[60] ὥστ' οὐχ ὑπὲρ τῶν γεγενημένων
ὀργιζόμενος ἀλλὰ περὶ τῶν μελλόντων φοβούμενος, οὐδὲ περὶ Κύπρου
μόνον δεδιώς, ἀλλὰ πολὺ περὶ μειζόνων ἐποιήσατο τὸν πόλεμον πρὸς αὐτόν. Οὕτω δ'
οὖν ὥρμησεν ὥστ' εἰς τὴν στρατείαν ταύτην πλέον ἢ τάλαντα πεντακισχίλια καὶ μύρια
κατηνάλωσεν.
(61) Ἀλλ' ὅμως Εὐαγόρας πάσαις ἀπολελειμμένος ταῖς δυνάμεσιν, ἀντιτάξας τὴν
αὑτοῦ γνώμην πρὸς τὰς οὕτως ὑπερμεγέθεις παρασκευάς, ἐπέδειξεν αὑτὸν ἐν τούτοις
πολὺ θαυμαστότερον ἢ τοῖς ἄλλοις τοῖς προειρημένοις. Ὅτε μὲν γὰρ αὐτὸν εἴων εἰρήνην
ἄγειν, (62) τὴν αὑτοῦ πόλιν μόνην εἶχεν· ἐπειδὴ δ' ἠναγκάσθη πολεμεῖν, τοιοῦτος ἦν καὶ
τοιοῦτον εἶχε Πνυταγόραν τὸν υἱὸν τὸν αὑτοῦ συναγωνιστὴν ὥστε μικροῦ μὲν ἐδέησε
Κύπρον ἅπασαν κατασχεῖν, Φοινίκην δ' ἐπόρθησε, Τύρον δὲ κατὰ κράτος εἷλε, Κιλικίαν
δὲ βασιλέως ἀπέστησε, τοσούτους δὲ τῶν πολεμίων ἀπώλεσεν ὥστε πολλοὺς Περσῶν
πενθοῦντας τὰς αὑτῶν συμφορὰς μεμνῆσθαι τῆς ἀρετῆς τῆς ἐκείνου· (63) τελευτῶν δ'
οὕτως ἐνέπλησεν αὐτοὺς τοῦ πολεμεῖν, ὥστ' εἰθισμένων τὸν ἄλλον χρόνον τῶν
βασιλέων μὴ διαλλάττεσθαι τοῖς ἀποστᾶσι πρὶν κύριοι γένοιντο τῶν σωμάτων, ἄσμενοι
τὴν εἰρήνην ἐποιήσαντο, λύσαντες μὲν τὸν νόμον τοῦτον, οὐδὲν δὲ κινήσαντες τῆς
Εὐαγόρου τυραννίδος. (64) Καὶ Λακεδαιμονίων μὲν τῶν καὶ δόξαν καὶ δύναμιν μεγίστην
ἐχόντων κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον ἐντὸς τριῶν ἐτῶν ἀφείλετο τὴν ἀρχήν, Εὐαγόρα δὲ
πολεμήσας ἔτη δέκα τῶν αὐτῶν κύριον αὐτὸν κατέλιπεν, ὧνπερ ἦν καὶ πρὶν εἰς τὸν
πόλεμον εἰσελθεῖν. Ὃ δὲ πάντων δεινότατον· τὴν γὰρ πόλιν, ἣν Εὐαγόρας ἑτέρου
τυραννοῦντος μετὰ πεντήκοντ' ἀνδρῶν εἷλε, ταύτην βασιλεὺς ὁ μέγας τοσαύτην δύναμιν
ἔχων οὐχ οἷός τ' ἐγένετο χειρώσασθαι.
(65) Καίτοι πῶς ἄν τις τὴν ἀνδρίαν ἢ τὴν φρόνησιν ἢ σύμπασαν τὴν ἀρετὴν τὴν
Εὐαγόρου φανερώτερον ἐπιδείξειεν ἢ διὰ τοιούτων ἔργων καὶ κινδύνων; Οὐ γὰρ μόνον
φανεῖται τοὺς ἄλλους πολέμους, ἀλλὰ καὶ τὸν τῶν ἡρώων ὑπερβαλόμενος, τὸν ὑπὸ
πάντων ἀνθρώπων ὑμνούμενον. Οἱ μὲν γὰρ μεθ' ἁπάσης τῆς Ἑλλάδος Τροίαν μόνην
εἷλον, ὁ δὲ μίαν πόλιν ἔχων πρὸς ἅπασαν τὴν Ἀσίαν ἐπολέμησεν· ὥστ' εἰ τοσοῦτοι τὸ
πλῆθος ἐγκωμιάζειν αὐτὸν ἠβουλήθησαν ὅσοι περ ἐκείνους, πολὺ ἂν μείζω καὶ τὴν
δόξαν αὐτῶν ἔλαβεν.
(66) Τίνα γὰρ εὑρήσομεν τῶν τότε γενομένων, εἰ τοὺς μύθους ἀφέντες τὴν ἀλήθειαν
σκοποῖμεν, τοιαῦτα διαπεπραγμένον, ἢ τίνα τοσούτων μεταβολῶν ἐν τοῖς πράγμασιν
αἴτιον γεγενημένον; Ὃς αὑτὸν μὲν ἐξ ἰδιώτου τύραννον κατέστησε, τὸ δὲ γένος ἅπαν
ἀπεληλαμένον τῆς πολιτείας εἰς τὰς προσηκούσας τιμὰς πάλιν ἐπανήγαγε, τοὺς δὲ
πολίτας ἐκ βαρβάρων μὲν Ἕλληνας ἐποίησεν, (67) ἐξ ἀνάνδρων δὲ πολεμικούς, ἐξ
ἀδόξων δ' ὀνομαστούς, τὸν δὲ τόπον ἄμικτον ὅλον παραλαβὼν καὶ παντάπασιν
ἐξηγριωμένον ἡμερώτερον καὶ πραότερον κατέστησεν, ἔτι δὲ πρὸς τούτοις εἰς ἔχθραν
μὲν βασιλεῖ καταστὰς οὕτως αὐτὸν ἠμύνατο καλῶς ὥστ' ἀείμνηστον γεγενῆσθαι τὸν
πόλεμον τὸν περὶ Κύπρον, ὅτε δ' ἦν αὐτῷ σύμμαχος, τοσούτῳ χρησιμώτερον αὑτὸν
παρέσχε τῶν ἄλλων (68) ὥσθ' ὁμολογουμένως μεγίστην αὐτῷ συμβαλέσθαι δύναμιν εἰς
τὴν ναυμαχίαν τὴν περὶ Κνίδον, ἧς γενομένης βασιλεὺς μὲν ἁπάσης τῆς Ἀσίας κύριος
κατέστη, Λακεδαιμόνιοι δ' ἀντὶ τοῦ τὴν ἤπειρον πορθεῖν περὶ τῆς αὑτῶν κινδυνεύειν
ἠναγκάσθησαν, οἱ δ' Ἕλληνες ἀντὶ δουλείας αὐτονομίας ἔτυχον, Ἀθηναῖοι δὲ τοσοῦτον
ἐπέδοσαν ὥστε τοὺς πρότερον αὐτῶν ἄρχοντας ἐλθεῖν αὐτοῖς τὴν ἀρχὴν δώσοντας.
(69) Ὥστ' εἴ τις ἔροιτό με, τί νομίζω μέγιστον εἶναι τῶν Εὐαγόρᾳ πεπραγμένων,
πότερον τὰς ἐπιμελείας καὶ τὰς παρασκευὰς τὰς πρὸς Λακεδαιμονίους ἐξ ὧν τὰ
προειρημένα γέγονεν, ἢ τὸν τελευταῖον πόλεμον, ἢ τὴν κατάληψιν τῆς βασιλείας, ἢ τὴν
ὅλην τῶν πραγμάτων διοίκησιν, εἰς πολλὴν ἀπορίαν ἂν κατασταίην· ἀεὶ γάρ μοι δοκεῖ
μέγιστον εἶναι καὶ θαυμαστότατον καθ' ὅ τι ἂν αὐτῶν ἐπιστήσω τὴν διάνοιαν.
| [60] non par irritation à cause du passé, mais par inquiétude pour l'avenir ; non pas seulement par crainte pour l'île de Cypre, mais pour de plus hautes appréhensions. En un mot, il se portait avec tant d'ardeur à celte guerre, qu'il y dépensa plus de quinze mille talents.
(61) 23. Évagoras, cependant, inférieur en moyens de guerre de tout genre, mais
opposant son génie à ces immenses préparatifs, se montra, dans cette circonstance,
plus digne encore d'admiration que dans toutes celles que nous avons signalées.
Lorsque les Perses le laissaient jouir de la paix, (62) son pouvoir était borné à
l'enceinte de Salamine; mais, dès qu'il fut obligé de leur faire la guerre, il déploya une
telle supériorité, et trouva dans son fils Pnytagoras un si vaillant auxiliaire, qu'il fut au
moment de s'emparer de l'île entière. Il ravagea la Phénicie, enleva Tyr de vive force,
souleva la Cilicie contre le Roi, et détruisit un si grand nombre d'ennemis que la
plupart des Perses, lorsqu'ils déplorent les malheurs qui les ont frappés, ne manquent
jamais de rappeler la valeur d'Évagoras. (63) Enfin il les remplit d'un tel dégoût pour la
guerre, que, malgré l'usage établi dans tous les temps chez les rois de Perse de ne
pas traiter avec leurs sujets révoltés avant qu'ils se fussent livrés entre leurs mains, on
les vit, au mépris de cette loi, heureux de conclure la paix sans porter aucune atteinte
à la puissance d'Évagoras. (64) Le Roi, dans l'espace de trois ans, avait arraché
l'empire aux Lacédémoniens, qui alors étaient parvenus au faîte de la gloire et de la
puissance ; tandis qu'après une lutte de dix ans, il se vit contraint de laisser Évagoras
maître de ce qu'il possédait avant de commencer la guerre. Et ce qu'il y a de plus
remarquable, cette même ville qu'Évagoras avait enlevée à la tête de cinquante
hommes, lorsqu'un autre y régnait, le Grand Roi, avec toute sa puissance, ne put
jamais la soumettre.
(65) 24. Comment pourrait-on montrer la valeur, le génie et toute la vertu
d'Évagoras avec plus d'évidence qu'en présentant le tableau de tels travaux, de tels
dangers ? On ne le voit pas seulement surpasser les exploits qui ont illustré les autres
guerres, mais ceux de la guerre des héros célébrée dans tout l'univers. Ceux-ci, aidés
de toute la Grèce, ont pris la seule ville de Troie ; Évagoras, qui ne possédait qu'une
ville, a lutté contre l'Asie entière : de sorte que, si le nombre de ceux qui ont voulu lui
donner des louanges eut égalé le nombre des poètes qui ont chanté ces héros, sa
gloire eût été de beaucoup supérieure à celle qu'ils ont acquise.
(66) 25. Et en effet, si, laissant de côté les fables, nous n'envisageons que la
vérité, quel homme trouverons-nous, dans ces temps éloignés, qui ait fait d'aussi
grandes choses, ou opéré de si grandes révolutions? Il était simple particulier, il s'est
fait roi ; sa famille tout entière était exclue du pouvoir, il l'a rétablie dans les honneurs
auxquels elle avait droit ; ses concitoyens étaient tombés dans la barbarie, il leur a fait
reprendre leur rang parmi les Grecs; (67) ils étaient lâches, il les a rendus belliqueux ;
ils étaient sans renommée, il les a rendus célèbres ; il avait trouvé un pays sans
relations avec les peuples étrangers et dans une situation voisine de l'état sauvage, il
l'a civilisé, il a adouci ses mœurs; enfin, lorsqu'il eut encouru la haine du Roi, il
combattit contre lui d'une manière si glorieuse qu'une éternelle renommée s'est
attachée au souvenir de la guerre de Cypre; tandis que, lorsqu'il était son allié, il s'était
montré tellement supérieur à tous les autres par ses services (68) que, d'un
consentement unanime, on convient que c'est lui qui a engagé pour sa cause les
forces les plus considérables dans le combat naval de Gnide, combat par suite duquel
le Roi est devenu maître de toute l'Asie; les Lacédémoniens, qui ravageaient le
continent, ont été forcés de combattre pour leurs propres foyers ; les Grecs, délivrés
de l'esclavage, ont recouvré leur liberté ; et la puissance d'Athènes a pris un tel
accroissement que ceux qui auparavant lui donnaient des ordres sont venus remettre
le commandement dans ses mains.
(69) 26. Si donc quelqu'un me demandait quels sont, entre tous les actes de la vie
d'Évagoras, ceux que je considère comme les plus grands, soit les dispositions qu'il a
prises contre les Lacédémoniens, d'où sont sortis les événements que nous avons
signalés, soit la dernière guerre, soit la conquête de sa couronne, soit enfin l'ensemble
de son administration, je serais dans un grand embarras; car, de toutes ses actions,
celle qui dans le moment s'offre à ma pensée me semble toujours la plus grande, la
plus digne d'être admirée.
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