[5,150] ἤι᾽, ἐπεὶ δὴ Ζηνὸς ἐπέκλυεν ἀγγελιάων.
τὸν δ᾽ ἄρ᾽ ἐπ᾽ ἀκτῆς εὗρε καθήμενον· οὐδέ ποτ᾽ ὄσσε
δακρυόφιν τέρσοντο, κατείβετο δὲ γλυκὺς αἰὼν
νόστον ὀδυρομένῳ, ἐπεὶ οὐκέτι ἥνδανε νύμφη.
ἀλλ᾽ ἦ τοι νύκτας μὲν ἰαύεσκεν καὶ ἀνάγκῃ
155 ἐν σπέσσι γλαφυροῖσι παρ᾽ οὐκ ἐθέλων ἐθελούσῃ·
ἤματα δ᾽ ἂμ πέτρῃσι καὶ ἠιόνεσσι καθίζων
δάκρυσι καὶ στοναχῇσι καὶ ἄλγεσι θυμὸν ἐρέχθων
πόντον ἐπ᾽ ἀτρύγετον δερκέσκετο δάκρυα λείβων.
ἀγχοῦ δ᾽ ἱσταμένη προσεφώνεε δῖα θεάων·
160 "κάμμορε, μή μοι ἔτ᾽ ἐνθάδ᾽ ὀδύρεο, μηδέ τοι αἰὼν
φθινέτω· ἤδη γάρ σε μάλα πρόφρασσ᾽ ἀποπέμψω.
ἀλλ᾽ ἄγε δούρατα μακρὰ ταμὼν ἁρμόζεο χαλκῷ
εὐρεῖαν σχεδίην· ἀτὰρ ἴκρια πῆξαι ἐπ᾽ αὐτῆς
ὑψοῦ, ὥς σε φέρῃσιν ἐπ᾽ ἠεροειδέα πόντον.
165 αὐτὰρ ἐγὼ σῖτον καὶ ὕδωρ καὶ οἶνον ἐρυθρὸν
ἐνθήσω μενοεικέ᾽, ἅ κέν τοι λιμὸν ἐρύκοι,
εἵματά τ᾽ ἀμφιέσω· πέμψω δέ τοι οὖρον ὄπισθεν,
ὥς κε μάλ᾽ ἀσκηθὴς σὴν πατρίδα γαῖαν ἵκηαι,
αἴ κε θεοί γ᾽ ἐθέλωσι, τοὶ οὐρανὸν εὐρὺν ἔχουσιν,
170 οἵ μευ φέρτεροί εἰσι νοῆσαί τε κρῆναί τε."
ὣς φάτο, ῥίγησεν δὲ πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς,
καί μιν φωνήσας ἔπεα πτερόεντα προσηύδα·
"ἄλλο τι δὴ σύ, θεά, τόδε μήδεαι, οὐδέ τι πομπήν,
ἥ με κέλεαι σχεδίῃ περάαν μέγα λαῖτμα θαλάσσης,
175 δεινόν τ᾽ ἀργαλέον τε· τὸ δ᾽ οὐδ᾽ ἐπὶ νῆες ἐῖσαι
ὠκύποροι περόωσιν, ἀγαλλόμεναι Διὸς οὔρῳ.
οὐδ᾽ ἂν ἐγὼν ἀέκητι σέθεν σχεδίης ἐπιβαίην,
εἰ μή μοι τλαίης γε, θεά, μέγαν ὅρκον ὀμόσσαι
μή τί μοι αὐτῷ πῆμα κακὸν βουλευσέμεν ἄλλο."
180 ὣς φάτο, μείδησεν δὲ Καλυψὼ δῖα θεάων,
χειρί τέ μιν κατέρεξεν ἔπος τ᾽ ἔφατ᾽ ἔκ τ᾽ ὀνόμαζεν·
"ἦ δὴ ἀλιτρός γ᾽ ἐσσὶ καὶ οὐκ ἀποφώλια εἰδώς,
οἷον δὴ τὸν μῦθον ἐπεφράσθης ἀγορεῦσαι.
ἴστω νῦν τόδε γαῖα καὶ οὐρανὸς εὐρὺς ὕπερθε
185 καὶ τὸ κατειβόμενον Στυγὸς ὕδωρ, ὅς τε μέγιστος
ὅρκος δεινότατός τε πέλει μακάρεσσι θεοῖσι,
μή τί τοι αὐτῷ πῆμα κακὸν βουλευσέμεν ἄλλο.
ἀλλὰ τὰ μὲν νοέω καὶ φράσσομαι, ἅσσ᾽ ἂν ἐμοί περ
αὐτῇ μηδοίμην, ὅτε με χρειὼ τόσον ἵκοι·
190 καὶ γὰρ ἐμοὶ νόος ἐστὶν ἐναίσιμος, οὐδέ μοι αὐτῇ
θυμὸς ἐνὶ στήθεσσι σιδήρεος, ἀλλ᾽ ἐλεήμων."
ὣς ἄρα φωνήσασ᾽ ἡγήσατο δῖα θεάων
καρπαλίμως· ὁ δ᾽ ἔπειτα μετ᾽ ἴχνια βαῖνε θεοῖο.
ἷξον δὲ σπεῖος γλαφυρὸν θεὸς ἠδὲ καὶ ἀνήρ,
195 καί ῥ᾽ ὁ μὲν ἔνθα καθέζετ᾽ ἐπὶ θρόνου ἔνθεν ἀνέστη
Ἑρμείας, νύμφη δ᾽ ἐτίθει πάρα πᾶσαν ἐδωδήν,
ἔσθειν καὶ πίνειν, οἷα βροτοὶ ἄνδρες ἔδουσιν·
αὐτὴ δ᾽ ἀντίον ἷζεν Ὀδυσσῆος θείοιο,
τῇ δὲ παρ᾽ ἀμβροσίην δμῳαὶ καὶ νέκταρ ἔθηκαν.
| [5,150] dès qu'elle eut entendu les ordres de Zeus. Elle trouva le
héros assis sur le rivage; ses yeux étaient toujours mouillés
de larmes, et, pour lui la douce vie s'écoulait à
pleurer son retour perdu; car la nymphe ne le charmait
plus. Les nuits, il lui fallait bien reposer auprès d'elle
dans la grotte creuse; mais ses désirs ne répondaient plus
aux siens. Les jours, il allait s'asseoir sur les pierres de la
plage et son coeur se brisait en larmes, gémissements et
chagrins. Sur la mer inlassable il fixait ses regards en
répandant des pleurs. S'approchant de lui, la déesse lui
dit : « Malheureux, ne pleure plus ici, je t'en prie, et n'y
consume pas tes jours; je suis maintenant prête à te
laisser partir. Allons, coupe avec le bronze de longues
poutres et construis un large radeau; fixe dessus des
membrures, formant un pont élevé, pour qu'il te porte
sur la mer brumeuse. De mon côté, j'y placerai du pain,
de l'eau, du vin rouge, assez pour satisfaire ton appétit,
pour écarter la faim; je te donnerai aussi des vêtements;
je t'enverrai encore par l'arrière un vent favorable, afin
que tu reviennes indemne en ta patrie, si du moins le
permettent les dieux, qui habitent le vaste ciel et qui sont
plus puissants que moi pour concevoir et exécuter. »
Ainsi parla-t-elle; et l'illustre Ulysse, qui avait subi
tant d'épreuves, frémit, puis, élevant la voix, lui adressa
ces paroles ailées : « C'est, sans doute, autre chose et non
pas mon retour que tu médites-là, déesse, quand tu
m'engages à traverser sur un radeau le vaste gouffre de
la mer, si redoutable et difficile; même des vaisseaux
rapides et bien équilibrés ne le peuvent franchir, fussent-ils
aidés du vent favorable de Zeus. Pour moi, je ne
saurais monter sur un radeau contre ton gré, à moins
que toi-même, déesse, tu ne veuilles me jurer un grand
serment, de ne former aucun autre dessein pour mon
malheur et ma perte. »
Ces paroles firent sourire Calypso, l'auguste déesse;
elle le flatta de la main, et rompant le silence, lui dit : « En
vérité tu n'es qu'un scélérat, mais tu ne manques pas
d'adresse, pour avoir eu l'idée de prononcer de telles
paroles ! J'en prends maintenant à témoin la terre, le
vaste ciel au-dessus de nous, l'eau du Styx qui coule en
dessous, — il n'est pas de serment plus grand et plus
terrible pour les Bienheureux, — je ne formerai aucun
dessein pour ton malheur et ta perte. Ce que je pense et
veux te dire, c'est ce dont je m'aviserais pour moi-même,
si j'étais en si pressante nécessité. Mon esprit n'est point
perfide et je n'ai pas en la poitrine un coeur de fer, mais
de compassion. »
Ayant ainsi parlé, l'auguste déesse le guida rapidement,
et le héros suivait ses pas. Ils arrivèrent au creux de la
grotte, et Ulysse s'assit sur le siège d'où s'était levé Hermès;
la nymphe plaçait près de lui toute sorte de mets à
manger et à boire, tout ce dont se nourrissent les hommes
mortels. Elle-même s'assit en face du divin Ulysse, et des
servantes lui présentèrent ambroisie et nectar.
|