[8] Διὸ δεῖ τὸ πολὺ καὶ κενὸν ἀφαιροῦντα τῆς
λέξεως αὐτὸν διώκειν τὸν καρπὸν καὶ μιμεῖσθαι μὴ
τὰς στεφανηπλόκους ἀλλὰ τὰς μελίττας. αἱ μὲν
γὰρ ἐπιοῦσαι τὰ ἀνθηρὰ καὶ εὐώδη τῶν φύλλων
συνείρουσι καὶ διαπλέκουσιν ἡδὺ μὲν ἐφήμερον δὲ
καὶ ἄκαρπον ἔργον· αἱ δὲ πολλάκις ἴων καὶ ῥόδων
καὶ ὑακίνθων διαπετόμεναι λειμῶνας ἐπὶ τὸν τραχύτατον
καὶ δριμύτατον θύμον καταίρουσι καὶ
τούτῳ προσκάθηνται "- - - ξανθὸν μέλι μηδόμεναι",
καὶ λαβοῦσαί τι τῶν χρησίμων ἀποπέτονται πρὸς τὸ
οἰκεῖον ἔργον. οὕτως οὖν δεῖ τὸν φιλότεχνον καὶ
καθαρὸν ἀκροατὴν τὰ μὲν ἀνθηρὰ καὶ τρυφερὰ τῶν
ὀνομάτων καὶ τῶν πραγμάτων τὰ δραματικὰ καὶ
πανηγυρικὰ κηφήνων βοτάνην σοφιστιώντων ἡγούμενον
ἐᾶν, αὐτὸν δὲ τῇ προσοχῇ καταδυόμενον εἰς
τὸν νοῦν τοῦ λόγου καὶ τὴν διάθεσιν τοῦ λέγοντος
ἕλκειν ἀπ´ αὐτῆς τὸ χρήσιμον καὶ ὠφέλιμον, μεμνημένον
ὡς οὐκ εἰς θέατρον οὐδ´ ᾠδεῖον ἀλλ´ εἰς
σχολὴν καὶ διδασκαλεῖον ἀφῖκται, τῷ λόγῳ τὸν βίον
ἐπανορθωσόμενος. ὅθεν δὴ καὶ ποιητέον ἐπίσκεψιν
καὶ κρίσιν τῆς ἀκροάσεως ἐξ αὑτοῦ καὶ τῆς περὶ
αὑτὸν διαθέσεως, ἀναλογιζόμενον εἴ τι τῶν παθῶν
γέγονε μαλακώτερον, εἴ τι τῶν ἀνιαρῶν κουφότερον,
εἰ θάρσος εἰ φρόνημα βέβαιον, εἰ πρὸς ἀρετὴν καὶ
τὸ καλὸν ἐνθουσιασμός. οὐ γὰρ ἐκ κουρείου μὲν
ἀναστάντα δεῖ τῷ κατόπτρῳ παραστῆναι καὶ τῆς
κεφαλῆς ἅψασθαι, τὴν περικοπὴν τῶν τριχῶν ἐπισκοποῦντα
καὶ τῆς κουρᾶς τὴν διαφοράν, ἐκ δὲ
ἀκροάσεως ἀπιόντα καὶ σχολῆς οὐκ εὐθὺς ἀφορᾶν
χρὴ πρὸς ἑαυτόν, καταμανθάνοντα τὴν ψυχὴν εἴ τι
τῶν ὀχληρῶν ἀποτεθειμένη καὶ περιττῶν ἐλαφροτέρα
γέγονε καὶ ἡδίων. "οὔτε γὰρ βαλανείου," φησὶν ὁ
Ἀρίστων, "οὔτε λόγου μὴ καθαίροντος ὄφελός ἐστιν."
| [8] C'est pourquoi il faut laisser de côté tout ce que les
paroles ont de superflu et d'inutile, et n'en poursuivre que
le fruit même. On imitera non pas les bouquetières, mais
les abeilles. Les premières, en effet, ne songent qu'aux
fleurs et aux feuilles qui ont le plus de parfum et d'éclat ; elles
les assortissent et les entrelacent de manière à en faire un
ouvrage agréable, il est vrai, mais éphémère et dénué de
profit; au contraire les abeilles, sans cesse voltigeant au
milieu de prairies émaillées de violettes, de roses, de jacinthes,
se dirigent vers le thym dont l'odeur est ce qu'il y
a de plus âcre, de plus pénétrant, et c'est sur cette plante
qu'elles se fixent "Pour composer l'or de leur miel".
Quand elles en ont pris ce qui leur est utile, elles s'envolent
et retournent à leur propre besogne. De même, l'auditeur
studieux et d'un goût pur ne doit pas rechercher dans les
mots ce qui est seulement fleuri et affecté, dans les pensées ce
qui est théâtral et pompeux : il ne verra dans ce vain luxe
qu'herbes inutiles, bonnes pour les frelons qui s'appellent
des rhéteurs. Grâce à ses habitudes de méditation il pénétrera
dans l'esprit du discours, cherchera quelle a été l'intention
de l'auteur; et il retirera de l'oeuvre même ce qu'elle
a d'utile et de profitable, se souvenant qu'il n'est pas venu
dans un théâtre ou à un concert, mais qu'il est dans une
école, dans un lieu où il faut s'instruire et où il a le dessein
dé se corriger d'après les paroles qui seront dites.
Pour apprécier un discours que nous avons entendu et
pour en porter un jugement, nous devons donc aussi nous
étudier nous-mêmes, et reconnaître dans quelles dispositions
il nous a laissés. Il faut nous rendre un compte exact, et décider
dans quelle mesure quelques-unes de nos passions en
sont devenues moins violentes, quelques-uns de nos chagrins,
plus légers; nous demander si notre confiance, notre résolution
s'est affermie, si nous ressentons de l'ardeur pour
l'honnêteté et la vertu. Car, puisqu'en sortant des mains d'un
coiffeur nous allons nous placer devant le miroir, portant
les mains à notre chevelure, examinant de quelle manière il
nous a taillé les cheveux et ce qu'il y a de changé dans
notre coiffure, à plus forte raison devons-nous, en sortant
d'une audition et d'une école, reporter aussitôt nos regards
sur nous-mêmes, étudier notre âme, et chercher à reconnaître
si elle s'est purifiée de quelques-unes de ses souillures,
débarrassée de quelques superfluités, pour devenir et
plus dégagée et plus belle. "Tout bain et tout discours qui
ne purifient pas dit Ariston, sont entièrement inutiles".
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