[2,5] V.
(Ἀθηναῖος)
Συγχωρῶ δὴ τό γε τοσοῦτον καὶ ἐγὼ τοῖς πολλοῖς, δεῖν τὴν μουσικὴν ἡδονῇ
κρίνεσθαι, μὴ μέντοι τῶν γε ἐπιτυχόντων, ἀλλὰ σχεδὸν ἐκείνην εἶναι Μοῦσαν
καλλίστην ἥτις τοὺς βελτίστους καὶ ἱκανῶς πεπαιδευμένους τέρπει, μάλιστα
(659a) δὲ ἥτις ἕνα τὸν ἀρετῇ τε καὶ παιδείᾳ διαφέροντα· διὰ ταῦτα δὲ ἀρετῆς
φαμεν δεῖσθαι τοὺς τούτων κριτάς, ὅτι τῆς τε ἄλλης μετόχους αὐτοὺς εἶναι δεῖ
φρονήσεως καὶ δὴ καὶ τῆς ἀνδρείας. Οὔτε γὰρ παρὰ θεάτρου δεῖ τόν γε ἀληθῆ
κριτὴν κρίνειν μανθάνοντα, καὶ ἐκπληττόμενον ὑπὸ θορύβου τῶν πολλῶν καὶ
τῆς αὑτοῦ ἀπαιδευσίας, οὔτ' αὖ γιγνώσκοντα δι' ἀνανδρίαν καὶ δειλίαν ἐκ ταὐτοῦ
στόματος οὗπερ τοὺς θεοὺς (659b) ἐπεκαλέσατο μέλλων κρίνειν, ἐκ τούτου
ψευδόμενον ἀποφαίνεσθαι ῥᾳθύμως τὴν κρίσιν· οὐ γὰρ μαθητὴς ἀλλὰ
διδάσκαλος, ὥς γε τὸ δίκαιον, θεατῶν μᾶλλον ὁ κριτὴς καθίζει, καὶ
ἐναντιωσόμενος τοῖς τὴν ἡδονὴν μὴ προσηκόντως μηδὲ ὀρθῶς ἀποδιδοῦσι
θεαταῖς. Ἐξῆν γὰρ δὴ τῷ παλαιῷ τε καὶ Ἑλληνικῷ νόμῳ, καθάπερ ὁ Σικελικός τε
καὶ Ἰταλικὸς νόμος νῦν, τῷ πλήθει τῶν θεατῶν ἐπιτρέπων καὶ τὸν νικῶντα
διακρίνων χειροτονίαις, διέφθαρκε μὲν τοὺς ποιητὰς αὐτούς (659c) - πρὸς γὰρ τὴν
τῶν κριτῶν ἡδονὴν ποιοῦσιν οὖσαν φαύλην, ὥστε αὐτοὶ αὐτοὺς οἱ θεαταὶ
παιδεύουσιν - διέφθαρκεν δ' αὐτοῦ τοῦ θεάτρου τὰς ἡδονάς· δέον γὰρ αὐτοὺς ἀεὶ
βελτίω τῶν αὑτῶν ἠθῶν ἀκούοντας βελτίω τὴν ἡδονὴν ἴσχειν, νῦν αὐτοῖς δρῶσιν
πᾶν τοὐναντίον συμβαίνει. Τί ποτ' οὖν ἡμῖν τὰ νῦν αὖ διαπερανθέντα τῷ λόγῳ
σημαίνειν βούλεται; σκοπεῖσθ' εἰ τόδε.
(Κλεινίας)
Τὸ ποῖον;
(Ἀθηναῖος)
Δοκεῖ μοι τρίτον ἢ τέταρτον ὁ λόγος εἰς ταὐτὸν (659d) περιφερόμενος ἥκειν, ὡς
ἄρα παιδεία μέν ἐσθ' ἡ παίδων ὁλκή τε καὶ ἀγωγὴ πρὸς τὸν ὑπὸ τοῦ νόμου λόγον
ὀρθὸν εἰρημένον, καὶ τοῖς ἐπιεικεστάτοις καὶ πρεσβυτάτοις δι' ἐμπειρίαν
συνδεδογμένον ὡς ὄντως ὀρθός ἐστιν· ἵν' οὖν ἡ ψυχὴ τοῦ παιδὸς μὴ ἐναντία
χαίρειν καὶ λυπεῖσθαι ἐθίζηται τῷ νόμῳ καὶ τοῖς ὑπὸ τοῦ νόμου πεπεισμένοις,
ἀλλὰ συνέπηται χαίρουσά τε καὶ λυπουμένη τοῖς αὐτοῖς τούτοις οἷσπερ ὁ (659e)
γέρων, τούτων ἕνεκα, ἃς ᾠδὰς καλοῦμεν, ὄντως μὲν ἐπῳδαὶ ταῖς ψυχαῖς αὗται
νῦν γεγονέναι, πρὸς τὴν τοιαύτην ἣν λέγομεν συμφωνίαν ἐσπουδασμέναι, διὰ δὲ
τὸ σπουδὴν μὴ δύνασθαι φέρειν τὰς τῶν νέων ψυχάς, παιδιαί τε καὶ ᾠδαὶ
καλεῖσθαι καὶ πράττεσθαι, καθάπερ τοῖς κάμνουσίν τε καὶ ἀσθενῶς ἴσχουσιν τὰ
σώματα ἐν ἡδέσι τισὶν σιτίοις καὶ (660a) πώμασι τὴν χρηστὴν πειρῶνται τροφὴν
προσφέρειν οἷς μέλει τούτων, τὴν δὲ τῶν πονηρῶν ἐν ἀηδέσιν, ἵνα τὴν μὲν
ἀσπάζωνται, τὴν δὲ μισεῖν ὀρθῶς ἐθίζωνται. Ταὐτὸν δὴ καὶ τὸν ποιητικὸν ὁ
ὀρθὸς νομοθέτης ἐν τοῖς καλοῖς ῥήμασι καὶ ἐπαινετοῖς πείσει τε, καὶ ἀναγκάσει
μὴ πείθων, τὰ τῶν σωφρόνων τε καὶ ἀνδρείων καὶ πάντως ἀγαθῶν ἀνδρῶν ἔν τε
ῥυθμοῖς σχήματα καὶ ἐν ἁρμονίαισιν μέλη ποιοῦντα ὀρθῶς ποιεῖν.
(660b) (Κλεινίας)
Νῦν οὖν οὕτω δοκοῦσίν σοι, πρὸς Διός, ὦ ξένε, ἐν ταῖς ἄλλαις πόλεσι ποιεῖν; ἐγὼ
μὲν γὰρ καθ' ὅσον αἰσθάνομαι, πλὴν παρ' ἡμῖν ἢ παρὰ Λακεδαιμονίοις, ἃ σὺ νῦν
λέγεις οὐκ οἶδα πραττόμενα, καινὰ δὲ ἄττα ἀεὶ γιγνόμενα περί τε τὰς ὀρχήσεις
καὶ περὶ τὴν ἄλλην μουσικὴν σύμπασαν, οὐχ ὑπὸ νόμων μεταβαλλόμενα ἀλλ'
ὑπό τινων ἀτάκτων ἡδονῶν, πολλοῦ δεουσῶν τῶν αὐτῶν εἶναι καὶ κατὰ ταὐτά,
ὡς (660c) σὺ κατ' Αἴγυπτον ἀφερμηνεύεις, ἀλλ' οὐδέποτε τῶν αὐτῶν.
(Ἀθηναῖος)
Ἄριστά γ', ὦ Κλεινία. Εἰ δ' ἔδοξά σοι ἃ σὺ λέγεις λέγειν ὡς νῦν γιγνόμενα, οὐκ ἂν
θαυμάζοιμι εἰ μὴ σαφῶς λέγων ἃ διανοοῦμαι τοῦτο ἐποίησα καὶ ἔπαθον· ἀλλ' ἃ
βούλομαι γίγνεσθαι περὶ μουσικήν, τοιαῦτ' ἄττα εἶπον ἴσως ὥστε σοὶ δόξαι
ταῦτα ἐμὲ λέγειν. Λοιδορεῖν γὰρ πράγματα ἀνίατα καὶ πόρρω προβεβηκότα
ἁμαρτίας οὐδαμῶς ἡδύ, (660d) ἀναγκαῖον δ' ἐνίοτέ ἐστιν. Ἐπειδὴ δὲ ταῦτα
συνδοκεῖ καὶ σοί, φέρε, φῂς παρ' ὑμῖν καὶ τοῖσδε μᾶλλον ἢ παρὰ τοῖς ἄλλοις
Ἕλλησιν γίγνεσθαι τὰ τοιαῦτα;
(Κλεινίας)
Τί μήν;
(Ἀθηναῖος)
Τί δ' εἰ καὶ παρὰ τοῖς ἄλλοις γίγνοιθ' οὕτω; Πότερον αὐτὰ καλλιόνως οὕτως εἶναι
φαῖμεν ἂν ἢ καθάπερ νῦν γίγνεται γιγνόμενα;
(Κλεινίας)
Πολύ που τὸ διαφέρον, εἰ καθάπερ παρά τε τοῖσδε καὶ παρ' ἡμῖν, καὶ ἔτι καθάπερ
εἶπες σὺ νυνδὴ δεῖν εἶναι, γίγνοιτο.
| [2,5] V. (658e)
(L'ATHÉNIEN)
Je suis donc d'accord, moi aussi, avec le vulgaire sur ce point du moins, qu'il
faut juger de la musique par le plaisir qu'elle cause, non toutefois aux
premiers venus, mais que la plus belle muse est sans doute celle qui charme les
hommes les plus vertueux et suffisamment instruits, et plus encore celle qui
plaît à un seul, distingué entre tous par sa vertu et son éducation. Et la
raison pour laquelle je prétends que la vertu est nécessaire à ceux qui jugent
en ces matières, c'est qu'outre la sagesse qui doit être leur partage, ils ont
encore besoin de courage. Car le véritable juge ne doit pas juger d'après les
leçons du théâtre, ni se laisser troubler par les applaudissements de la
multitude et par sa propre ignorance; il ne doit pas non plus, s'il est
connaisseur, céder à la lâcheté et à la faiblesse et, de la même bouche dont il
a attesté les dieux avant de juger, se parjurer et prononcer son arrêt sans
souci de la justice. Car le juge ne siège pas comme disciple, mais plutôt, ainsi
le veut la justice, comme maître des spectateurs, et il doit s'opposer à ceux
qui leur fournissent un plaisir inconvenant et pervers. L'antique loi de la
Grèce, pareille à celle qui prévaut encore aujourd'hui en Sicile et en Italie,
s'en remettait du jugement à la foule des spectateurs qui proclamait le
vainqueur à mains levées. C'est un abus qui a gâté les poètes eux-mêmes, qui se
règlent sur le mauvais goût de leurs juges, en sorte que ce sont les spectateurs
qui se font eux-mêmes leur éducation, et qui a gâté aussi les plaisirs du
théâtre lui-même. On ne devrait leur présenter que des modèles meilleurs que
leurs mœurs et rendre ainsi leur plaisir meilleur, au lieu que c'est le
contraire qui arrive. Où tend donc ce que je viens d'exposer a nouveau ? Voyez
si ce n'est, pas à ceci ?
(CLINIAS)
A quoi ?
(L'ATHÉNIEN)
Il me semble que mon discours nous ramène pour la troisième ou quatrième fois au
même terme, que l'éducation consiste à tirer et à diriger les enfants vers ce
que la loi appelle la droite raison et qui a été reconnu tel d'un commun accord
par les vieillards les plus vertueux, instruits par l'expérience. Afin donc que
l'âme de l'enfant ne s'accoutume pas à des sentiments de plaisir et de douleur
contraires à la loi et à ce que la loi a recommandé, mais qu'elle suive plutôt
les vieillards et se réjouisse et s'afflige des mêmes objets qu'eux, on a dans
cette vue inventé ce qu'on appelle les chants, qui sont en réalité des charmes
destinés à produire cet accord dont nous parlons. Mais comme les âmes des
enfants ne peuvent souffrir ce qui est sérieux, on a déguisé ces charmes sous le
nom de jeux et de chants, et c'est sous ce nom qu'on les emploie. De même que,
pour soigner les malades et les gens affaiblis, on tâche de mêler les drogues
les plus salubres à certains aliments et à certaines boissons et des
drogues mauvaises aux aliments désagréables, afin qu'ils goûtent volontiers les
uns et qu'ils s'accoutument à détester les autres, de même le bon législateur
engagera le poète, et, s'il n'obéit pas, le contraindra à bien rendre dans des
paroles belles et louables, dans ses rythmes et ses harmonies les gestes et les
chants des hommes tempérants, courageux et parfaitement vertueux ?
(CLINIAS)
Au nom de Zeus, crois-tu, étranger, que ce règlement soit en usage dans les
autres États ? Pour moi, il n'y a pas, que je sache, d'autre pays que le nôtre
et celui des Lacédémoniens où l'on pratique ce que tu viens de recommander.
Partout ailleurs on fait de nouveaux changements dans la danse et dans toutes
les parties de la musique. Et ce ne sont pas les lois qui commandent ces
innovations, mais le goût déréglé de certains plaisirs, qui, loin d'être pareils
et invariables, comme ils le sont en Égypte selon ton interprétation, ne sont au
contraire jamais les mêmes.
(L'ATHÉNIEN)
Très bien, Clinias ; mais si tu crois que j'ai voulu dire par là que cela se
pratique aujourd'hui, je ne serais pas surpris qu'il faille attribuer cette
méprise à un manque de clarté dans l'exposition de mes idées. En exprimant mes
désirs relativement à la musique, je l'ai sans doute fait de telle sorte que tu
as pu croire que je parlais d'une chose existante. Lorsque les maux sont
inguérissables et l'erreur poussée trop loin, il n'est jamais agréable, mais il
est quelquefois nécessaire d'en faire la censure. Mais puisque tu es de mon avis
sur ce point, dis-moi : tu affirmes que mes prescriptions sont mieux observées
chez vous et chez les Lacédémoniens que chez les autres Grecs ?
(CLINIAS)
Sans doute.
(L'ATHÉNIEN)
Mais supposons qu'elles le soient comme chez vous. Pourrons-nous dire alors que
les choses iraient mieux qu'elles ne vont à présent ?
(CLINIAS)
Sans comparaison, si elles se passaient comme chez les Lacédémoniens et chez
nous et comme tu viens de dire toi-même qu'elles devraient se passer.
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