[2,6] VI. (Ἀθηναῖος)
Φέρε δή, συνομολογησώμεθα τὰ νῦν. Ἄλλο τι παρ' (660e) ὑμῖν ἐν πάσῃ παιδείᾳ
καὶ μουσικῇ τὰ λεγόμενά ἐστι τάδε; Τοὺς ποιητὰς ἀναγκάζετε λέγειν ὡς ὁ μὲν
ἀγαθὸς ἀνὴρ σώφρων ὢν καὶ δίκαιος εὐδαίμων ἐστὶ καὶ μακάριος, ἐάντε μέγας
καὶ ἰσχυρὸς ἐάντε μικρὸς καὶ ἀσθενὴς ᾖ, καὶ ἐὰν πλουτῇ καὶ μή· ἐὰν δὲ ἄρα
πλουτῇ μὲν Κινύρα τε καὶ Μίδα μᾶλλον, ᾖ δὲ ἄδικος, ἄθλιός τ' ἐστὶ καὶ ἀνιαρῶς
ζῇ. Καὶ “οὔτ' ἂν μνησαίμην,” φησὶν ὑμῖν ὁ ποιητής, εἴπερ ὀρθῶς λέγει, “οὔτ' ἐν
λόγῳ ἄνδρα τιθείμην,” ὃς μὴ πάντα τὰ λεγόμενα καλὰ μετὰ δικαιοσύνης
πράττοι καὶ κτῷτο, καὶ δὴ (661a) “καὶ δηΐων” τοιοῦτος ὢν “ὀρέγοιτο ἐγγύθεν
ἱστάμενος,” ἄδικος δὲ ὢν μήτε τολμῷ “ὁρῶν φόνον αἱματόεντα” μήτε νικῷ θέων
“Θρηίκιον Βορέην,” μήτε ἄλλο αὐτῷ μηδὲν τῶν λεγομένων ἀγαθῶν γίγνοιτό
ποτε. Τὰ γὰρ ὑπὸ τῶν πολλῶν λεγόμεν' ἀγαθὰ οὐκ ὀρθῶς λέγεται. Λέγεται γὰρ
ὡς ἄριστον μὲν ὑγιαίνειν, δεύτερον δὲ κάλλος, τρίτον δὲ πλοῦτος, μυρία δὲ ἄλλα
ἀγαθὰ λέγεται· καὶ γὰρ ὀξὺ ὁρᾶν καὶ ἀκούειν καὶ (661b) πάντα ὅσα ἔχεται τῶν
αἰσθήσεων εὐαισθήτως ἔχειν, ἔτι δὲ καὶ τὸ ποιεῖν τυραννοῦντα ὅτι ἂν ἐπιθυμῇ,
καὶ τὸ δὴ τέλος ἁπάσης μακαριότητος εἶναι τὸ πάντα ταῦτα κεκτημένον
ἀθάνατον εἶναι γενόμενον ὅτι τάχιστα. Ὑμεῖς δὲ καὶ ἐγώ που τάδε λέγομεν, ὡς
ταῦτά ἐστι σύμπαντα δικαίοις μὲν καὶ ὁσίοις ἀνδράσιν ἄριστα κτήματα, ἀδίκοις
δὲ κάκιστα σύμπαντα, ἀρξάμενα ἀπὸ τῆς ὑγιείας· καὶ δὴ καὶ τὸ ὁρᾶν (661c) καὶ τὸ
ἀκούειν καὶ αἰσθάνεσθαι καὶ τὸ παράπαν ζῆν μέγιστον μὲν κακὸν τὸν σύμπαντα
χρόνον ἀθάνατον ὄντα καὶ κεκτημένον πάντα τὰ λεγόμενα ἀγαθὰ πλὴν
δικαιοσύνης τε καὶ ἀρετῆς ἁπάσης, ἔλαττον δέ, ἂν ὡς ὀλίγιστον ὁ τοιοῦτος
χρόνον ἐπιζώῃ. Ταῦτα δὴ λέγειν, οἶμαι, τοὺς παρ' ὑμῖν ποιητάς, ἅπερ ἐγώ,
πείσετε καὶ ἀναγκάσετε, καὶ ἔτι τούτοις ἑπομένους ῥυθμούς τε καὶ ἁρμονίας
ἀποδιδόντας παιδεύειν οὕτω τοὺς νέους ἡμῶν. Ἦ γάρ; Ὁρᾶτε. Ἐγὼ μὲν γὰρ λέγω
(661d) σαφῶς τὰ μὲν κακὰ λεγόμενα ἀγαθὰ τοῖς ἀδίκοις εἶναι, τοῖς δὲ δικαίοις
κακά, τὰ δ' ἀγαθὰ τοῖς μὲν ἀγαθοῖς ὄντως ἀγαθά, τοῖς δὲ κακοῖς κακά· ὅπερ οὖν
ἠρόμην, ἆρα συμφωνοῦμεν ἐγώ τε καὶ ὑμεῖς, ἢ πῶς;
| [2,6] VI. (660d)
(L'ATHÉNIEN)
Allons, mettons-nous d'accord à présent. Ce qu'on dit chez vous à propos de
l'éducation et de la musique envisagées dans leur ensemble ne se ramène-t-il pas
à ceci ? Obligez-vous les poètes à dire que l'homme de bien, du fait qu'il est
tempérant et juste, est heureux et fortuné, peu importe qu'il soit grand et
fort, ou petit et faible, riche ou pauvre ; mais que, fût-on même plus riche que
Kinyras et Midas, si l'on est injuste, on est malheureux et l'on mène
une triste existence. J'ajoute à cela ce que dit votre poète, s'il veut
bien dire : je ne parle pas et je ne fais aucun cas d'un homme qui posséderait
tout ce qu'on appelle des biens, s'il n'y joint pas la possession et la pratique
de la justice. S'il est juste, qu'il aspire à combattre l'ennemi de pied ferme
et de près ; mais s'il est injuste, aux dieux ne plaise qu'il ose regarder le
carnage sanglant, ni qu'il devance à la course Borée de Thrace, ni qu'il jouisse
d'aucun des avantages qu'on appelle biens ; car ceux que le vulgaire appelle des
biens sont mal nommés. On dit en effet que le premier des biens est la santé, le
deuxième la beauté, le troisième la richesse, et l'on en compte encore des
centaines d'autres, comme l'acuité de la vue et de l'ouïe et le bon état des
sens ; ajoutez-y la liberté de faire ce qu'on veut en qualité de tyran ; et
enfin le comble du bonheur, c'est de devenir immortel aussitôt qu'on a acquis
tous ces biens. Mais vous et moi, nous disons, je pense, que la possession de
tous ces biens est excellente pour les hommes justes et sains, mais très
mauvaise pour les hommes injustes, à commencer par la santé ; que la vue,
l'ouie, la sensibilité, en un mot, la vie est le plus grand des maux, si l'on
est immortel et si l'on possède tout ce qu'on appelle bien, sans être juste et
entièrement vertueux, mais que le mal est d'autant moins grand qu'on vit moins
de temps dans ces conditions. Voilà les principes que je professe. Vous
engagerez, je pense, vous forcerez les poètes de chez vous à les proclamer, à
mettre leurs rythmes et leurs harmonies en conformité avec eux et par ce moyen à
élever ainsi vos jeunes gens. N'ai-je pas raison ? Voyez. Je déclare nettement,
moi, que ce qu'on appelle des maux sont des biens pour les hommes injustes, et
des maux pour les justes ; qu'au contraire les biens sont réellement des biens
pour les bons, mais des maux pour les méchants. Comme je vous l'ai demandé,
sommes-nous, vous et moi, d'accord là-dessus ? Qu'en dites-vous ?
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