[20,71] Ὁ δ´ Ἀγαθοκλῆς ἐπειδὴ διεκομίσθη ταχέως ἐκ τῆς
Λιβύης εἰς τὴν Σικελίαν, μεταπεμψάμενος μέρος τῆς
δυνάμεως παρῆλθεν εἰς τὴν τῶν Αἰγεσταίων πόλιν
οὖσαν σύμμαχον. ἀπορούμενος δὲ χρημάτων εἰσφέρειν
ἠνάγκαζε τοὺς εὐπόρους τὸ πλεῖον μέρος τῆς ὑπάρξεως,
οὔσης τῆς πόλεως τότε μυριάνδρου. πολλῶν δ´ ἐπὶ
τούτοις ἀγανακτούντων καὶ συντρεχόντων αἰτιασάμενος
τοὺς Αἰγεσταίους ἐπιβουλεύειν αὐτῷ δειναῖς περιέβαλε
συμφοραῖς τὴν πόλιν· τοὺς μὲν γὰρ ἀπορωτάτους προαγαγὼν
ἐκτὸς τῆς πόλεως παρὰ τὸν Σκάμανδρον ποταμὸν ἀπέσφαξεν,
τοὺς δὲ δοκοῦντας οὐσίαν κεκτῆσθαι
μείζονα βασανίζων ἠνάγκαζε λέγειν ὁπόσα ἔχων τις
τυγχάνει χρήματα καὶ τοὺς μὲν αὐτῶν ἐτρόχιζε, τοὺς
δὲ εἰς τοὺς καταπέλτας ἐνδεσμεύων κατετόξευεν, ἐνίοις
δ´ ἀστραγάλους προστιθεὶς βιαιότερον δειναῖς ἀλγηδόσι
περιέβαλλεν. ἐξεῦρε δὲ καὶ ἑτέραν τιμωρίαν ἐμφερῆ
τῷ Φαλάριδος ταύρῳ· κατεσκεύασε γὰρ κλίνην χαλκῆν
ἀνθρωπίνου σώματος τύπον ἔχουσαν καὶ καθ´ ἕκαστον
μέρος κλεισὶ διειλημμένην, εἰς ταύτην δ´ ἐναρμόζων
τοὺς βασανιζομένους ὑπέκαιε ζῶντας, τούτῳ διαφερούσης τῆς
κατασκευῆς ταύτης παρὰ τὸν ταῦρον, τῷ καὶ
θεωρεῖσθαι τοὺς ἐν ταῖς ἀνάγκαις ἀπολλυμένους.
τῶν δὲ γυναικῶν τῶν εὐπόρων τινῶν μὲν καρκίνοις σιδηροῖς τὰ
σφυρὰ πιέζων συνέτεινε, τινῶν δὲ τοὺς τιτθοὺς ἀπέτεμνεν,
ταῖς δ´ ἐγκύοις πλίνθους ἐπὶ τὴν
ὀσφῦν ἐπιτιθεὶς τὸ ἔμβρυον ἀπὸ τοῦ βάρους ἐξέθλιβεν.
τούτῳ δὲ τῷ τρόπῳ τὰ χρήματα πάντα τοῦ τυράννου
ζητοῦντος καὶ μεγάλου φόβου τὴν πόλιν ἐπέχοντος
τινὲς μὲν αὑτοὺς συγκατέκαυσαν ταῖς οἰκίαις, τινὲς
δὲ ἀγχόνῃ τὸ ζῆν ἐξέλιπον. ἡ μὲν οὖν Αἴγεστα τυχοῦσα μιᾶς
ἡμέρας ἀτυχοῦς ἡβηδὸν ἐθανατώθη. ὁ δ´
Ἀγαθοκλῆς παρθένους μὲν καὶ παῖδας εἰς τὴν Ἰταλίαν
διακομίσας ἀπέδοτο τοῖς Βρεττίοις, τῆς δὲ πόλεως οὐδὲ
τὴν προσηγορίαν ἀπολιπών, ἀλλὰ Δικαιόπολιν μετονομάσας
ἔδωκεν οἰκητήριον τοῖς αὐτομόλοις.
| [20,71] Aussitôt qu'Agathocle fut débarqué en Sicile,
il fit venir auprès de lui une partie de son armée, et marcha
sur la ville d'Egeste son alliée. Manquant d'argent, il
força les plus riches citoyens à lui abandonner une grande
partie de leur fortune. Egeste comptait alors environ dix
mille habitants. Comme cette exaction produisit une indignation
générale, Agathocle saisit ce prétexte pour accuser
les Égestiens de conspirer contre lui, et exerça sur eux les
dernières rigueurs. Il fit traîner les pauvres hors de la
ville et les égorgea aux bords du Scamandre. Quant à ceux
auxquels il supposait quelque fortune, il leur fit avouer,
au milieu des plus grandes tortures, la somme de leurs
richesses. Les uns eurent les membres disloqués par une
roue; d'autres, attachés à des catapultes, furent lancés au
loin; quelques-uns eurent les os du pied réséqués, et les
forçant à se tenir debout, leur fit éprouver les plus atroces
douleurs. Agathocle imagina un autre genre de supplice
semblable au taureau de Phalaris. Il fit fabriquer un lit
d'airain, ayant la forme d'un corps humain et garni d'une
claie sur laquelle les patients étaient attachés : en y mettant
le feu, on les brûlait vifs. Cet instrument de supplice
ne différait du taureau de Phalaris qu'en ce que les malheureux
périssaient sous les yeux même des spectateurs.
Les femmes elles-mêmes des citoyens riches n'échappèrent
pas à ces tortures : les unes eurent les talons serrés
avec des tenailles, les autres les seins coupés; celles qui
étaient enceintes eurent le bas-ventre comprimé par des briques
amoncelées, jusqu'à ce que le poids des pierres les fît
avorter. Tels sont les moyens dont se servit le tyran pour
découvrir les richesses et remplir la ville de terreur. Quelques
habitants, poussés par le désespoir, mirent le feu à
leurs maisons et se jetèrent dans les flammes; quelques
autres s'étranglèrent. C'est ainsi qu'en un seul jour la malheureuse
ville d'Egeste perdit la fleur de sa population,
Agathocle fit transporter en Italie les jeunes filles et les
enfants mâles, et les vendit aux Bruttiens. Il ôta même à
la ville son ancien nom : il l'appela Dicéopolis, et la
donna pour demeure à des transfuges.
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