[11] Ὥστ´, εἰ μηδὲν ἔστι τῇ ψυχῇ μετὰ τὴν τελευτὴν ἀλλὰ καὶ χάριτος πέρας
ἁπάσης καὶ τιμωρίας ὁ θάνατος, μᾶλλον ἄν τις εἴποι τοῖς ταχὺ
κολαζομένοις τῶν πονηρῶν καὶ ἀποθνῄσκουσι μαλακῶς
καὶ ῥαθύμως χρῆσθαι τὸ δαιμόνιον.
Καὶ γὰρ εἰ μηδὲν ἄλλο φαίη τις ἐν τῷ βίῳ καὶ
τῷ χρόνῳ τὸν πονηρὸν πάσχειν κακόν, ἀλλ´ ἐξελεγχομένης
που τῆς ἀδικίας, πράγματος ἀκάρπου καὶ
ἀχαρίστου καὶ χρηστὸν οὐδὲν οὐδ´ ἄξιον σπουδῆς ἀναφέροντος
ἐκ πολλῶν καὶ μεγάλων ἀγώνων ἡ αἴσθησις
αὐτῶν ἀνατρέπει τὴν ψυχήν. οἷον ἱστοροῦσι δήπου
Λυσίμαχον ὑπὸ δίψης ἐκβιασθέντα καὶ παραδόντα τοῖς
Γέταις τὸ σῶμα καὶ τὴν δύναμιν, ὡς ἔπιεν ὑποχείριος
γενόμενος, εἰπεῖν ’φεῦ τῆς ἐμῆς κακίας, ὃς δι´
ἡδονὴν οὕτω βραχεῖαν ἐστέρημαι βασιλείας τηλικαύτης.‘
καίτοι γε πρὸς φυσικὴν πάθους ἀνάγκην ἀντιβῆναι παγχάλεπόν
ἐστιν· ὅταν δ´ ἄνθρωπος ἢ χρημάτων ἕνεκα πλεονεξίας
ἢ φθόνῳ πολιτικῆς δόξης καὶ δυνάμεως ἢ δι´ ἡδονήν
τινα συνουσίας ἄνομον ἔργον ἐργασάμενος καὶ δεινόν,
εἶτα τοῦ πάθους ἀφιεὶς τὸ διψῶδες καὶ μανικὸν ἐν χρόνῳ
καθορᾷ τὰ αἰσχρὰ καὶ φοβερὰ τῆς ἀδικίας πάθη παραμένοντα,
χρήσιμον δὲ μηδὲν μηδ´ ἀναγκαῖον μηδ´ ὀνησιφόρον,
ἆρ´ οὐκ εἰκὸς ἐμπίπτειν αὐτῷ πολλάκις λογισμόν,
ὡς ὑπὸ κενῆς δόξης ἢ δι´ ἡδονὴν ἀνελεύθερον καὶ ἀχάριστον
ἀνατρέψας τὰ κάλλιστα καὶ μέγιστα τῶν ἐν ἀνθρώποις
δικαίων ἐμπέπληκεν αἰσχύνης καὶ ταραχῆς τὸν
βίον; ὥσπερ γὰρ ὁ Σιμωνίδης ἔλεγε παίζων τὴν τοῦ
ἀργυρίου κιβωτὸν εὑρίσκειν ἀεὶ πλήρη τὴν δὲ τῶν χαρίτων
κενήν, οὕτως οἱ πονηροὶ τὴν κακίαν ἐν ἑαυτοῖς διορῶντες
ἀνθ´ ἡδονῆς μὲν εὐθὺς κενὴν χάριν ἐχούσης ἐλπίδος ἔρημον
εὑρίσκουσι, | φόβων δὲ καὶ λυπῶν καὶ μνήμης ἀτερποῦς καὶ
πρὸς μὲν τὸ μέλλον ὑποψίας ἀπιστίας δὲ πρὸς τὸ παρὸν ἀεὶ
γέμουσαν· ὥσπερ τῆς Ἰνοῦς ἀκούομεν ἐν τοῖς θεάτροις
λεγούσης, ἐφ´ οἷς ἔδρασε μεταμελομένης,
’Φίλαι γυναῖκες, πῶς ἂν ἐξ ἀρχῆς δόμους
Ἀθάμαντος οἰκήσαιμι τῶν πεπραγμένων
δράσασα μηδέν;‘
ταῦθ´ εἰκὸς ἑκάστου τῶν πονηρῶν τὴν ψυχὴν ἀναπολεῖν
ἐν αὑτῇ καὶ διαλογίζεσθαι, πῶς ἂν ἐκβᾶσα τῆς μνήμης τῶν
ἀδικημάτων καὶ τὸ συνειδὸς ἐξ ἑαυτῆς ἐκβαλοῦσα καὶ
καθαρὰ γενομένη βίον ἄλλον ἐξ ἀρχῆς βιώσειεν. οὐ γάρ
ἐστι θαρραλέον οὐδ´ ἄτυφον οὐδὲ μόνιμον καὶ βέβαιον ἐν
οἷς προαιρεῖται τὸ πονηρόν, εἰ μὴ νὴ Δία σοφούς τινας
εἶναι φήσομεν τοὺς ἀδικοῦντας· ἀλλ´ ὅπου φιλοπλουτία καὶ
φιληδονία περιμανὴς καὶ φθόνος ἄκρατος ἐνοικίζεται
μετὰ δυσμενείας ἢ κακοηθείας, ἐνταῦθα καὶ δεισιδαιμονίαν
σκοπῶν ἀνευρήσεις ὑποκαθημένην καὶ μαλακίαν
πρὸς πόνον καὶ δειλίαν πρὸς θάνατον καὶ μετάπτωσιν
ὀξεῖαν ὁρμῶν καὶ χαυνότητα πρὸς δόξαν ὑπ´ ἀλαζονείας·
καὶ τοὺς ψέγοντας φοβοῦνται καὶ τοὺς ἐπαινοῦντας
δεδίασιν ὡς ἀδικουμένους τῇ ἀπάτῃ καὶ μάλιστα
τοῖς κακοῖς πολεμοῦντας, ὅτι τοὺς δοκοῦντας
ἀγαθοὺς ἐπαινοῦσι προθύμως. τὸ γὰρ σκληρὸν ἐν
κακίᾳ καθάπερ ἐν φαύλῳ σιδήρῳ σαθρόν ἐστι καὶ τὸ
ἀντίτυπον εὔθραυστον. ὅθεν ἐν χρόνῳ πολλῷ μᾶλλον ὡς
ἔχουσιν αὑτοὺς καταμανθάνοντες ἄχθονται καὶ δυσκολαίνουσι
καὶ προβάλλονται τὸν ἑαυτῶν βίον. οὐ γὰρ δήπου
παρακαταθήκην μὲν ἀποδοὺς καὶ γνώριμον ἐγγυησάμενος
καὶ πατρίδι μετὰ δόξης καὶ φιλοτιμίας ἐπιδοὺς καὶ συνεισενεγκὼν
ὁ φαῦλος εὐθύς ἐστιν ἐν μεταμελείᾳ καὶ τοῖς
πεπραγμένοις ἀνιᾶται διὰ τὸ πάντῃ μεταπτωτὸν αὐτοῦ
καὶ πλανώμενον τῆς γνώμης, καὶ κροτούμενοί τινες ἐν
τοῖς θεάτροις εὐθὺς στένουσιν ὑπονοστούσης τῆς φιλοδοξίας
εἰς τὴν φιλαργυρίαν, οἱ δὲ καταθύοντες ἀνθρώπους
ἐπὶ τυραννίσι καὶ συνωμοσίαις ὡς Ἀπολλόδωρος, καὶ
χρήματα φίλων ἀποστεροῦντες ὡς Γλαῦκος ὁ Ἐπικύδους
οὐ μετενόουν οὐδ´ ἐμίσουν ἑαυτοὺς οὐδ´ ἠνιῶντο τοῖς γεγενημένοις.
ἐγὼ μὲν οὖν, εἰ θέμις ἐστὶν εἰπεῖν, οὔτε τινὸς
θεῶν οὔτ´ ἀνθρώπων δεῖσθαι κολαστοῦ νομίζω τοὺς
ἀνοσιουργοῦντας, ἀλλὰ τὸν βίον αὐτῶν ἐξαρκεῖν ὑπὸ τῆς
κακίας διεφθαρμένον ὅλον καὶ συντεταραγμένον.’
| [11] «Certes, s'il n'y a plus rien pour l'âme après cette
vie, si la mort met un terme à tout châtiment comme à toute
récompense, on peut dire que les méchants qui ne tardent
pas à être punis par la mort sont traités avec faveur et indulgence
par la Divinité. Quand il n'y aurait dans le cours
d'une longue vie d'autre supplice pour eux que d'apprécier
combien l'injustice est stérile et peu agréable en soi, que
de reconnaître qu'elle ne donne rien de bon, rien d'intéressant
en échange de tant et de si grandes luttes, cette conviction
suffirait pour bouleverser leur âme. C'est ainsi qu'on
rapporte que Lysimaque, forcé par la soif, livra aux Gètes sa
propre personne et son armée. Puis après qu'il eut bu étant
prisonnier, il s'écria : «Maudite soit ma lâcheté ! Faut-il
que pour une volupté si courte je me sois privé d'un si grand
royaume!» A la vérité, il est bien difficile de résister à la
nécessité d'un besoin physique. Mais lorsqu'un homme,
par la convoitise de quelque argent, ou par envie de la gloire
politique et de l'autorité, ou pour le plaisir de la chair,
commet une action illégale et criminelle, lorsqu'ensuite, la
soif et la fureur de sa passion s'étant calmée, il considère à
loisir qu'il ne lui en est resté que le sentiment honteux et
inquiet de son injustice, sans rien d'utile, de nécessaire ou
de profitable, n'est-il pas vraisemblable qu'il lui revient
souvent à l'esprit cette pensée, et qu'il se dit : "Pour une
vaine gloire, pour un plaisir qui n'a rien d'honnête et de
beau, j'ai foulé aux pieds les devoirs les plus nobles, les
plus importants de l'humanité, et j'ai rempli mon existence
de honte et de trouble"?
«Car comme Simonide disait en plaisantant, qu'il trouvait
toujours plein le coffre de l'argent et vide celui de la
reconnaissance; de même les méchants, quand ils considèrent
le vice en eux-mêmes à travers un plaisir qui donne une
jouissance momentanée et vaine, reconnaissent que ce plaisir
est destitué d'espérance et rempli au contraire de frayeurs, de
regrets, de souvenirs pénibles, de soupçons de l'avenir, de
défiance pour le présent. C'est ainsi que sur le théâtre nous
entendons Ino s'écrier, en se repentant de ce qu'elle a fait :
"D'Athamas que ne puis-je, ô compagnes chéries,
Comme autrefois, encore habiter le palais,
Sans avoir consommé tant d'odieux forfaits"!
Il est naturel que l'âme de tout malfaiteur roule en elle-même
ces pensées, et qu'elle se demande comment elle
pourra, éloignant le souvenir de ses injustices et chassant
ses remords, se purifier de ses souillures et recommencer à
vivre une autre vie. Rien, en effet, n'a moins de fermeté,
de simplicité, de constance et de stabilité que les décisions
du méchant. Ou bien il faudra, en vérité, que nous prétendions
voir dans les hommes injustes des espèces de sages.
Mais là où il y a avidité et amour extrême de la volupté, là
où habite une jalousie furieuse avec la malveillance et la
méchanceté, là aussi, pour peu que vous examiniez bien,
vous trouverez une superstition cachée, de la mollesse au
travail, de la crainte en présence de la mort, une mobilité
des plus vives dans les désirs, une recherche de la renommée,
et les indices d'un vain orgueil. En même temps que
de tels hommes ont peur du blâme, ils redoutent ceux qui les
louent. Ils voient en ceux-ci des gens qui se regardent comme
des victimes de leur injustice en se faisant imposteurs, et qui
sont ennemis déclarés des méchants parce qu'ils louent avec
ardeur ceux qu'ils regardent comme vertueux. Car ce qu'il y
a de dur dans la méchanceté n'est que pourri, comme dans le
mauvais fer; et la résistance qu'elle oppose est facile àbriser.
«Aussi, quand à la longue le méchant se reconnaît plus
clairement pour ce qu'il est, il se déplaît à lui-même : il
se hait, et maudit sa propre existence. On ne saurait en
effet admettre une contradiction comme celle-ci : Quoi ! le
méchant, après avoir rendu un dépôt, s'être porté caution
pour un ami, avoir fait par un mouvement de gloire et d'ambition
un sacrifice quelconque à sa patrie, en éprouve aussitôt
un regret et se le reproche, tant sa volonté est, par-dessus
tout, mobile et inconstante ! Quoi ! les applaudissements
qu'il en reçoit au théâtre le font aussitôt gémir, parce que
l'avarice reprend le pas sur l'ambition! Et ceux qui sacrifient
des hommes pour usurper le pouvoir ou organiser
des conspirations, comme un Apollodore; ceux qui dépouillent
des amis et les ruinent, comme un Glaucus, fils d'Epicyde,
ne seraient pas en proie aux remords! Ils ne se feraient
pas horreur ! ils ne détesteraient pas leur conduite !
Pour moi, s'il m'est permis de le dire, j'estime qu'il n'est
pas besoin qu'un dieu ou qu'un homme se charge de punir
les méchants : leur propre vie y est suffisante, souillée qu'elle
l'est tout entière et empoisonnée par leurs méfaits.
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