[30] Δῆλον δ' ἐκ τῶν ἔργων· ἀποβὰς γὰρ εἰς τὴν νῆσον οὐχ ἡγήσατο δεῖν χωρίον
ἐχυρὸν καταλαβὼν καὶ τὸ σῶμ' ἐν ἀσφαλείᾳ καταστήσας περιιδεῖν εἰ*́ τινες αὑτῷ τῶν
πολιτῶν βοηθήσουσιν· ἀλλ' εὐθύς, ὥσπερ εἶχε, ταύτης τῆς νυκτὸς διελὼν τοῦ τείχους
πυλίδα καὶ ταύτῃ τοὺς μεθ' αὑτοῦ διαγαγὼν προσέβαλλε πρὸς τὸ βασίλειον. (31) Καὶ
τοὺς μὲν θορύβους τοὺς ἐν τοῖς τοιούτοις καιροῖς γιγνομένους καὶ τοὺς φόβους τοὺς
τῶν ἄλλων καὶ τὰς παρακελεύσεις τὰς ἐκείνου τί δεῖ λέγοντα διατρίβειν; Γενομένων δ'
αὐτῷ τῶν μὲν περὶ τὸν τύραννον ἀνταγωνιστῶν, τῶν δ' ἄλλων πολιτῶν θεατῶν,
δεδιότες γὰρ τοῦ μὲν τὴν ἀρχήν, τοῦ δὲ τὴν ἀρετήν, (32) ἡσυχίαν εἶχον, οὐ πρότερον
ἐπαύσατο μαχόμενος καὶ μόνος πρὸς πολλοὺς καὶ μετ' ὀλίγων πρὸς ἅπαντας τοὺς
ἐχθροὺς,10 πρὶν ἑλεῖν τὸ βασίλειον, καὶ τούς τ' ἐχθροὺς ἐτιμωρήσατο καὶ τοῖς φίλοις
ἐβοήθησεν, ἔτι δὲ τῷ γένει τὰς τιμὰς τὰς πατρίους ἐκομίσατο, καὶ τύραννον αὑτὸν τῆς
πόλεως κατέστησεν.
(33) Ἡγοῦμαι μὲν οὖν, εἰ καὶ μηδενὸς ἄλλου μνησθείην, ἀλλ' ἐνταῦθα καταλίποιμι
τὸν λόγον, ῥᾴδιον ἐκ τούτων εἶναι γνῶναι τήν τ' ἀρετὴν τὴν Εὐαγόρου καὶ τὸ μέγεθος
τῶν πεπραγμένων· οὐ μὴν ἀλλ' ἔτι γε σαφέστερον περὶ ἀμφοτέρων τούτων ἐκ τῶν
ἐχομένων οἶμαι δηλώσειν.
(34) Τοσούτων γὰρ τυράννων ἐν ἅπαντι τῷ χρόνῳ γεγενημένων οὐδεὶς φανήσεται
τὴν τιμὴν ταύτην κάλλιον ἐκείνου κτησάμενος. Εἰ μὲν οὖν πρὸς ἕκαστον αὐτῶν τὰς
πράξεις τὰς Εὐαγόρου παραβάλλοιμεν, οὔτ' ἂν ὁ λόγος ἴσως τοῖς καιροῖς ἁρμόσειεν
οὔτ' ἂν ὁ χρόνος τοῖς λεγομένοις ἀρκέσειεν· ἢν δὲ προελόμενοι τοὺς εὐδοκιμωτάτους
ἐπὶ τούτων σκοπῶμεν, οὐδὲν μὲν χεῖρον ἐξετῶμεν, πολὺ δὲ συντομώτερον
διαλεχθησόμεθα περὶ αὐτῶν.
(35) Τῶν μὲν οὖ τὰς πατρικὰς βασιλείας παραλαβόντων τίς οὐκ ἂν τοὺς Εὐαγόρου
κινδύνους προκρίνειεν; Οὐδεὶς γάρ ἐστιν οὕτω ῥᾴθυμος, ὅστις ἂν δέξαιτο παρὰ τῶν
προγόνων τὴν ἀρχὴν ταύτην παραλαβεῖν μᾶλλον ἢ κτησάμενος ὥσπερ ἐκεῖνος τοῖς
παισὶ τοῖς αὑτοῦ καταλιπεῖν.
(36) Καὶ μὴν τῶν γε παλαιῶν καθόδων αὗται μάλιστ' εὐδοκιμοῦσιν ἃς παρὰ τῶν
ποιητῶν ἀκούομεν· οὗτοι γὰρ οὐ μόνον τῶν γεγενημένων τὰς καλλίστας ἡμῖν
ἀπαγγέλλουσιν, ἀλλὰ καὶ παρ' αὑτῶν καινὰς συντιθέασιν. Ἀλλ' ὅμως οὐδεὶς αὐτῶν
μεμυθολόγηκεν, ὅστις οὕτω δεινοὺς καὶ φοβεροὺς ποιησάμενος τοὺς κινδύνους εἰς τὴν
αὑτοῦ κατῆλθεν· ἀλλ' οἱ μὲν πλεῖστοι πεποίηνται διὰ τύχην λαβόντες τὰς βασιλείας, οἱ δὲ
μετὰ δόλου καὶ τέχνης περιγενόμενοι τῶν ἐχθρῶν.
(37) Ἀλλὰ μὴν τῶν γ' ἐπὶ τάδε γεγενημένων, ἴσως δὲ καὶ τῶν ἁπάντων, Κῦρον τὸν
Μήδων μὲν ἀφελόμενον τὴν ἀρχήν, Πέρσαις δὲ κτησάμενον, καὶ πλεῖστοι καὶ μάλιστα
θαυμάζουσιν. Ἀλλ' ὁ μὲν τῷ Περσῶν στρατοπέδῳ τὸ Μήδων ἐνίκησεν, ὃ πολλοὶ καὶ τῶν
Ἑλλήνων καὶ τῶν βαρβάρων ῥᾳδίως ἂν ποιήσειαν· ὁ δὲ διὰ τῆς ψυχῆς τῆς αὑτοῦ καὶ
τοῦ σώματος τὰ πλεῖστα φαίνεται τῶν προειρημένων διαπραξάμενος. (38) Ἔπειτ' ἐκ μὲν
τῆς Κύρου στρατηγίας οὔπω δῆλον ὅτι καὶ τοὺς Εὐαγόρου κινδύνους ἂν ὑπέμεινεν, ἐκ
δὲ τῶν τούτῳ πεπραγμένων ἅπασι φανερόν, ὅτι ῥᾳδίως ἂν κἀκείνοις τοῖς ἔργοις
ἐπεχείρησεν. Πρὸς δὲ τούτοις τῷ μὲν ὁσίως καὶ δικαίως ἅπαντα πέπρακται, τῷ δ' οὐκ
εὐσεβῶς ἔνια συμβέβηκεν· ὁ μὲν γὰρ τοὺς ἐχθροὺς ἀπώλεσε, Κῦρος δὲ τὸν πατέρα τὸν
τῆς μητρὸς ἀπέκτεινεν. Ὥστ' εἴ τινες βούλοιντο μὴ τὸ μέγεθος τῶν συμβάντων ἀλλὰ τὴν
ἀρετὴν τὴν ἑκατέρου κρίνειν, δικαίως ἂν Εὐαγόραν καὶ τούτου μᾶλλον ἐπαινέσειαν. (39)
Εἰ δὲ δεῖ συντόμως καὶ μηδὲν ὑποστειλάμενον μηδὲ δείσαντα τὸν φθόνον, ἀλλὰ
παρρησίᾳ χρησάμενον εἰπεῖν, οὐδεὶς οὔτε θνητὸς οὔθ' ἡμίθεος οὔτ' ἀθάνατος
εὑρεθήσεται κάλλιον οὐδὲ λαμπρότερον οὐδ' εὐσεβέστερον λαβὼν ἐκείνου τὴν
βασιλείαν. Καὶ τούτοις ἐκείνως ἄν τις μάλιστα πιστεύσειεν, εἰ σφόδρα τοῖς λεγομένοις
ἀπιστήσας ἐξετάζειν ἐπιχειρήσειεν, ὅπως ἕκαστος ἐτυράννευσεν. Φανήσομαι γὰρ οὐκ
ἐκ παντὸς τρόπου μεγάλα λέγειν προθυμούμενος, ἀλλὰ διὰ τὴν τοῦ πράγματος
ἀλήθειαν οὕτω περὶ αὐτοῦ θρασέως εἰρηκώς.
| [30] 12. Les preuves ressortent des faits. Descendu dans l'île, il ne juge pas
nécessaire de se saisir de quelque point fortifié et d'attendre, après avoir pourvu à la
sûreté de sa personne, qu'une partie des citoyens vienne le seconder; mais à l'instant,
dès la nuit même, avec les moyens dont il dispose, il brise une porte du rempart,
s'introduit dans la ville, fait entrer ses compagnons, et attaque le palais. (31) Qu'ai-je
besoin de m'arrêter à décrire le tumulte qui accompagne de tels combats, les terreurs
de l'ennemi et les exhortations d'Évagoras ? Les satellites du tyran lui résistent; les
citoyens restent spectateurs de la lutte : d'une part la puissance du tyran, de l'autre
l'intrépidité d'Évagoras, (32) les ont glacés d'épouvanté. Évagoras, cependant, ne
cesse pas de combattre, tantôt seul contre plusieurs, tantôt avec un petit nombre
contre tous ses adversaires, jusqu'à ce qu'enfin, maître du palais, il se venge de ses
ennemis, secourt ses amis, remet sa famille en possession des honneurs dont avaient
joui ses ancêtres, et se constitue lui-même chef et roi de son pays.
(33) 13. Il me semble que si, n'ajoutant plus rien, je terminais là mon discours, il
serait facile d'apprécier, par ce qui précède, et la vertu d'Évagoras, et la grandeur de
ses exploits; mais j'espère, dans ce qui va suivre, présenter l'un et l'autre sous un jour
plus éclatant encore.
(34) 14. Parmi tant d'hommes qui, dans tous les siècles, sont parvenus à la
royauté, on n'en verra pas un seul auquel il ail été donné d'acquérir plus noblement cet
honneur. Si nous voulions entreprendre de comparer les actions d'Évagoras aux
actions de chacun d'eux, peut-être notre discours ne serait pas en harmonie avec les
circonstances, et le temps ne suffirait pas pour ce que nous aurions à dire; mais si,
choisissant les plus illustres de ces hommes, nous les plaçons en regard d'Évagoras,
nos paroles ne perdront rien de leur valeur et nous arriverons plus rapidement à notre
but.
(35) 15. Quel est, de tous les princes qui héritent des royaumes de leurs pères,
celui qui ne préférera il pas à cette transmission paisible les dangers bravés par
Évagoras ? Non, il n'existe pas un homme assez privé de sentiment pour préférer
recevoir la royauté de ses ancêtres, plutôt que de l'acquérir, comme l'a fait Agoras, et
de la transmettre à ses enfants.
(36) 16. Les plus célèbres entre tous les anciens retours de princes dépossédés,
sont ceux qui ont été chantés par les poètes ; et les poètes, non seulement nous
transmettent le souvenir des faits les plus remarquables parmi ceux qui se sont
réalisés, mais ils y ajoutent des circonstances enfantées par leur imagination. Aucun
d'eux cependant ne nous a montré un roi qui se soit personnellement exposé à des
dangers aussi extraordinaires, aussi redoutables, pour rentrer dans sa patrie; et,
presque toujours, ils les présentent comme replacés sur le trône par une faveur de la
fortune, ou triomphant de leurs ennemis par la perfidie et l'intrigue.
(37) 17. Entre les rois qui sont venus ensuite, et entre tous les rois peut-être,
Cyrus, qui arracha l'empire de l'Asie aux Mèdes pour le transporter aux Perses, est
celui qui excite l'admiration la plus grande et la plus universelle. Or, c'est avec l'armée
des Perses que Cyrus a vaincu l'année des Mèdes, ce que beaucoup d'autres que lui
parmi les Grecs ou parmi les Barbares auraient facilement exécuté; tandis qu'il est
évident qu'Évagoras a accompli la plus grande partie des choses dont nous avons
rendu compte, par l'énergie de son âme et la valeur de son bras. (38) En second lieu,
l'expédition de Cyrus n'a pas prouvé qu'il eut affronté les périls qui n'ont point arrêté
Évagoras ; tandis qu'il est certain pour tout le monde, d'après les choses qu'il a faites,
qu'Évagoras n'eut pas craint d'aborder les entreprises qui ont illustré Cyrus. Et de plus,
tout ce qu'a fait Évagoras est d'accord avec la piété et la justice, tandis que Cyrus a
violé la piété dans plusieurs de ses actions; Évagoras n'a fait périr que ses ennemis, et
Cyrus a donné la mort au père de sa mère, de sorte que si l'on voulait juger, non la
grandeur des événements, mais la vertu de l'un et de l'autre, Évagoras aurait droit à
plus de louanges. (39) Si donc il faut tout dire en peu de mots, sans rien dissimuler,
sans redouter l'envie, et avec une liberté entière, on ne trouvera pas un mortel, un
demi-dieu, un des immortels eux-mêmes, qui ait acquis un royaume d'une manière
plus noble, plus glorieuse et plus sainte que ne l'a fait Évagoras. On pourrait rendre
cette vérité plus sensible encore, si, refusant toute confiance à mes paroles, on
entreprenait de rechercher de quelle manière chacun d'eux a usé du pouvoir suprême
: on verrait alors que, si j'ai parlé d'Évagoras avec autant d'assurance, ce n'est point
par le désir de présenter, à tout prix, de nobles images, mais parce que je dis la vérité.
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