[6,1,28] Ἀλλὰ γὰρ πολλῶν ὄντων τῶν λεγομένων πρὸς τὴν ὑπόθεσιν ταύτην τούτων μὲν παυστέον, μὴ καὶ ἄτοπον ᾖ τὸ πρὸς οὕτω φανερὰν ἀτοπίαν φιλονεικεῖν, δεικνύντα, ὅτι τὸ μὴ ὂν ὡς τὸ μάλιστα ὂν προτάττουσι καὶ τὸ ὕστατον πρῶτον. Αἴτιον δὲ ἡ αἴσθησις αὐτοῖς ἡγεμὼν γενομένη καὶ πιστὴ εἰς ἀρχῶν καὶ τῶν ἄλλων θέσιν. Τὰ γὰρ σώματα νομίσαντες εἶναι τὰ ὄντα, εἶτα αὐτῶν τὴν μεταβολὴν εἰς ἄλληλα φοβηθέντες τὸ μένον ὑπ´ αὐτὰ τοῦτο ᾠήθησαν τὸ ὂν εἶναι, ὥσπερ ἂν εἴ τις μᾶλλον τὸν τόπον ἢ τὰ σώματα νομίσειεν εἶναι τὸ ὄν, ὅτι οὐ φθείρεται ὁ τόπος νομίσας. Καίτοι καὶ οὗτος αὐτοῖς μένει, ἔδει δὲ οὐ τὸ ὁπωσοῦν μένον νομίσαι τὸ ὄν, ἀλλὰ ἰδεῖν πρότερον, τίνα δεῖ προσεῖναι τῷ ἀληθῶς ὄντι, οἷς οὖσιν ὑπάρχειν καὶ τὸ ἀεὶ μένειν. Οὐδὲ γάρ, εἰ σκιὰ ἀεὶ μένοι παρακολουθοῦσα ἀλλοιουμένῳ ἄλλῳ, μᾶλλόν ἐστιν ἢ ἐκεῖνο. Τό τε αἰσθητὸν μετ´ ἐκείνου καὶ ἄλλων πολλῶν τῷ πλήθει μᾶλλον ἂν τὸ ὅλον ὂν εἴη ἢ ἕν τι τῶν ἐν ἐκείνῳ· εἰ δὲ δὴ καὶ τὸ ὅλον {ὑποβάθρα ἐκεῖνο} μὴ ὄν, πῶς ἂν 〈ὑποβάθρα〉 ἐκεῖνο; Πάντων τε θαυμαστότατον τὸ τῇ αἰσθήσει πιστουμένους ἕκαστα τὸ μὴ τῇ αἰσθήσει ἁλωτὸν τίθεσθαι ὄν. Οὐδὲ γὰρ ὀρθῶς τὸ ἀντιτυπὲς αὐτῇ διδόασι· ποιότης γὰρ τοῦτο. Εἰ δὲ τῷ νῷ λέγουσι λαβεῖν, ἄτοπος ὁ νοῦς οὗτος ὁ τὴν ὕλην αὐτοῦ προτάξας καὶ τὸ ὂν αὐτῇ δεδωκώς, ἀλλ´ οὐχ αὑτῷ. Οὐκ ὢν οὖν ὁ νοῦς αὐτοῖς πῶς ἂν πιστὸς εἴη περὶ τῶν κυριωτέρων αὐτοῦ λέγων καὶ οὐδαμῇ αὐτοῖς συγγενὴς ὤν; Ἀλλὰ περὶ μὲν ταύτης τῆς φύσεως καὶ τῶν ὑποκειμένων ἱκανῶς καὶ ἐν ἄλλοις.
| [6,1,28] L'hypothèse des Stoïciens soulève une foule d'autres objections; mais nous nous arrêtons ici pour ne point paraître absurdes nous-mêmes en combattant une absurdité si évidente. Il suffit que nous ayons montré comment ces philosophes prennent le non-être pour l'être absolu, et donnent le premier rang à ce qui doit occuper le dernier. La cause de leur erreur, c'est qu'ils ont pris la sensation pour guide et n'ont consulté qu'elle pour déterminer les principes et le reste. Persuadés que les corps sont les êtres véritables et ne voulant pas qu'ils se changeassent les uns dans les autres, ils ont cru que ce qui subsiste en eux {au milieu de leurs changements} est l'être véritable, comme on pourrait s'imaginer que le lieu est l'être encore plus que les corps parce qu'il est indestructible. Quoique dans le système des Stoïciens le lieu subsiste aussi sans subir d'altération, ces philosophes ne devaient pas regarder comme l'être ce qui subsiste de quelque manière que ce soit, mais considérer d'abord quels sont les caractères que l'être possède nécessairement et dont la présence le fait subsister sans jamais subir d'altération. Supposez en effet qu'une ombre subsiste toujours en suivant une chose qui change sans cesse, elle n'est pas plus un être réel que la chose qu'elle suit. Le sensible, pris avec les choses multiples, est, en sa qualité de tout, plus être qu'aucune des choses qu'il contient. Si ce sujet, pris dans sa totalité, est non-être, comment peut-il être sujet? Ce qu'il y a de plus étonnant, c'est que, suivant en toutes choses le témoignage de la sensation, les Stoïciens n'aient pas affirmé aussi que l'être peut être perçu par la sensation : car ils n'attribuent pas l'impénétrabilité à la matière, parce que c'est une qualité {et que, selon eux, la matière n'a point de qualité}. S'ils avancent que la matière se perçoit par l'intelligence, il n'y a qu'une intelligence dénuée de raison qui puisse se regarder comme inférieure à la matière et lui accorder plutôt qu'à elle-même le privilège de constituer l'être véritable. Puisque dans leur système l'intelligence est non-être, comment peut-elle mériter créance quand elle parle des choses supérieures sans avoir avec elles aucune affinité? Mais nous avons assez longuement traité ailleurs de la nature de la substance.
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