὁμοίως ἐγκαλούντων
ὅτι πρόβατα λαμβάνουσιν αὐτῶν οἱ στρατιῶται
’ὁ δ´ ὑμέτερος‘ ἔφη ’βασιλεὺς ἐλθὼν πρὸς ἡμᾶς καὶ τὸν
ποιμένα προσεξετύφλωσεν.‘ ἆρ´ οὖν οὐκ ἀτοπώτερος τούτων
ὁ Ἀπόλλων, εἰ Φενεάτας ἀπόλλυσι τοὺς νῦν, ἐμφράξας
τὸ βάραθρον καὶ κατακλύσας τὴν χώραν ἅπασαν αὐτῶν,
ὅτι πρὸ χιλίων ἐτῶν, ὥς φασιν, ὁ Ἡρακλῆς ἀνασπάσας
τὸν τρίποδα τὸν μαντικὸν εἰς Φενεὸν ἀπήνεγκε, Συβαρίταις
δὲ φράζων ἀπόλυσιν τῶν κακῶν, ὅταν τρισὶν ὀλέθροις
ἱλάσωνται τὸ μήνιμα τῆς Λευκαδίας Ἥρας; καὶ μὴν οὐ
πολὺς χρόνος ἀφ´ οὗ Λοκροὶ πέμποντες εἰς Τροίαν πέπαυνται
τὰς παρθένους,
’Αἳ καὶ ἀναμπέχονοι γυμνοῖς ποσὶν ἠύτε δοῦλαι
ἠοῖαι σαίρεσκον Ἀθηναίης περὶ βωμόν,
νόσφι κρηδέμνοιο, καὶ εἰ βαθὺ γῆρας ἱκάνοι,‘
διὰ τὴν Αἴαντος ἀκολασίαν. ποῦ δὴ ταῦτα τὸ εὔλογον
ἴσχει καὶ δίκαιον; οὐδὲ γὰρ Θρᾷκας ἐπαινοῦμεν, ὅτι στίζουσιν
ἄχρι νῦν τιμωροῦντες Ὀρφεῖ τὰς αὑτῶν γυναῖκας,
οὐδὲ τοὺς περὶ Ἠριδανὸν βαρβάρους μελανοφοροῦντας
ἐπὶ πένθει τοῦ Φαέθοντος, ὥσπερ λέγουσιν· ἔτι δ´ ἂν
οἶμαι γελοιότερον ἦν, εἰ τῶν τότ´ ἀνθρώπων, ὅτε διεφθάρη
Φαέθων, παραμελησάντων οἱ πέντε γενεαῖς ἢ δέκα
τοῦ πάθους ὕστερον γεγονότες ἤρξαντο τὴν ἐσθῆτα μεταβάλλειν
ἐπ´ αὐτῷ καὶ πενθεῖν. καίτοι τοῦτ´ ἀβελτερίαν μὲν
ἔχει μόνον οὐδὲν δὲ δεινὸν οὐδ´ ἀνήκεστον· αἱ δὲ τῶν θεῶν
ὀργαὶ τίνι λόγῳ παραχρῆμα δυόμεναι καθάπερ ἔνιοι τῶν
ποταμῶν εἶθ´ ὕστερον ἐπ´ ἄλλους ἀναφερόμεναι πρὸς
ἐσχάτας συμφορὰς τελευτῶσιν;’
| [12] «Mais, ajoutai-je, voyez à ce que je ne dépasse pas,
en parlant, les bornes que le temps nous prescrit."—«Cela
pourrait bien être, dit Timon, à en juger par ce que
nous devons encore présenter, et par la longueur des développements
qui restent à produire. Car je tiens déjà, comme
on réserve un nouveau champion, ma dernière difficulté,
maintenant que l'on s'est assez convenablement escrimé
contre les premières. Le reproche qu'Euripide adresse hardiment aux Dieux,
"De punir les enfants des fautes de leurs pères",
croyez bien que nous le faisons tout bas. En effet, ou les
auteurs du crime ont été punis, et il n'y a pas lieu à en
châtier encore des innocents, puisqu'il serait injuste de
faire subir double expiation aux coupables eux-mêmes; ou
bien, les Dieux ayant, par mollesse, négligé de poursuivre
leur vengeance sur les auteurs, l'exercent contre ceux qui
n'ont rien à se reprocher, et alors il n'est pas convenable
que l'injustice du châtiment prétende en compenser la lenteur.
Je citerai un exemple. On rapporte qu'Ésope était venu
ici chargé par Crésus d'une somme d'or. Il devait la consacrer
en partie à la célébration d'un somptueux sacrifice en
l'honneur du Dieu, et distribuer quatre mines à chaque
Delphien. Irrité contre les habitants à la suite de je ne sais
quelle contestation, il accomplit le sacrifice ; mais il renvoya
le reste de l'argent à Sardes, parce qu'il ne crut pas
les Delphiens dignes d'une telle gratification. Ils lui intentèrent
une accusation de sacrilége, et le mirent à mort en le
précipitant du haut de cette roche fameuse qu'on nomme
Hyampie. Dès ce moment, dit-on, le courroux du Dieu s'appesantit
sur leur tête. Il frappa le sol de stérilité; il les accabla
de mille sortes de maladies plus étranges les unes
que les autres; si bien qu'ils allaient se rendant à toutes
les assemblées des Grecs, et faisant proclamer qu'ils appelaient
contre eux-mêmes un vengeur qui voulût leur faire
expier le meurtre d'Esope. A la troisième génération, il se
présenta un Samien, nommé Idmon. Il n'appartenait aucunement
à la famille d'Ésope; mais il descendait de ceux qui
avaient acheté le fabuliste à Samos. Les Delphiens lui accordèrent
certaines satisfactions qu'il exigea, et les maux dont
ils étaient accablés cessèrent de peser sur eux. C'est depuis
cette époque, dit-on, que le supplice des sacriléges fut
transféré de la roche Hyampie à celle de Nauplia.
Les plus fervents admirateurs d'Alexandre, et nous en
faisons partie, ne sauraient trouver louable sa conduite envers
la ville des Branchides, qu'il rasa de fond en comble,
après en avoir fait passer tous les habitants au fil de
l'épée, parce que leurs ancêtres avaient livré par trahison
le temple de Milet. Pareillement, Agathocle, tyran de
Syracuse, se moqua en riant des Corcyréens, qui lui demandaient
pourquoi il ravageait leur île : «Par Jupiter,
dit-il, c'est à cause que vos pères ont accueilli Ulysse.»
Puis, comme une autre fois ceux d'Ithaque se plaignaient
aussi que ses soldats leur prissent leurs troupeaux : «Votre
roi, répondit-il, n'en fit-il pas autant lorsqu'il vint chez
nous, et ne creva-t-il pas l'oeil à notre berger?» Mais
quoi! Apollon n'est-il pas encore moins raisonnable que tous
ceux-là? Il ruine aujourd'hui les Phénéates, ayant bouché
le gouffre où se perdaient les eaux qui inondent toute leur
contrée. Or il le fait parce qu'il y a mille ans, dit-on, Hercule
enleva le trépied prophétique pour le transporter à
Phénée. Ce même Apollon déclare aux Sybarites, qu'il les
délivrera de leurs maux quand ils auront apaisé par trois
destructions le courroux de Junon Leucadienne. Enfin, il
n'y a pas longtemps que les Locriens ont cessé d'envoyer à
Troie les jeunes vierges, qui,
"Sans voile, les pieds nus, les tempes dépouillées,
Balayaient le matin le temple de Pallas,
Et vieillissaient ainsi dans les soins les plus bas,"
en punition de la luxure d'Ajax. En quoi cela présente-t-il
ombre de raison et de justice? Nous n'approuvons pas
non plus les Thraces, qui stigmatisent encore aujourd'hui
leurs femmes en vengeance de la mort d'Orphée; non plus
que les Barbares de l'Eridan qui, vêtus de noir, portent de
nos jours, à ce qu'on dit, le deuil de Phaéthon. La chose
serait bien plus risible encore, si à l'époque même où périt
Phaéthon, ses ancêtres ne s'en étaient point préoccupés, si
c'était aujourd'hui, après que cinq ou dix générations se
sont succédé, que l'on commençât à changer de vêtements
et à le pleurer. Encore ne serait-ce là que de la sottise,
sans inconvénient sérieux et sans danger. Mais quelle raison
y a-t-il pour que le courroux des dieux s'étant caché tout
d'abord, comme font certaines rivières, reparaisse ensuite,
sévisse contre d'autres mortels, et se termine par des calamités extrêmes?
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