[40] Καὶ μὴ θαυμάσῃς, εἰ πολλὰ τῶν λεγομένων ἐστὶν ἃ καὶ σὺ γιγνώσκεις· οὐδὲ
γὰρ ἐμὲ τοῦτο παρέλαθεν, ἀλλ' ἠπιστάμην ὅτι τοσούτων ὄντων τὸ πλῆθος καὶ τῶν
ἄλλων καὶ τῶν ἀρχόντων οἱ μέν τι τούτων εἰρήκασιν, οἱ δ' ἀκηκόασιν, οἱ δ' ἑτέρους
ποιοῦντας ἑωράκασιν, οἱ δ' αὐτοὶ τυγχάνουσιν ἐπιτηδεύοντες. (41) Ἀλλὰ γὰρ οὐκ ἐν τοῖς
λόγοις χρὴ τούτοις7 ζητεῖν τὰς καινότητας, ἐν οἷς οὔτε παράδοξον οὔτ' ἄπιστον οὔτ' ἔξω
τῶν νομιζομένων οὐδὲν ἔξεστιν εἰπεῖν, ἀλλ' ἡγεῖσθαι τοῦτον χαριέστατον, ὃς ἂν τῶν
διεσπαρμένων ἐν ταῖς τῶν ἄλλων διανοίαις ἀθροῖσαι τὰ πλεῖστα δυνηθῇ καὶ φράσαι
κάλλιστα περὶ αὐτῶν. (42) Ἐπεὶ κἀκεῖνό μοι πρόδηλον ἦν, ὅτι τὰ συμβουλεύοντα καὶ
τῶν ποιημάτων καὶ τῶν συγγραμμάτων μάτων χρησιμώτατα μὲν ἅπαντες νομίζουσιν,
οὐ μὴν ἥδιστά γ' αὐτῶν ἀκούουσιν, ἀλλὰ πεπόνθασιν ὅπερ πρὸς τοὺς νουθετοῦντας·
καὶ γὰρ ἐκείνους ἐπαινοῦσι μέν, πλησιάζειν δὲ βούλονται τοῖς συνεξαμαρτάνουσιν ἀλλ'
οὐ τοῖς ἀποτρέπουσιν. (43) Σημεῖον δ' ἄν τις ποιήσαιτο τὴν Ἡσιόδου καὶ Θεόγνιδος καὶ
Φωκυλίδου ποίησιν· καὶ γὰρ τούτους φασὶ μὲν ἀρίστους γεγενῆσθαι συμβούλους τῶ
βίῳ τῷ τῶν ἀνθρώπων, ταῦτα δὲ λέγοντες αἱροῦνται συνδιατρίβειν ταῖς ἀλλήλων
ἀνοίαις μᾶλλον ἢ ταῖς ἐκείνων ὑποθήκαις. (44) Ἔτι δ' εἴ τις ἐκλέξειε τῶν προεχόντων
ποιητῶν τὰς καλουμένας γνώμας, ἐφ' αἷς ἐκεῖνοι μάλιστ' ἐσπούδασαν, ὁμοίως ἂν καὶ
πρὸς ταύτας διατεθεῖεν· ἥδιον γὰρ ἂν κωμῳδίας τῆς φαυλοτάτης ἢ τῶν οὕτω τεχνικῶς
πεποιημένων ἀκούσαιεν.
Καὶ τί δεῖ καθ' ἓν ἕκαστον λέγοντα διατρίβειν; (45) Ὅλως γὰρ εἰ 'θέλοιμεν σκοπεῖν
τὰς φύσεις τὰς τῶν ἀνθρώπων, εὑρήσομεν τοὺς πολλοὺς αὐτῶν οὔτε τῶν σιτίων
χαίροντας τοῖς ὑγιεινοτάτοις οὔτε τῶν ἐπιτηδευμάτων τοῖς καλλίστοις οὔτε τῶν
πραγμάτων τοῖς βελτίστοις οὔτε τῶν θρεμμάτων τοῖς ὠφελιμωτάτοις, ἀλλὰ παντάπασιν
ἐναντίας τῷ συμφέροντι τὰς ἡδονὰς ἔχοντας, καὶ δοκοῦντας καρτερικοὺς καὶ
φιλοπόνους εἶναι τοὺς τῶν δεόντων τι ποιοῦντας· (46) ὥστε πῶς ἄν τις τοῖς τοιούτοις ἢ
παραινῶν ἢ διδάσκων ἢ χρήσιμόν τι λέγων ἀρέσειεν; Οἳ πρὸς τοῖς εἰρημένοις φθονοῦσι
μὲν τοῖς εὖ φρονοῦσιν, ἁπλοῦς δ' ἡγοῦνται τοὺς νοῦν οὐκ ἔχοντας, οὕτω δὲ τὰς
ἀληθείας τῶν πραγμάτων φεύγουσιν, ὥστ' οὐδὲ τὰ σφέτερ' αὐτῶν ἴσασιν, ἀλλὰ
λυποῦνται μὲν περὶ τῶν ἰδίων λογιζόμενοι, χαίρουσι δὲ περὶ τῶν ἀλλοτρίων
διαλεγόμενοι, βούλοιντο δ' ἂν τῷ σώματι κακοπαθῆσαι μᾶλλον ἢ τῇ ψυχῇ πονῆσαι καὶ
σκέψασθαι περί τινος τῶν ἀναγκαίων. (47) Εὕροι δ' ἄν τις αὐτοὺς ἐν μὲν ταῖς πρὸς
ἀλλήλους συνουσίαις ἢ λοιδοροῦντας ἢ λοιδορουμένους, ἐν δὲ ταῖς ἐρημίαις οὐ
βουλευομένους ἀλλ' εὐχομένους. Λέγω δ' οὐ καθ' ἁπάντων, ἀλλὰ κατὰ τῶν ἐνόχων τοῖς
εἰρημένοις ὄντων.
(48) Ἐκεῖνο δ' οὖν φανερόν, ὅτι δεῖ τοὺς βουλομένους ἢ ποιεῖν ἢ γράφειν τι
κεχαρισμένον τοῖς πολλοῖς μὴ τοὺς ὠφελιμωτάτους τῶν λόγων ζητεῖν, ἀλλὰ τοὺς
μυθωδεστάτους· ἀκούοντες μὲν γὰρ τῶν τοιούτων χαίρουσι, θεωροῦντες δὲ τοὺς
ἀγῶνας καὶ τὰς ἁμίλλας. Διὸ καὶ τὴν Ὁμήρου ποίησιν καὶ τοὺς πρώτους εὑρόντας
τραγῳδίαν ἄξιον θαυμάζειν, ὅτι κατιδόντες τὴν φύσιν τὴν τῶν ἀνθρώπων ἀμφοτέραις
ταῖς ἰδέαις ταύταις κατεχρήσαντο πρὸς τὴν ποίησιν. (49) Ὁ μὲν γὰρ τοὺς ἀγῶνας καὶ
τοὺς πολέμους τοὺς τῶν ἡμιθέων ἐμυθολόγησεν, οἱ δὲ τοὺς μύθους εἰς ἀγῶνας καὶ
πράξεις κατέστησαν, ὥστε μὴ μόνον ἀκουστοὺς ἡμῖν ἀλλὰ καὶ θεατοὺς γενέσθαι.
Τοιούτων οὖν παραδειγμάτων ὑπαρχόντων, δέδεικται τοῖς ἐπιθυμοῦσι τοὺς
ἀκροωμένους ψυχαγωγεῖν, ὅτι τοῦ μὲν νουθετεῖν καὶ συμβουλεύειν βουλεύειν ἀφεκτέον,
τὰ δὲ τοιαῦτα λεκτέον οἷς ὁρῶσι τοὺς ὄχλους μάλιστα χαίροντας.
| [40] 12. Et ne vous étonnez pas si, dans les choses que je vous ai dites, il s'en
trouve beaucoup qui vous soient connues ; c'est une remarque qui ne m'a point
échappé. Je n'ignorais pas qu'un grand nombre de particuliers et de princes avaient
exprimé une partie de ces vérités, que d'autres les avaient entendues proclamer, que
d'autres en avaient vu faire l'application, que d'autres enfin la faisaient eux-mêmes.
(41) Mais ce n'est pas dans les discours destinés à exposer des règles de conduite
qu'il faut chercher des idées nouvelles. Rien de paradoxal, de hasardé, de contraire
aux idées reçues, ne peut trouver sa place dans de tels discours, et on doit regarder
comme le plus digne de plaire entre tous les écrivains celui qui pourrait réunir le plus
grand nombre des vérités éparses dans les pensées des hommes, et les présenter
sous la forme la plus éloquente. (42) Je n'ignorais pas non plus qu'entre tous les
discours et les écrits, soit en vers, soit en prose, ceux qui ont pour but d'offrir des
conseils sont universellement regardés comme les plus utiles, mais non comme les
plus agréables pour ceux qui les écoutent. On éprouve à leur égard le même
sentiment qu'à l'égard des hommes qui font profession de donner des avis ; tous leur
accordent des louanges, mais personne ne les recherche, et nous préférons la société
de ceux qui partagent nos fautes à celle des hommes qui nous détournent d'en
commettre. (43) On pourrait, à l'appui de ce que j'avance, citer les poésies d'Hésiode,
de Théognis et de Phocylide. Ces grands hommes sont proclamés comme les
meilleurs conseillers de la vie humaine, et, tout en s'exprimant ainsi à leur égard, on
préfère consumer le temps au milieu d'entretiens frivoles, plutôt que de se nourrir de
leurs sages doctrines. (44) Bien plus, si quelqu'un choisissait dans les oeuvres des
plus grands poètes les passages qu'ils ont travaillés avec le plus de soin, et qu'on
appelle leurs maximes, on accueillerait ces maximes avec les mêmes dispositions, et
la plus futile comédie serait toujours écoutée avec plus de plaisir que des préceptes
élaborés avec un art si parfait.
13. Mais qu'est-il besoin de nous arrêter sur chaque objet en particulier? (45) Si
nous voulons examiner en général la nature des hommes, nous trouverons que la
plupart n'éprouvent d'attrait ni pour les aliments les plus sains, ni pour les occupations
les plus nobles, ni pour les actions les meilleures, ni pour les préceptes les plus utiles ;
qu'ils recherchent les plaisirs les plus contraires à leurs intérêts, et qu'ils regardent
comme des modèles de constance et d'énergie les hommes qui remplissent quelque
partie de leurs devoirs. (46) Comment serait-il possible de plaire à de semblables
auditeurs, en leur donnant des conseils, des instructions ou des avertissements utiles,
lorsqu'en outre de tout ce que nous avons dit, ils poursuivent de leur envie les
hommes sages, et croient que les insensés sont uniquement des hommes simples et
ouverts ? Ils ont un tel éloignement pour la vérité des affaires, qu'ils ignorent même
celles qui les touchent ; qu'ils s'irritent lorsqu'ils sont contraints de s'occuper de leurs
intérêts ; qu'ils ne prennent de plaisir qu'à discuter sur les intérêts des autres, et qu'ils
soumettraient leur corps à toute espèce de tortures plutôt que d'exercer leur esprit au
travail et de donner leur attention à une chose nécessaire. (47) Se trouvent-ils réunis,
ils font entre eux un échange de railleries et d'injures. Sont-ils seuls, vous les trouverez
occupés, non pas à réfléchir, mais à former des voeux chimériques. Je ne dis pas cela
de tous : je le dis de ceux qui ont les défauts que nous avons signalés.
(48) Il est donc de toute évidence que ceux qui veulent écrire, soit en vers, soit en
prose, de manière à être agréables à la multitude, ne doivent pas s'attacher aux
vérités les plus utiles, mais aux fictions les plus merveilleuses. La multitude se plaît à
de semblables récits ; elle s'émeut à la vue des luttes et des combats. Et voilà
pourquoi nous devons admirer le génie poétique d'Homère et des premiers inventeurs
de la tragédie, parce qu'ayant apprécié la nature de l'homme, ils ont donné à leurs
écrits les deux formes que nous venons d'indiquer. (49) Homère a représenté dans ses
fictions les combats et les guerres des demi-dieux ; les poètes tragiques ont transporté
ces mêmes fictions sur la scène en récits et en actions, de manière à nous rendre à la
fois auditeurs et spectateurs. En présence de tels exemples, il demeure évident pour
les hommes qui désirent charmer ceux qui les écoutent, qu'ils doivent soigneusement
s'abstenir de donner des avis ou des conseils, et s'attacher à dire ou à écrire ce qui
leur paraîtra de nature à plaire davantage à la multitude.
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