[7,36] Κατιδὼν δ´ αὐτὸν ἀμηχανοῦντα Λεύκιος
Ἰούνιος Βροῦτος, ἐκεῖνος ὁ δημαγωγὸς ὁ τεχνησάμενος,
ἐφ´ οἷς ἔσονται δικαίοις αἱ διαλλαγαί, δεινὸς ἀνὴρ τά
τ´ ἄλλα καὶ πόρους εὑρεῖν ἐν ἀπόροις, προσέρχεται
μόνος μόνῳ καὶ ὑποτίθεται μὴ φιλονεικεῖν ἐγχειρήματι
θερμῷ καὶ παρανόμῳ συναγωνιζόμενον, ὁρῶντα τούς
τε πατρικίους ἅπαντας ἠρεθισμένους καὶ ἑτοίμους ὄντας, εἰ
κληθεῖεν ὑπὸ τῶν ὑπάτων, ἐπὶ τὰ ὅπλα χωρεῖν,
τοῦ δὲ δήμου τὸ καρτερώτατον μέρος ἐνδοιάζον καὶ
οὐκ ἀγαπητῶς δεχόμενον ἀνδρὸς ἐπιφανεστάτου τῶν
ἐν τῇ πόλει παράδοσιν ἐπὶ θανάτῳ καὶ ταῦτ´ ἀκρίτου.
συνεβούλευε δ´ αὐτῷ τότε μὲν εἶξαι καὶ μὴ χωρεῖν
ὁμόσε τοῖς ὑπάτοις, μή τι μεῖζον κακὸν ἐργάσηται,
προθεῖναι δὲ τῷ ἀνδρὶ δίκην ὁρίσαντα χρόνον ὅσον
δή τινα, καὶ ψῆφον ἀναδοῦναι τοῖς πολίταις ὑπὲρ αὐτοῦ κατὰ
φυλάς· ὅ τι δ´ ἂν αἱ πλείους ψῆφοι καθαιρῶσι, τοῦτο ποιεῖν·
τυραννικὸν μὲν γὰρ εἶναι καὶ βίαιον, ὃ νῦν ἐπειρᾶτο
διαπράττεσθαι, τὸν αὐτὸν ὑπάρχειν
καὶ κατήγορον καὶ δικαστὴν καὶ τοῦ μέτρου τῆς τιμωρίας κύριον·
πολιτικὸν δὲ τὸ κατὰ νόμους ἀπολογίας
τυχόντα τὸν ὑπαίτιον, ὅ τι ἂν τοῖς πλείοσι δικασταῖς
δόξῃ, τοῦτο παθεῖν. πείθεται τούτοις ὁ Σικίννιος μηδὲν ὁρῶν
βούλευμα κρεῖττον καὶ παρελθὼν ἔφη· Τὴν
μὲν σπουδὴν ὁρᾶτε τῶν πατρικίων τὴν εἰς τὰ φονικὰ
καὶ βίαια ἔργα, ὦ δημόται, ὡς ἑνὸς ἀνδρὸς αὐθάδους
ὅλην ἀδικοῦντος τὴν πόλιν ἧττον τίθενται τὸ πλῆθος
τὸ ὑμέτερον. οὐ μὴν ὁμοίους γ´ αὐτοῖς γίνεσθαι χρὴ
καὶ ἐπὶ κεφαλὴν ὠθεῖσθαι οὔτ´ ἄρχοντας πολέμου
οὔτ´ ἀμυνομένους· ἀλλ´ ἐπειδὴ πρόφασιν εὐπρεπῆ
προβάλλονταί τινες τὸν νόμον, ᾧ βοηθοῦντες αὐτὸν ἀφαιροῦνται
τῆς κολάσεως, ὃς οὐκ ἐᾷ τῶν
πολιτῶν οὐθέν´ ἀποκτεῖναι ἄκριτον, συγχωρήσωμεν
αὐτοῖς τὸ δίκαιον τοῦτο, καίπερ οὐδὲ νόμιμα πάσχοντες οὐδὲ
δίκαια ὑπ´ αὐτῶν, καὶ δείξωμεν, ὅτι
τοῖς εὐγνώμοσι μᾶλλον ἢ τοῖς βιαίοις περιεῖναι τῶν
ἀδικούντων ἡμᾶς πολιτῶν βουλόμεθα. ὑμεῖς μὲν οὖν
ἄπιτε καὶ τὸν μέλλοντα καιρὸν ἐκδέχεσθε οὐ πολὺν
ἐσόμενον· ἡμεῖς δὲ παρασκευασάμενοι τὰ κατεπείγοντα
προθήσομεν χρόνον τῷ ἀνδρὶ εἰς ἀπολογίαν καὶ τὴν
δίκην ἐφ´ ὑμῶν συντελέσομεν. ὅταν δὲ γένησθε τῆς
ψήφου κατὰ τὸν νόμον κύριοι, τιμήσατε αὐτῷ ἧς ἂν
ἄξιον εὕρητε ζημίας. καὶ περὶ μὲν τούτου τοσαῦτα.
τῆς δὲ τοῦ σίτου διαπράσεώς τε καὶ διαθέσεως, ἵν´ ἐκ
τοῦ δικαιοτάτου γένηται, εἰ μή τις ἔσται τούτοις καὶ
τῇ βουλῇ φροντίς, αὐτοὶ ἐπιμελησόμεθα. ταῦτ´ εἰπὼν διέλυσε τὴν
ἐκκλησίαν.
| [7,36] Comme il rêvait
sur le parti qu'il devait prendre, Lucius Junius Brutus, cet inventeur des
conditions suivant lesquelles on avait conclu la réconciliation du peuple
avec les patriciens, ce harangueur qui savait conduire la multitude, cet
orateur populaire, si prompt en toutes choses, surtout à trouver des
expédients dans les conjonctures les plus difficiles, entre dans les peines
du tribun, et pour le tirer d'un si grand embarras il s'abouche avec lui seul.
Il lui conseille de ne se point entêter à poursuivre l'exécution d'une
entreprise injuste et commencée avec trop de chaleur. Il lui fait entendre
que tous les patriciens transportés de colère, sont prêts à prendre les
armes, si les consuls leur en donnent le signal, que d'ailleurs la plus
grande partie du peuple, est fort en balance, et très peu disposée à
souffrir qu'on livre à la mort le plus illustre personnage de Rome, sans
l'avoir jugé et condamné dans les formes. Par ces remontrances
réitérées, il lui persuade qu'il doit céder pour le présent, et ne pas se
commettre avec les consuls, de peur qu'il n'en arrive un plus grand mal,
qu'il est plus à propos de citer Marcius à un jour marqué, pour
comparaître au tribunal du peuple, qui le jugerait en donnant ses
suffrages par tribus, afin d'être puni comme il serait décidé à la pluralité
des voix. Que ce qu'il entreprenait pour lors en se portant pour
accusateur, pour juge, et pour arbitre du genre de punition, était une
démarche tyrannique et violente, qu'il serait bien plus conforme aux règles
et aux maximes d'un légitime gouvernement, de permettre à ce consulaire
de se défendre selon les lois, pour être puni ensuite comme les juges
l'auraient décidé à la pluralité des suffrages. Sicinnius qui ne voyait point
d'autre moyen de se tirer d'embarras, défère au conseil de Brutus et
embrasse ce parti comme le plus prudent. Ensuite s'étant avancé au
milieu de l'assemblée, il tint ce discours.
« Vous voyez, Romains, avec quelle ardeur les patriciens se portent
au meurtre et à la violence, et qu'ils font moins de cas de vous tous, que
d'un orgueilleux qui a insulté toute la ville. Gardons-nous bien de leur
ressembler, ou de courir tête baissée à notre perte, soit que nous fassions
la guerre, soit que nous la repoussions si on nous la déclare ; et puisque
quelques-uns apportent un prétexte apparent pour secourir le coupable, et
pour le soustraire au châtiment, en citant la loi qui ne permet pas de faire
mourir un citoyen sans l'avoir jugé et condamné dans les formes,
accordons-leur ce prétendu droit, quoiqu'ils n'agissent pas avec nous
dans les règles de la justice ni selon les lois. Faisons leur voir que dans
le temps même que nos propres citoyens nous font du mal, nous
préférons les voies de la douceur à celles de la violence. Allez-vous-en
donc chez vous, attendez un moment plus favorable, il ne tardera pas à
venir. Pour nous, après que nous aurons réglé les affaires les plus
pressées, nous ferons assigner Marcius à comparaître en jugement, et
nous renverrons l'affaire par devant vous. Ayez soin seulement, quand on
vous aura donné le droit de suffrages selon les lois, de lui imposer la
peine qu'il vous paraîtra avoir méritée. En ce voila assez sur cet article.
Pour ce qui regarde la vente et distribution du blé, et le juste taux qu'il y
faut mettre, nous y pourvoirons nous-mêmes, si les consuls et le sénat
n'en ont pas soin. ». Ce discours fini, il renvoya l'assemblée.
|