[13,95] Ταχὺ δὲ τῶν πολλῶν, ὥσπερ εἰώθασιν, ἐπὶ τὸ χεῖρον ῥεπόντων, ὁ Διονύσιος
ἀπεδείχθη στρατηγὸς αὐτοκράτωρ. Ἐπεὶ δ' οὖν αὐτῷ τὰ πράγματα κατὰ νοῦν
ἠκολούθει, ψήφισμα ἔγραψε τοὺς μισθοὺς διπλασίους εἶναι· πάντας γὰρ ἔφησε
τούτου γενομένου προθυμοτέρους ἔσεσθαι πρὸς τὸν ἀγῶνα, καὶ περὶ τῶν χρημάτων
παρεκάλει μηθὲν ἀγωνιᾶν· ἔσεσθαι γὰρ αὐτῶν τὸν πόρον ῥᾴδιον.
(2) Διαλυθείσης δὲ τῆς ἐκκλησίας οὐκ ὀλίγοι τῶν Συρακοσίων κατηγόρουν τῶν
πραχθέντων, ὥσπερ οὐκ αὐτοὶ ταῦτα κεκυρωκότες· τοῖς γὰρ λογισμοῖς εἰς ἑαυτοὺς
ἐρχόμενοι τὴν ἐσομένην δυναστείαν ἀνεθεώρουν. Οὗτοι μὲν οὖν βεβαιῶσαι
βουλόμενοι τὴν ἐλευθερίαν ἔλαθον ἑαυτοὺς δεσπότην τῆς πατρίδος καθεστακότες· (3)
ὁ δὲ Διονύσιος τὴν μετάνοιαν τῶν ὄχλων φθάσαι βουλόμενος, ἐπεζήτει δι' οὗ τρόπου
δύναιτο φύλακας αἰτήσασθαι τοῦ σώματος· τούτου γὰρ συγχωρηθέντος ῥᾳδίως
ἤμελλε κυριεύσειν τῆς τυραννίδος. Εὐθὺς οὖν παρήγγειλε τοὺς ἐν ἡλικίᾳ πάντας ἕως
ἐτῶν τεσσαράκοντα λαβόντας ἐπισιτισμὸν ἡμερῶν τριάκοντα καταντᾶν μετὰ τῶν
ὅπλων εἰς Λεοντίνους. Αὕτη δ' ἡ πόλις τότε φρούριον ἦν τῶν Συρακοσίων, πλῆρες
ὑπάρχον φυγάδων καὶ ξένων ἀνθρώπων. Ἤλπιζε γὰρ τούτους συναγωνιστὰς ἕξειν,
ἐπιθυμοῦντας μεταβολῆς, τῶν δὲ Συρακοσίων τοὺς πλείστους οὐδ' ἥξειν εἰς
Λεοντίνους. (4) Οὐ μὴν ἀλλὰ νυκτὸς ἐπὶ τῆς χώρας στρατοπεδεύων, καὶ προσποιηθεὶς
ἐπιβουλεύεσθαι, κραυγὴν ἐποίησε καὶ θόρυβον διὰ τῶν ἰδίων οἰκετῶν· τοῦτο δὲ
πράξας συνέφυγεν εἰς τὴν ἀκρόπολιν, καὶ διενυκτέρευσε πυρὰ καίων καὶ τοὺς
γνωριμωτάτους τῶν στρατιωτῶν μεταπεμπόμενος. (5) Ἅμα δ' ἡμέρᾳ τοῦ πλήθους
ἀθροισθέντος εἰς Λεοντίνους, πολλὰ πρὸς τὴν τῆς ἐπιβολῆς ὑπόθεσιν
πιθανολογήσας ἔπεισε τοὺς ὄχλους δοῦναι φύλακας αὐτῷ τῶν στρατιωτῶν
ἑξακοσίους, οὓς ἂν προαιρῆται. Λέγεται δὲ τοῦτο πρᾶξαι τὸν Διονύσιον
ἀπομιμούμενον Πεισίστρατον τὸν ᾿Αθηναῖον· (6) καὶ γὰρ ἐκεῖνόν φασιν ἑαυτὸν
κατατραυματίσαντα προελθεῖν εἰς τὴν ἐκκλησίαν ὡς ἐπιβεβουλευμένον, καὶ διὰ
τοῦτο φυλακὴν λαβεῖν παρὰ τῶν πολιτῶν, ᾗ χρησάμενον τὴν τυραννίδα
περιπεποιῆσθαι. Καὶ τότε Διονύσιος τῇ παραπλησίᾳ μηχανῇ τὸ πλῆθος ἐξαπατήσας
ἐνήργει τὰ τῆς τυραννίδος.
| [13,95] La pluralité des suffrages populaires, et comme il arrive souvent,
fut pour l'avis le plus pernicieux et Denys fut déclaré commandant
unique et absolu. Son projet ayant en ainsi tout le succès qu'il en attendait, il
présenta aussitôt une ordonnance, par laquelle il exigeait qu'on doublât la paie
des soldats, sur le prétexte que cette augmentation les rendrait plus courageux
dans les combats ; et il ajoutait que Syracuse ne devait point plaindre la
dépense, vu l'abondance de ses revenus et la facilité de les recueillir. (2) Dès
que l'assemblée fut séparée et que chacun fut rentré dans sa maison, la
plupart des citoyens trouvèrent à redire à ce qui venait de se passer, comme
s'ils n'en eussent pas été les auteurs eux-mêmes. En réfléchissant sur la
nomination qu'ils venaient de faire, ils s'apercevaient aisément qu'ils avaient
établi une autorité indépendante, et que pour sauver leur liberté, ils s'étaient
eux-mêmes donné un maître. (3) Pour prévenir les suites de ces réflexions et
de ce repentir, Denys chercha les moyens d'avoir une garde pour sa personne,
persuadé que s'il pouvait en venir à bout, il assurerait sa tyrannie. Il ordonna
donc à tous ceux qui étaient en âge de porter les armes depuis la jeunesse
jusqu'à l'âge de quarante ans, de se pourvoir de vivres pour trente jours et de
se rendre bien équipés en la ville des Léontins. Cette ville était alors comme
une citadelle de Syracuse et elle était pleine de bannis et d'étrangers. Il
comptait beaucoup sur cette espèce d'hommes avides de changements et de
nouveautés ; et il se doutait assez que la plupart des soldats syracusains ne
voudraient pas venir à Léontium. (4) Cependant s'étant mis lui-même en
chemin dès la nuit suivante et s'étant campé en plein champ, il fit semblant
d'être attaqué dans sa tente et jeta un grand cri, auquel ses gens accoururent
en tumulte et en désordre. (5) Sous ce prétexte, il se réfugia dans la citadelle
des Léontins, où il fit tenir des feux allumés pendant toute la nuit et se fit
environner de ses soldats les plus affidés. Le lendemain toutes ses troupes
étant entrées dans Leontium, il se plaignit beaucoup de la trahison qu'on avait
tentée contre lui la nuit précédente et dont il fit un narré faux mais
vraisemblable de sorte qu'il se fit accorder par ses troupes une garde de six
cents hommes armés, qu'il choisirait lui-même. On dit que Denys prit pour son
modèle, en cette circonstance, Pisistrate tyran d'Athènes : (6) car on rapporte
de ce dernier qu'il se présenta dans la place publique, couvert de blessures
qu'il s'était faites lui-même et qu'il supposait avoir reçues des mains de ses
envieux ; ce qui porta le peuple à lui accorder une escorte, par le moyen de
laquelle il s'empara du gouvernement absolu et tyrannique, de la même
manière, à peu près, que Denys son imitateur.
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