[8] Τί δέ; Οὐχὶ καὶ τοῦ Κράτητος μουσικὰ καὶ χαρίεντα
φέρεται πολλὰ δείγματα τῆς πρὸς τοὺς θεοὺς ὁσιότητός
τε καὶ εὐλαβείας; Ἄκουε γοῦν αὐτὰ παρ´ ἡμῶν, εἴ σοι μὴ
σχολὴ γέγονε μαθεῖν ἐξ ἐκείνων αὐτά·
«Μνημοσύνης καὶ Ζηνὸς Ὀλυμπίου ἀγλαὰ τέκνα,
Μοῦσαι Πιερίδες, κλῦτέ μοι εὐχομένῳ·
Χόρτον ἐμῇ συνεχῆ δότε γαστέρι. καὶ δότε χωρίς
Δουλοσύνης ἣ δὴ λιτὸν ἔθηκε βίον.
Ὠφέλιμον δὲ φίλοις μὴ γλυκερὸν τίθετε.
Χρήματα δ´ οὐκ ἐθέλω συνάγειν κλυτά, κανθάρου ὄλβον,
Μύρμηκός τ´ ἄφενος χρήματα μαιόμενος,
Ἀλλὰ δικαιοσύνης μετέχειν καὶ πλοῦτον ἀσινῆ
Εὔφορον, εὔκτητον, τίμιον εἰς ἀρετήν.
Τῶν δὲ τυχὼν Ἑρμῆν καὶ Μούσας ἱλάσομ´ ἁγνάς,
Οὐ δαπάναις τρυφεραῖς, ἀλλ´ ἀρεταῖς ὁσίαις.»
ὁρᾷς ὅτι τοὺς θεοὺς εὐφημῶν, οὐχὶ δὲ ὡς σὺ βλασφημῶν
κατ´ αὐτῶν ηὔχετο. Πόσαι γὰρ ἑκατόμβαι τῆς ὁσίας εἰσὶν
ἀντάξιαι, ἣν καὶ δαιμόνιος Εὐριπίδης ὀρθῶς ὕμνησεν
εἰπὼν «Ὁσία πότνια θεῶν, ὁσία»;
Ἢ τοῦτό σε λέληθεν ὅτι πάντα καὶ τὰ μεγάλα καὶ τὰ
σμικρὰ μετὰ τῆς ὁσίας τοῖς θεοῖς προσαγόμενα τὴν ἴσην
ἔχει δύναμιν, ἐστερημένη δὲ τῆς ὁσίας οὐχ ἑκατόμβη, νὴ
θεούς, ἀλλὰ ἡ τῆς Ὀλυμπιάδος χιλιόμβη ἀνάλωμα μόνον
ἐστίν, ἄλλο δὲ οὐδέν;
Ὅπερ οἶμαι διδάσκων ὁ Κράτης αὐτός τε διὰ μόνης ἧς εἶχεν
ὁσίας τοὺς θεοὺς ἐτίμα σὺν εὐφημίᾳ καὶ τοὺς ἄλλους ἐδίδασκε
μὴ τὰ δαπανήματα τῆς ὁσίας, ἀλλὰ τὴν ὁσίαν ἐκείνων προτιμᾶν
ἐν ταῖς ἁγιστείαις.
Τοιούτω δὲ τὼ ἄνδρε τώδε γενομένω τὰ πρὸς τοὺς θεοὺς
οὐκ ἀκροατήρια συνεκροτείτην οὐδ´, ὥσπερ οἱ σοφοί, δι´
εἰκόνων καὶ μύθων τοῖς φίλοις συνεγιγνέσθην· λέγεται γὰρ
ὑπ´ Εὐριπίδου καλῶς «Ἁπλοῦς ὁ μῦθος τῆς ἀληθείας ἔφυ»·
σκιαγραφίας γάρ φησι τὸν ψευδῆ καὶ ἄδικον δεῖσθαι. Τίς
οὖν ὁ τρόπος αὐτοῖς τῆς συνουσίας ἐγίνετο; Τῶν λόγων
ἡγεῖτο τὰ ἔργα, καὶ οἱ τὴν πενίαν τιμῶντες αὐτοὶ πρῶτοι
ἐφαίνοντο καὶ τῶν πατρῴων χρημάτων ὑπεριδόντες, οἱ τὴν
ἀτυφίαν ἀσπασάμενοι πρῶτοι τὴν εὐτέλειαν ἤσκουν διὰ
πάντων, οἱ τὸ τραγικὸν καὶ σοβαρὸν ἐκ τῶν ἀλλοτρίων
ἐξαιροῦντες βίων ᾤκουν αὐτοὶ πρῶτοι τὰς ἀγορὰς ἢ τὰ
τῶν θεῶν τεμένη, τῇ τρυφῇ δὲ καὶ πρὸ τῶν ῥημάτων διὰ
τῶν ἔργων ἐπολέμουν, ἔργοις ἐλέγχοντες οὐ λόγῳ βοῶντες
ὅτι τῷ Διὶ συμβασιλεύειν ἔξεστιν οὐδενὸς ἢ σμικρῶν πάνυ
δεόμενον οὐδὲ παρενοχλούμενον ὑπὸ τοῦ σώματος, ἐπετίμων
δὲ τοῖς ἁμαρτάνουσιν ἡνίκα ἔζων οἱ πταίσαντες,
οὐκ ἀποθανόντας ἐβλασφήμουν ἡνίκα καὶ τῶν ἐχθρῶν οἱ
μετριώτατοι σπένδονται τοῖς ἀπελθοῦσιν. Ἔχει δὲ ὅ γε
ἀληθινὸς κύων ἐχθρὸν οὐδένα, κἂν τὸ σωμάτιον αὐτοῦ
τις πατάξῃ, κἂν τοὔνομα περιέλκῃ, κἂν λοιδορῆται καὶ
βλασφημῇ, διότι τὸ μὲν τῆς ἔχθρας γίνεται πρὸς ἀντίπαλον,
τὸ δὲ ὑπερβαῖνον τὴν πρὸς ἕτερον ἅμιλλαν εὐνοίᾳ τιμᾶσθαι
φιλεῖ· κἄν τις ἑτέρως ἔχῃ πρὸς αὐτόν, καθάπερ οἶμαι
πολλοὶ πρὸς τοὺς θεούς, ἐκείνῳ μὲν οὐκ ἔστιν ἐχθρός,
οὐδὲ γὰρ βλαβερός, αὐτὸς δὲ αὑτῷ βαρύτατον ἐπιθεὶς
τίμημα τὴν τοῦ κρείττονος ἄγνοιαν ἔρημος λείπεται τῆς
ἐκείνου προστασίας.
| [8] Te faut-il d'autres exemples? N'avons-nous pas de Cratès
de nombreux échantillons poétiques, élégamment tournés, qui
témoignent de sa piété, de sa vénération envers les dieux?
Ecoute-les de notre bouche, si tu n'as pas eu le loisir de les
apprendre déjà :
"Filles de Mnémosyne et du maître des dieux,
Muses de Piérie, écoutez ma prière!
Que mon ventre ait toujours l'aliment nécessaire,
Qui peut, sans m'asservir, satisfaire à ses voeux.
Utile à mes amis, mais non point débonnaire,
Loin de moi des palais les trésors fastueux!
Le sort de la fourmi, les biens du scarabée,
Sont la seule richesse où mon âme prétend.
Mais aspirer vers toi, Justice vénérée,
Te posséder enfin, est-il bonheur plus grand?
Si j'y parviens, Mercure et les Muses propices
Recevront, de mes mains, non le sang des génisses,
Mais les dons vertueux de mon coeur innocent."
Vois-tu comme ce grand homme, loin de blasphémer contre
les dieux, ainsi que tu le fais, leur adresse ses prières? Or,
toutes les hécatombes du monde ne sont pas comparables à la
sainteté, que le divin Euripide a justement célébrée dans ce vers :
"Sainteté, sainteté, vénérable déesse".
Ignores-tu que les offrandes, petites ou grandes, faites aux
dieux, avec la sainteté, ont une égale valeur, et que, sans la
sainteté, non seulement une hécatombe, mais, j'en atteste le
ciel, une chiliombe {sacrifice de mille boeufs} offerte à Olympie
est une dépense superflue, et rien de plus?
Voilà, je crois, comment Cratès nous apprend que la sainteté de
ses moeurs lui suffisait pour chanter les louanges des dieux,
et c'est de la sorte qu'il enseigne aux autres à préférer, dans les
choses saintes, non le luxe à la sainteté, mais la sainteté au luxe.
Ainsi ces deux grands hommes religieux envers la Divinité,
n'attiraient point à eux de nombreux auditoires, et ils n'entretenaient
pas leurs amis, comme les sages du jour, au moyen d'allégories et
de fables. Euripide dit avec beaucoup de sens :
"Le vrai, pour s'exprimer, n'a qu'un simple langage",
et il n'y a, selon lui, que le menteur et l'injuste qui aient besoin
de s'envelopper d'ombre. Or, quelle fut la conduite de nos
philosophes? Leurs actions précèdent leurs paroles. Quand ils
louent la pauvreté, on voit qu'ils ont commencé par sacrifier
leurs biens héréditaires. S'ils font profession de modestie, ils
ont d'abord fait preuve en tout de simplicité. Quand ils proscrivent
de la vie des autres l'appareil théâtral et pompeux, ils
ont commencé par se loger sur les places publiques et dans les
temples des dieux. Avant de faire une guerre de paroles à la
volupté, ils l'ont combattue par leurs actions, prouvant par
des faits et non par de vaines criailleries, qu'il est possible de
régner avec Jupiter, lorsqu'on n'a presque aucun besoin et
qu'on n'est point importuné par le corps. Enfin ils reprenaient
les fautes lorsque vivaient encore ceux qui les avaient commises,
et ils n'invectivaient pas contre les morts, auxquels pardonnent
volontiers des ennemis modérés. Du reste, le vrai chien n'a
point d'ennemis, pas même celui qui maltraiterait son pauvre
corps, déchirerait sa renommée, le calomnierait ou l'accablerait
d'invectives. En effet, l'inimitié ne peut s'exercer que
contre un rival. Or, un homme placé au-dessus de toute rivalité,
est honoré, d'ordinaire, de la bienveillance publique. Et
si quelqu'un éprouve à son égard un sentiment contraire,
comme on voit tant de gens, par exemple, en éprouver à
l'égard des dieux, il n'est point vraiment l'ennemi d'un sage
auquel il ne peut nuire, mais il se punit lui-même en se privant
de connaître meilleur que lui et en demeurant privé de son secours.
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