[40] Εἰ μὲν οὖν ἐπὶ μικροῖς διήνεγκε, τοιούτων ἂν καὶ τῶν λόγων αὐτῷ προσῆκεν
ἀξιοῦσθαι· νῦν δ' ἅπαντες ἂν ὁμολογήσειαν τυραννίδα καὶ τῶν θείων ἀγαθῶν καὶ τῶν
ἀνθρωπίνων μέγιστον καὶ σεμνότατον καὶ περιμαχητότατον εἶναι. Τὸν δὴ τὸ κάλλιστον
τῶν ὄντων κάλλιστα κτησάμενον τίς ἂν ἢ ποιητὴς ἢ λόγων εὑρετὴς ἀξίως τῶν
πεπραγμένων ἐπαινέσειεν;
(41) Οὐ τοίνυν ἐν τούτοις ὑπερβαλόμενος ἐν τοῖς ἄλλοις εὑρεθήσεται
καταδεέστερος γενόμενος, ἀλλὰ πρῶτον μὲν εὐφυέστατος ὢν τὴν γνώμην καὶ πλεῖστα
κατορθοῦν δυνάμενος ὅμως οὐκ ᾠήθη δεῖν ὀλιγωρεῖν οὐδ' αὐτοσχεδιάζειν περὶ τῶν
πραγμάτων, ἀλλ' ἐν τῷ ζητεῖν καὶ φροντίζειν καὶ βουλεύεσθαι τὸν πλεῖστον τοῦ χρόνου
διέτριβεν, ἡγούμενος μέν, εἰ καλῶς τὴν αὑτοῦ φρόνησιν παρασκευάσειεν, καλῶς11
αὑτῷ καὶ τὴν βασιλείαν ἕξειν, θαυμάζων δ' ὅσοι τῶν μὲν ἄλλων ἕνεκα τῆς ψυχῆς
ποιοῦνται τὴν ἐπιμέλειαν, αὐτῆς δὲ ταύτης μηδὲν τυγχάνουσι φροντίζοντες. (42) Ἔπειτα
καὶ περὶ τῶν πραγμάτων τὴν αὐτὴν διάνοιαν εἶχεν· ὁρῶν γὰρ τοὺς ἄριστα τῶν ὄντων
ἐπιμελουμένους ἐλάχιστα λυπουμένους, καὶ τὰς ἀληθινὰς τῶν ῥᾳθυμιῶν οὐκ ἐν ταῖς
ἀργίαις ἀλλ' ἐν ταῖς εὐπραγίαις καὶ καρτερίαις ἐνούσας, οὐδὲν ἀνεξέταστον παρέλειπεν,
ἀλλ' οὕτως ἀκριβῶς καὶ τὰς πράξεις ᾔδει καὶ τῶν πολιτῶν ἕκαστον ἐγίγνωσκεν ὥστε
μήτε τοὺς ἐπιβουλεύοντας αὐτῷ φθάνειν μήτε τοὺς ἐπιεικεῖς ὄντας λανθάνειν, ἀλλὰ
πάντας τυγχάνειν τῶν προσηκόντων· οὐ γὰρ ἐξ ὧν ἑτέρων ἤκουεν οὔτ' ἐκόλαζεν οὔτ'
ἐτίμα τοὺς πολίτας, ἀλλ' ἐξ ὧν αὐτὸς συνῄδει τὰς κρίσεις ἐποιεῖτο περὶ αὐτῶν. (43) Ἐν
τοιαύταις δ' ἐπιμελείαις αὑτὸν καταστήσας οὐδὲ περὶ τῶν κατὰ τὴν ἡμέραν ἑκάστην
προσπιπτόντων οὐδὲ περὶ ἓν πεπλανημένως εἶχεν, ἀλλ' οὕτω θεοφιλῶς καὶ
φιλανθρώπως διῴκει τὴν πόλιν ὥστε τοὺς εἰσαφικνουμένους μὴ μᾶλλον Εὐαγόραν τῆς
ἀρχῆς ζηλοῦν ἢ τοὺς ἄλλους τῆς ὑπ' ἐκείνου βασιλείας· ἅπαντα γὰρ τὸν χρόνον
διετέλεσεν οὐδένα μὲν ἀδικῶν, τοὺς δὲ χρηστοὺς τιμῶν, καὶ σφόδρα μὲν ἁπάντων
ἄρχων, νομίμως δὲ τοὺς ἐξαμαρτόντας κολάζων· (44) οὐδὲν μὲν συμβούλων δεόμενος,
ὅμως δὲ τοῖς φίλοις συμβουλευόμενος· πολλὰ μὲν τῶν χρωμένων ἡττώμενος, ἅπαντα
δὲ τῶν ἐχθρῶν περιγιγνόμενος· σεμνὸς ὢν οὐ ταῖς τοῦ προσώπου συναγωγαῖς ἀλλὰ
ταῖς τοῦ βίου κατασκευαῖς· οὐδὲ πρὸς ἓν ἀτάκτως οὐδ' ἀνωμάλως διακείμενος, ἀλλ'
ὁμοίως τὰς ἐν τοῖς ἔργοις ὁμολογίας ὥσπερ τὰς ἐν τοῖς λόγοις διαφυλάττων· (45) μέγα
φρονῶν οὐκ ἐπὶ τοῖς διὰ τύχην ἀλλ' ἐπὶ τοῖς δι' αὑτὸν γιγνομένοις· τοὺς μὲν φίλους ταῖς
εὐεργεσίαις ὑφ' αὑτῷ ποιούμενος, τοὺς δ' ἄλλους τῇ μεγαλοψυχίᾳ καταδουλούμενος·
φοβερὸς ὢν οὐ τῷ πολλοῖς χαλεπαίνειν, ἀλλὰ τῷ πολὺ τὴν τῶν ἄλλων φύσιν
ὑπερβάλλειν· ἡγούμενος τῶν ἡδονῶν, ἀλλ' οὐκ ἀγόμενος ὑπ' αὐτῶν· ὀλίγοις πόνοις
πολλὰς ῥᾳστώνας κτώμενος, ἀλλ' οὐ διὰ μικρὰς ῥᾳθυμίας μεγάλους πόνους
ὑπολειπόμενος· (46) ὅλως οὐδὲν παραλείπων ὧν προσεῖναι δεῖ τοῖς βασιλεῦσιν, ἀλλ' ἐξ
ἑκάστης τῆς πολιτείας ἐξειλεγμένος τὸ βέλτιστον, καὶ δημοτικὸς μὲν ὢν τῇ τοῦ πλήθους
θεραπείᾳ, πολιτικὸς δὲ τῇ τῆς πόλεως ὅλης διοικήσει, στρατηγικὸς δὲ τῇ πρὸς τοὺς
κινδύνους εὐβουλίᾳ, τυραννικὸς δὲ τῷ πᾶσι τούτοις διαφέρειν. Καὶ ταῦθ' ὅτι προσῆν
Εὐαγόρᾳ, καὶ πλείω τούτων, ἐξ αὐτῶν τῶν ἔργων ῥᾴδιον καταμαθεῖν.
(47) Παραλαβὼν γὰρ τὴν πόλιν ἐκβεβαρβαρωμένην καὶ διὰ τὴν Φοινίκων ἀρχὴν
οὔτε τοὺς Ἕλληνας προσδεχομένην οὔτε τέχνας ἐπισταμένην οὔτ' ἐμπορίῳ χρωμένην
οὔτε λιμένα κεκτημένην ταῦτά τε πάντα διώρθωσε καὶ πρὸς τούτοις καὶ χώραν πολλὴν
προσεκτήσατο καὶ τείχη προσπεριεβάλετο καὶ τριήρεις ἐναυπηγήσατο καὶ ταῖς ἄλλαις
κατασκευαῖς οὕτως ηὔξησε τὴν πόλιν ὥστε μηδεμιᾶς τῶν Ἑλληνίδων ἀπολελεῖφθαι, καὶ
δύναμιν τοσαύτην ἐνεποίησεν ὥστε πολλοὺς φοβεῖσθαι τῶν πρότερον
καταφρονούντων αὐτῆς. (48) Καίτοι τηλικαύτας ἐπιδόσεις τὰς πόλεις λαμβάνειν οὐχ
οἷόν τ' ἐστίν, ἢν μὴ τις αὐτὰς διοικῇ τοιούτοις ἤθεσιν οἵοις Εὐαγόρας μὲν εἶχεν ἐγὼ δ'
ὀλίγῳ πρότερον ἐπειράθην διελθεῖν. Ὥστ' οὐ δέδοικα μὴ φανῶ μείζω λέγων τῶν ἐκείνῳ
προσόντων, ἀλλὰ μὴ πολὺ λίαν ἀπολειφθῶ τῶν πεπραγμένων αὐτῷ. (49) Τίς γὰρ ἂν
ἐφίκοιτο τοιαύτης φύσεως, ὃς οὐ μόνον τὴν αὑτοῦ πόλιν πλείονος ἀξίαν ἐποίησεν ἀλλὰ
καὶ τὸν τόπον ὅλον τὸν περιέχοντα τὴν νῆσον ἐπὶ πραότητα καὶ μετριότητα προήγαγεν;
Πρὶν μέν γε λαβεῖν Εὐαγόραν τὴν ἀρχὴν οὕτως ἀπροσοίστως καὶ χαλεπῶς εἶχον, ὥστε
καὶ τῶν ἀρχόντων τούτους ἐνόμιζον εἶναι βελτίστους οἵτινες ὠμότατα πρὸς τοὺς
Ἕλληνας διακείμενοι τυγχάνοιεν·
| [40] 18. Si Évagoras ne se fût distingué que par des entreprises peu importantes,
il serait juste de lui donner des éloges proportionnés à ses actions ; mais la royauté
étant unanimement regardée comme la plus grande, la plus auguste des prospérités
divines et humaines, comme celle qui est la plus digne d'être disputée les armes à la
main, quel orateur, quel poète, quel écrivain pourrait élever ses louanges à la hauteur
de celui qui a conquis de la manière la plus glorieuse ce qu'il y a de plus glorieux au
monde ?
(41) 19. Supérieur dans tout ce que nous venons de dire, on ne le trouvera
inférieur sous aucun autre rapport. Doué par la nature des facultés les plus heureuses,
et capable de réussir dans la plupart des choses qu'il entreprenait, il croyait cependant
ne devoir rien négliger, rien improviser dans la conduite des affaires, et il employait la
plus grande partie de son temps à s'informer, à méditer, à réfléchir, convaincu que, s'il
développait avec zèle les ressources de son génie, il régnerait avec gloire, et voyant
avec surprise les hommes qui règlent toutes leurs affaires au moyen de leur
intelligence, ne se donner aucun soin dans l'intérêt de cette intelligence elle-même.
(42) Son opinion était semblable relativement à l'administration de son royaume, parce
qu'il avait remarqué que les hommes qui portent le plus d'attention à leurs intérêts,
éprouvent moins de revers que les autres, et que le véritable repos d'esprit ne se
trouve pas dans l'oisiveté, mais dans les succès qu'obtient une activité ferme et
constante. Il ne laissait donc rien sans l'examiner, et il connaissait si bien l'état des
affaires et le caractère de chaque citoyen, que ceux qui lui dressaient des embûches
ne pouvant surprendre sa vigilance, et ceux qui étaient bons et honnêtes ne pouvant
rester ignorés de lui, tous étaient traités comme ils méritaient de l'être. Jamais il ne
punissait, jamais il ne récompensait sur des rapports étrangers ; mais il jugeait par
lui-même et sur ses propres informations. (43) Entièrement consacré à ces soins, on ne le
vit point s'égarer (même une seule fois) dans cette multitude d'affaires qui se
reproduisent chaque jour, et il gouverna sa patrie avec tant de piété et d'humanité, que
les étrangers qui venaient à Salamine enviaient moins le pouvoir d'Evagoras que le
bonheur de ceux qui vivaient sous ses lois; car, dans tout le cours de son règne, il ne
commit d'injustice envers personne; il honora les hommes vertueux, maintint avec
fermeté son autorité sur tous, et punit les méchants conformément aux lois. (44)
Encore qu'il n'eût besoin des conseils de personne, il consultait cependant ses amis,
accordant beaucoup de choses aux hommes qui jouissaient de son intimité, mais ne
faisant aucune concession à ses ennemis. Il imprimait le respect non par la contraction
des traits de son visage, mais par l'ordre habituel de sa vie, il évitait tout désordre,
toute illégalité, et ses actes présentaient l'accomplissement fidèle de ses promesses ;
(45) fier, non des succès qu'il devait à la fortune, mais de ceux qu'il se devait à
lui-même, il s'assurait par des bienfaits la soumission de ses amis, et subjuguait les
autres hommes par sa magnanimité. Il se rendait redoutable, non par le grand nombre
des supplices, mais par la supériorité de son génie; commandait aux voluptés, et
n'était jamais entraîné par elles, savait, avec peu de travail, se procurer de nombreux
loisirs, et ne négligeait jamais des travaux importants pour obtenir une tranquillité
passagère. (46) En un mot, n'omettant rien de ce qui doit appartenir aux rois, il
choisissait dans chaque forme de gouvernement ce qu'elle avait de meilleur, et, roi
populaire par les soins qu'il prenait du peuple, politique par l'ensemble de son
administration, guerrier par les ressources de son génie en face des périls, il
manifestait sa supériorité dans toutes les parties du gouvernement. Il est facile de se
convaincre, par les actions mêmes d'Évagoras, qu'il réunissait tous ces avantages et
beaucoup d'autres encore.
(47) 20. Il avait trouvé une ville plongée dans la barbarie, ne pouvant même
admettre les Grecs chez elle, à cause de la domination phénicienne ; sans arts, sans
commerce, sans ports ; il changea entièrement cet état de choses; il agrandit
considérablement son territoire, l'entoura de remparts, construisit des galères, lui
donna sous tous les autres rapports un tel accroissement qu'elle n'était inférieure à
aucune des villes de la Grèce ; et la rendit si puissante qu'elle se vit redoutée par un
grand nombre de peuples qui la méprisaient auparavant. (48) Il serait impossible à une
ville de prendre de si grands développements, si elle n'était gouvernée par un homme
doué de tous les avantages que possédait Évagoras, et que j'ai tout à l'heure essayé
d'indiquer. Je ne crains donc pas de paraître exagérer ses hautes qualités, je crains
plutôt de rester au-dessous des hauts faits qu'il a accomplis. (49) Quel discours en
effet pourrait s'élever à la hauteur d'une si noble nature? Évagoras n'a pas seulement
ajouté à la dignité de sa patrie, il a su encore inspirer des sentiments de modération et
de douceur aux habitants des pays dont sa ville était entourée. Ces peuples, avant
qu'Évagoras eût pris les rênes du gouvernement, étaient tellement sauvages,
tellement inabordables, que, parmi les chefs qui les gouvernaient, ils regardaient
comme les meilleurs ceux qui se montraient animés contre les Grecs des dispositions
les plus cruelles ;
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