[2,11] XI. (Ἀθηναῖος)
Εἰσὶν δήπου κατὰ τὴν ὄψιν ἡμῖν ἀπεικασίαι μυρίαι.
(Κλεινίας)
Ναί.
(Ἀθηναῖος)
Τί οὖν εἴ τις καὶ ἐν τούτοις ἀγνοοῖ τῶν μεμιμημένων ὅτι ποτ' ἐστὶν ἕκαστον τῶν
σωμάτων; Ἆρ' ἄν ποτε τό γε ὀρθῶς αὐτῶν εἰργασμένον γνοίη; Λέγω δὲ τὸ
τοιόνδε, οἷον τοὺς ἀριθμοὺς τοῦ σώματος καὶ ἑκάστων τῶν μερῶν (668e) τὰς
θέσεις εἰ ἔχει, ὅσοι τέ εἰσιν καὶ ὁποῖα παρ' ὁποῖα αὐτῶν κείμενα τὴν
προσήκουσαν τάξιν ἀπείληφεν - καὶ ἔτι δὴ χρώματά τε καὶ σχήματα - ἢ πάντα
ταῦτα τεταραγμένως εἴργασται· μῶν δοκεῖ ταῦτ' ἄν ποτε διαγνῶναί τις τὸ
παράπαν ἀγνοῶν ὅτι ποτ' ἐστὶ τὸ μεμιμημένον ζῷον;
(Κλεινίας)
Καὶ πῶς;
(Ἀθηναῖος)
Τί δ' εἰ γιγνώσκοιμεν ὅτι τὸ γεγραμμένον ἢ τὸ πεπλασμένον ἐστὶν ἄνθρωπος, καὶ
τὰ μέρη πάντα τὰ ἑαυτοῦ (669a) καὶ χρώματα ἅμα καὶ σχήματα ἀπείληφεν ὑπὸ
τῆς τέχνης; ἆρά γε ἀναγκαῖον ἤδη τῷ ταῦτα γνόντι καὶ ἐκεῖνο ἑτοίμως
γιγνώσκειν, εἴτε καλὸν εἴτε ὅπῃ ποτὲ ἐλλιπὲς ἂν εἴη κάλλους;
(Κλεινίας)
Πάντες μεντἂν ὡς ἔπος εἰπεῖν, ὦ ξένε, τὰ καλὰ τῶν ζῴων ἐγιγνώσκομεν.
(Ἀθηναῖος)
Ὀρθότατα λέγεις. Ἆρ' οὖν οὐ περὶ ἑκάστην εἰκόνα, καὶ ἐν γραφικῇ καὶ ἐν μουσικῇ
καὶ πάντῃ, τὸν μέλλοντα ἔμφρονα κριτὴν ἔσεσθαι δεῖ ταῦτα τρία ἔχειν, ὅ τέ ἐστι
(669b) πρῶτον γιγνώσκειν, ἔπειτα ὡς ὀρθῶς, ἔπειθ' ὡς εὖ, τὸ τρίτον, εἴργασται
τῶν εἰκόνων ἡτισοῦν ῥήμασί τε καὶ μέλεσι καὶ τοῖς ῥυθμοῖς;
(Κλεινίας)
Ἔοικε γοῦν.
(Ἀθηναῖος)
Μὴ τοίνυν ἀπείπωμεν λέγοντες τὸ περὶ τὴν μουσικὴν ᾗ χαλεπόν· ἐπειδὴ γὰρ
ὑμνεῖται περὶ αὐτὴν διαφερόντως ἢ τὰς ἄλλας εἰκόνας, εὐλαβείας δὴ δεῖται
πλείστης πασῶν εἰκόνων. Ἁμαρτών τε γάρ τις μέγιστ' ἂν βλάπτοιτο, (669c) ἤθη
κακὰ φιλοφρονούμενος, χαλεπώτατόν τε αἰσθέσθαι διὰ τὸ τοὺς ποιητὰς
φαυλοτέρους εἶναι ποιητὰς αὐτῶν τῶν Μουσῶν. Οὐ γὰρ ἂν ἐκεῖναί γε
ἐξαμάρτοιέν ποτε τοσοῦτον ὥστε ῥήματα ἀνδρῶν ποιήσασαι τὸ χρῶμα γυναικῶν
καὶ μέλος ἀποδοῦναι, καὶ μέλος ἐλευθέρων αὖ καὶ σχήματα συνθεῖσαι ῥυθμοὺς
δούλων καὶ ἀνελευθέρων προσαρμόττειν, οὐδ' αὖ ῥυθμοὺς καὶ σχῆμα ἐλευθέριον
ὑποθεῖσαι μέλος ἢ λόγον ἐναντίον ἀποδοῦναι τοῖς ῥυθμοῖς, ἔτι δὲ θηρίων φωνὰς
(669d) καὶ ἀνθρώπων καὶ ὀργάνων καὶ πάντας ψόφους εἰς ταὐτὸν οὐκ ἄν ποτε
συνθεῖεν, ὡς ἕν τι μιμούμεναι· ποιηταὶ δὲ ἀνθρώπινοι σφόδρα τὰ τοιαῦτα
ἐμπλέκοντες καὶ συγκυκῶντες ἀλόγως, γέλωτ' ἂν παρασκευάζοιεν τῶν
ἀνθρώπων ὅσους φησὶν Ὀρφεὺς λαχεῖν ὥραν τῆς τέρψιος. Ταῦτά γε γὰρ ὁρῶσι
πάντα κυκώμενα, καὶ ἔτι διασπῶσιν οἱ ποιηταὶ ῥυθμὸν μὲν καὶ σχήματα μέλους
χωρίς, λόγους ψιλοὺς εἰς μέτρα (669e) τιθέντες, μέλος δ' αὖ καὶ ῥυθμὸν ἄνευ
ῥημάτων, ψιλῇ κιθαρίσει τε καὶ αὐλήσει προσχρώμενοι, ἐν οἷς δὴ παγχάλεπον
ἄνευ λόγου γιγνόμενον ῥυθμόν τε καὶ ἁρμονίαν γιγνώσκειν ὅτι τε βούλεται καὶ
ὅτῳ ἔοικε τῶν ἀξιολόγων μιμημάτων· ἀλλὰ ὑπολαβεῖν ἀναγκαῖον ὅτι τὸ
τοιοῦτόν γε πολλῆς ἀγροικίας μεστὸν πᾶν, ὁπόσον τάχους τε καὶ ἀπταισίας καὶ
φωνῆς θηριώδους σφόδρα φίλον ὥστ' αὐλήσει γε χρῆσθαι καὶ (670a) κιθαρίσει
πλὴν ὅσον ὑπὸ ὄρχησίν τε καὶ ᾠδήν, ψιλῷ δ' ἑκατέρῳ πᾶσά τις ἀμουσία καὶ
θαυματουργία γίγνοιτ' ἂν τῆς χρήσεως. Ταῦτα μὲν ἔχει ταύτῃ λόγον· ἡμεῖς δέ γε
οὐχ ὅτι μὴ δεῖ ταῖς Μούσαις ἡμῶν προσχρῆσθαι τοὺς ἤδη τριακοντούτας καὶ τῶν
πεντήκοντα πέραν γεγονότας σκοπούμεθα, ἀλλ' ὅτι ποτὲ δεῖ. τόδε μὲν οὖν ἐκ
τούτων ὁ λόγος ἡμῖν δοκεῖ μοι σημαίνειν ἤδη, τῆς γε χορικῆς Μούσης ὅτι
πεπαιδεῦσθαι (670b) δεῖ βέλτιον τοὺς πεντηκοντούτας ὅσοισπερ ἂν ᾄδειν
προσήκῃ. Τῶν γὰρ ῥυθμῶν καὶ τῶν ἁρμονιῶν ἀναγκαῖον αὐτοῖς ἐστιν
εὐαισθήτως ἔχειν καὶ γιγνώσκειν· ἢ πῶς τις τὴν ὀρθότητα γνώσεται τῶν μελῶν,
ᾧ προσῆκεν ἢ μὴ προσῆκεν τοῦ δωριστί, καὶ τοῦ ῥυθμοῦ ὃν ὁ ποιητὴς αὐτῷ
προσῆψεν, ὀρθῶς ἢ μή;
(Κλεινίας)
Δῆλον ὡς οὐδαμῶς.
(Ἀθηναῖος)
Γελοῖος γὰρ ὅ γε πολὺς ὄχλος ἡγούμενος ἱκανῶς γιγνώσκειν τό τε εὐάρμοστον
καὶ εὔρυθμον καὶ μή, ὅσοι προσᾴδειν αὐτῶν καὶ βαίνειν ἐν ῥυθμῷ γεγόνασι
διηναγκασμένοι, (670c) ὅτι δὲ δρῶσιν ταῦτα ἀγνοοῦντες αὐτῶν ἕκαστα, οὐ
συλλογίζονται. Τὸ δέ που προσήκοντα μὲν ἔχον πᾶν μέλος ὀρθῶς ἔχει, μὴ
προσήκοντα δὲ ἡμαρτημένως.
(Κλεινίας)
Ἀναγκαιότατα.
(Ἀθηναῖος)
Τί οὖν ὁ μηδ' ὅτι ποτ' ἔχει γιγνώσκων; ἆρα, ὅπερ εἴπομεν, ὡς ὀρθῶς γε αὐτὸ ἔχει,
γνώσεταί ποτε ἐν ὁτῳοῦν;
(Κλεινίας)
Καὶ τίς μηχανή;
| [2,11] XI. (668d)
(L'ATHÉNIEN)
Il y a sans doute des milliers d'imitations qui s'adressent à la vue.
(CLINIAS)
Oui.
(L'ATHÉNIEN)
Si donc ici encore on ignore ce que sont les objets imités, pourra-t-on jamais
reconnaître si l'exécution est fidèle, je veux dire, par exemple, si les
propositions des objets sont bien observées et chacune des parties bien à sa
place, quel en est le nombre, et si elles sont ajustées les unes à côté des
autres dans l'ordre qui convient, et si les couleurs et les figures aussi sont
bien imitées, ou si tout cela a été confondu ? Vous semble-t-il qu'on puisse
jamais discerner tout cela, si l'on n'a aucune idée de ce qu'est l'animal imité ?
(CLINIAS)
Comment le pourrait-on ?
(L'ATHÉNIEN)
Mais si nous savons que l'objet peint ou modelé est un homme, et que l'artiste
en a représenté toutes les parties avec leurs couleurs ou leurs formes, ne
s'ensuit-il pas nécessairement que nous pouvons juger tout de suite si l'ouvrage
est beau, ou ce qui lui manque pour l'être ?
(CLINIAS)
On peut dire, étranger, que nous reconnaîtrions presque tous les beautés des
animaux représentés.
(L'ATHÉNIEN)
Parfaitement. Dès lors, ne faut-il pas, si l'on veut porter un jugement sain sur
chaque image, soir en peinture, soit en musique ou en tout autre genre,
connaître ces trois choses, d'abord ce qu'est l'objet imité, ensuite s'il est
exactement reproduit, et, en troisième lieu, si l'imitation est belle, soit pour
les paroles, soit pour les mélodies, soit pour les rythmes ?
(CLINIAS)
Il semble en effet.
(L'ATHÉNIEN)
Voyons donc, sans nous rebuter, ce qui fait la difficulté de bien juger la
musique. Comme c'est de toutes les imitations la plus vantée, c'est celle aussi
qui exige le plus de circonspection, car ici l'erreur peut causer les plus
grands dommages en nous faisant embrasser de mauvaises mœurs, et en même temps
elle est très difficile à saisir, parce que les poètes sont loin d'égaler les
Muses dans leurs créations. Ce n'est pas elles qui commettraient la faute
d'adapter à des paroles qu'elles auraient faites pour les hommes des figures et
une mélodie qui ne conviennent qu'aux femmes, ou d'ajuster à une mélodie et à
des figures qu'elles auraient composées pour des hommes libres des rythmes
propres aux esclaves ou à des rustres, ou enfin, quand elles ont pris pour base
des rythmes et une figure propres à un homme libre, de mettre sur ces rythmes
une mélodie ou des paroles qui les contrarient. Jamais elles ne mêleraient des
voix d'animaux, d'hommes, d'instruments et des bruits de toute sorte pour
exprimer une seule chose, au lieu que nos poètes humains, entrelaçant
étroitement et brouillant tout cela d'une manière absurde, prêtent à rire à tous
ceux qui, comme dit Orphée, ont reçu du ciel le sentiment de l'harmonie. Car non
seulement ils mêlent tous ces éléments, mais encore ils les séparent violemment
et nous présentent un rythme et des figures sans mélodie et des paroles sans
accompagnement assujetties au mètre, ou, par contre, une mélodie et un rythme
sans paroles, joués sur la simple cithare ou la flûte. Dans de telles
conditions, il est très difficile de deviner ce que veulent dire ce rythme et
cette harmonie dénués de paroles et à quel genre d'imitation de quelque valeur
cela ressemble. Il faut reconnaître qu'il y a beaucoup de rusticité dans ce goût
qu'ils affectent pour la vitesse, la volubilité et les cris d'animaux, au point
qu'ils jouent de la flûte et de la cithare en dehors de la danse et du chant ;
user de ces deux instruments autrement que pour accompagner dénote un manque
total de goût et un vrai charlatanisme. Voilà ce que j'avais à dire sur ce
sujet. Au reste, nous n'examinons pas ici de quel genre de musique les hommes
qui ont atteint la trentaine et ceux qui ont dépassé la cinquantaine doivent
s'abstenir, mais quel genre ils doivent pratiquer. Ce qui me paraît résulter de
ce discours, c'est que les hommes de cinquante ans qui sont dans le cas de
chanter doivent être mieux instruits que personne de ce qui concerne la musique
des chœurs. Il faut qu'ils aient un sens aigu et une connaissance exacte des
rythmes et des harmonies; autrement, comment pourraient-ils reconnaître la
justesse des mélodies, les cas où il convient d'user du mode dorien, et si le
poète a bien ou mal ajusté le rythme à la mélodie ?
(CLINIAS)
Il est évident qu'ils ne le pourraient pas.
(L'ATHÉNIEN)
La plupart des spectateurs sont ridicules de croire qu'ils sont assez habiles
pour reconnaître si l'harmonie et le rythme conviennent ou ne conviennent pas,
parce qu'ils ont été forcés de chanter et de marcher en mesure. Ils ne
réfléchissent pas qu'ils le font sans connaître chacune de ces choses et que
toute mélodie est juste, quand elle a les qualités qui lui conviennent, et
manquée dans le cas contraire.
(CLINIAS)
C'est absolument exact.
(L'ATHÉNIEN)
Mais quoi ? si l'on ne connaît même pas la nature d'une chose, pourra-t-on
jamais reconnaître, comme nous l'avons dit, si elle est juste, quelle que soit
d'ailleurs cette chose ?
(CLINIAS)
Le moyen ?
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