[3] Διὸ δὴ μεγάλην μὲν ὠφέλειαν οὐκ ἐλάττω
δὲ κίνδυνον τοῖς νέοις τοῦ ἀκούειν ἔχοντος, οἶμαι
καλῶς ἔχειν καὶ πρὸς αὑτὸν ἀεὶ καὶ πρὸς ἕτερον
διαλέγεσθαι περὶ τοῦ ἀκούειν. ἐπεὶ καὶ τούτῳ
κακῶς τοὺς πλείστους χρωμένους ὁρῶμεν, οἳ λέγειν
ἀσκοῦσι πρὶν ἀκούειν ἐθισθῆναι· καὶ λόγων
μὲν οἴονται μάθησιν εἶναι καὶ μελέτην, ἀκροάσει
δὲ καὶ τοὺς ὁπωσοῦν χρωμένους ὠφελεῖσθαι.
καίτοι τοῖς μὲν σφαιρίζουσιν ἅμα τοῦ βαλεῖν καὶ
τοῦ λαβεῖν τὴν σφαῖραν ἡ μάθησις· ἐν δὲ τῇ τοῦ
λόγου χρείᾳ τὸ δέξασθαι καλῶς τοῦ προέσθαι
πρότερόν ἐστιν, ὥσπερ τοῦ τεκεῖν τὸ συλλαβεῖν
καὶ κατασχεῖν τι τῶν γονίμων. ταῖς μὲν οὖν
ὄρνισι τὰς ὑπηνεμίους λοχείας καὶ ὠδῖνας ἀτελῶν
τινων καὶ ἀψύχων ὑπολειμμάτων ὀχείας λέγουσιν
εἶναι· τῶν δ´ ἀκούειν μὴ δυναμένων νέων μηδ´
ὠφελεῖσθαι δι´ ἀκοῆς ἐθισθέντων ὑπηνέμιος ὄντως
ὁ λόγος ἐκπίπτων
ἀκλειὴς ἀίδηλος ὑπαὶ νεφέεσσι κεδάσθη.
τὰ μὲν γὰρ ἀγγεῖα πρὸς τὴν ὑποδοχὴν τῶν ἐγχεομένων
ἐπικλίνουσι καὶ συνεπιστρέφουσιν, ἵν´ ἔγχυσις
ἀληθῶς, μὴ ἔκχυσις γένηται, αὑτοὺς δὲ τῷ λέγοντι
παρέχειν καὶ συναρμόττειν τῇ προσοχῇ τὴν ἀκρόασιν,
ὡς μηδὲν ἐκφύγῃ τῶν χρησίμως λεγομένων,
οὐ μανθάνουσιν, ἀλλ´ ὃ πάντων καταγελαστότατόν
ἐστιν, ἂν μέν τινι προστύχωσι διηγουμένῳ δεῖπνον
ἢ πομπὴν ἢ ὄνειρον ἢ λοιδορίαν γεγενημένην
αὐτῷ πρὸς ἄλλον, ἀκροῶνται σιωπῇ καὶ προσλιπαροῦσιν·
ἂν δέ τις αὐτοὺς ἐπισπασάμενος διδάσκῃ
τι τῶν χρησίμων ἢ παραινῇ τῶν δεόντων ἢ νουθετῇ
πλημμελοῦντας ἢ καταπραΰνῃ χαλεπαίνοντας, οὐχ
ὑπομένουσιν, ἀλλ´ ἂν μὲν δύνωνται, περιγενέσθαι
φιλοτιμούμενοι διαμάχονται πρὸς τὸν λόγον· εἰ δὲ
μή, φεύγοντες ἀπίασι πρὸς ἑτέρους λόγους καὶ
φλυάρους, ὡς ἀγγεῖα φαῦλα καὶ σαθρὰ τὰ ὦτα
πάντων μᾶλλον ἢ τῶν ἀναγκαίων ἐμπιπλάντες.
τοὺς μὲν οὖν ἵππους οἱ καλῶς τρέφοντες εὐστόμους
τῷ χαλινῷ, τοὺς δὲ παῖδας εὐηκόους τῷ λόγῳ
παρέχουσι, πολλὰ μὲν ἀκούειν μὴ πολλὰ δὲ λέγειν
διδασκομένους. καὶ γὰρ τὸν Ἐπαμεινώνδαν ὁ
Σπίνθαρος ἐπαινῶν ἔφη μήτε πλείονα γιγνώσκοντι
μήτ´ ἐλάττονα φθεγγομένῳ ῥᾳδίως ἐντυχεῖν ἑτέρῳ.
Καὶ τὴν φύσιν ἡμῶν ἑκάστῳ λέγουσι δύο μὲν ὦτα
δοῦναι, μίαν δὲ γλῶτταν, ὡς ἐλάττονα λέγειν ἢ
ἀκούειν ὀφείλοντι.
| [3] C'est pourquoi, en raison de la grande utilité et du
danger non moins grand que l'audition présente à la jeunesse,
je pense qu'il est bon de converser fréquemment sur
cette matière et avec soi-même et avec autrui. Or, à cet
égard, nous voyons la plupart agir imprudemment. Ils
s'exercent à discourir avant d'avoir été façonnés à écouter;
et ils se figurent que pour parler il y a une science et une
pratique, mais que pour l'audition elle apporte toujours du
profit, quelle que soit la manière de s'en servir. Et pourtant,
au jeu de paume on apprend tout ensemble à recevoir
la balle et à la lancer; mais dans la pratique oratoire il n'en
est pas ainsi : le talent d'accepter convenablement les discours
est antérieur au talent de les prononcer, comme la conception
et la gestation est, dans les animaux, antérieure à
l'enfantement. Lorsque les oiseaux pondent des oeufs sans
germe, appelés « oeufs conçus du vent », on dit qu'il n'en
résulte que des débris imparfaits et des embryons inanimés.
De même, quand les jeunes gens ne savent pas écouter et
qu'ils n'ont pas été habitués à profiter par l'audition, leur
parole est comme un oeuf sans germe. C'est un son
"Dispersé dans les airs, stérile, insaisissable".
Pour que les vases reçoivent la liqueur qui s'y verse, nous
les penchons, nous les tournons de notre côté, nous tâchons
qu'il y ait réellement introduction, et non pas effusion;
mais on ne connaît pas le procédé qu'il faut suivre pour se
mettre à la disposition de celui qui parle; on ne sait pas
adapter son sens auditif à la perception des paroles, de manière
à ne laisser rien échapper des discours utiles. Contraste
souverainement ridicule : si l'on se trouve avec une
personne qui raconte un festin, une cérémonie, un songe,
une altercation injurieuse qu'elle a soutenue, on écoute
en silence et l'on supplie le narrateur d'achever son récit.
Mais si un autre personnage, après avoir attiré à soi des
auditeurs, entreprend de leur enseigner quelque vérité
utile, de les avertir de leurs devoirs, de les réprimander
sur leurs fautes, d'adoucir leur humeur chagrine, ils ne
peuvent l'endurer; et même, pour peu qu'ils en soient capables,
ils combattent ce qu'a dit ce raisonneur, ils tâchent
de rester victorieux dans la discussion, et s'ils n'y peuvent
réussir, ils s'enfuient pour aller écouter des propos d'un
autre genre et tout à fait frivoles. Comme des vases en
mauvais état et fendus, ils remplissent leurs oreilles de
toutes sortes de discours, plutôt que de ce qui leur est
véritablement nécessaire. Ceux qui dressent bien les chevaux
leur font une bouche docile au frein; ceux qui élèvent bien
les enfants les rendent attentifs à la parole, leur apprenant
à écouter beaucoup, à parler peu. Ainsi, pour louer Épaminondas,
Spintharus disait : « Je n'ai pas facilement rencontré
quelqu'un qui sût plus de choses que lui et qui parlât moins".
On dit encore : « Si la nature a donné à chacun
de nous deux oreilles et une seule langue, c'est parce que
notre devoir est de moins parler qu'écouter ».
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