[2,9] Ὅτι οὐ δυνάμενοι τὴν ἀνθρώπου
ἐπαγγελίαν πληρῶσαι τὴν φιλοσόφου προσλαμβάνομεν.
Οὐκ ἔστι τὸ τυχὸν αὐτὸ μόνον ἀνθρώπου ἐπαγγελίαν
πληρῶσαι. τί γάρ ἐστιν ἄνθρωπος; (-) Ζῷον,
φησί, λογικὸν θνητόν. (-) Εὐθὺς ἐν τῷ λογικῷ τίνων
χωριζόμεθα; (-) Τῶν θηρίων. (-) Καὶ τίνων ἄλλων;
(-) Τῶν προβάτων καὶ τῶν ὁμοίων. (-) Ὅρα οὖν μή
τί πως ὡς θηρίον ποιήσῃς· εἰ δὲ μή, ἀπώλεσας τὸν
ἄνθρωπον, οὐκ ἐπλήρωσας τὴν ἐπαγγελίαν. ὅρα μή
τι ὡς πρόβατον· εἰ δὲ μή, καὶ οὕτως ἀπώλετο ὁ ἄνθρωπος. τίνα
οὖν ποιοῦμεν ὡς πρόβατα; ὅταν τῆς
γαστρὸς ἕνεκα, ὅταν τῶν αἰδοίων, ὅταν εἰκῇ, ὅταν ῥυπαρῶς,
ὅταν ἀνεπιστρέπτως, ποῦ ἀπεκλίναμεν; ἐπὶ τὰ
πρόβατα. τί ἀπωλέσαμεν; τὸ λογικόν. ὅταν μαχίμως
καὶ βλαβερῶς καὶ θυμικῶς καὶ ὠστικῶς, ποῦ ἀπεκλίναμεν; ἐπὶ
τὰ θηρία. λοιπὸν οἱ μὲν ἡμῶν μεγάλα
θηρία εἰσίν, οἱ δὲ θηρίδια κακοήθη καὶ μικρά, ἀφ´
ὧν ἔστιν εἰπεῖν ‘λέων με καὶ φαγέτω.’ διὰ πάντων δὲ
τούτων ἀπόλλυται ἡ τοῦ ἀνθρώπου ἐπαγγελία. πότε
γὰρ σῴζεται συμπεπλεγμένον; ὅταν τὴν ἐπαγγελίαν
πληρώσῃ, ὥστε σωτηρία συμπεπλεγμένου ἐστὶ τὸ ἐξ
ἀληθῶν συμπεπλέχθαι. πότε διεζευγμένον; ὅταν τὴν
ἐπαγγελίαν πληρώσῃ. πότε αὐλοί, πότε λύρα, πότε ἵππος,
πότε κύων; τί οὖν θαυμαστόν, εἰ καὶ ἄνθρωπος
ὡσαύτως μὲν σῴζεται, ὡσαύτως δ´ ἀπόλλυται; αὔξει δ´
ἕκαστον καὶ σῴζει τὰ κατάλληλα ἔργα· τὸν τέκτονα τὰ
τεκτονικά, τὸν γραμματικὸν τὰ γραμματικά. ἂν δ´ ἐθίσῃ
γράφειν ἀγραμμάτως, ἀνάγκη καταφθείρεσθαι καὶ
ἀπόλλυσθαι τὴν τέχνην. οὕτως τὸν μὲν αἰδήμονα σῴζει τὰ
αἰδήμονα ἔργα, ἀπολλύει δὲ τὰ ἀναιδῆ· τὸν δὲ πιστὸν
τὰ πιστὰ καὶ τὰ ἐναντία ἀπολλύει. καὶ τοὺς ἐναντίους
πάλιν ἐπαύξει τὰ ἐναντία· τὸν ἀναίσχυντον ἀναισχυντία, τὸν
ἄπιστον ἀπιστία, τὸν λοίδορον λοιδορία, τὸν ὀργίλον ὀργή, τὸν
φιλάργυρον αἱ ἀκατάλληλοι λήψεις καὶ δόσεις.
Διὰ τοῦτο παραγγέλλουσιν οἱ φιλόσοφοι μὴ ἀρκεῖσθαι μόνῳ
τῷ μαθεῖν, ἀλλὰ καὶ μελέτην
προσλαμβάνειν, εἶτα ἄσκησιν. πολλῷ γὰρ χρόνῳ
τὰ ἐναντία ποιεῖν εἰθίσμεθα καὶ τὰς ὑπολήψεις τὰς
ἐναντίας ταῖς ὀρθαῖς χρηστικὰς ἔχομεν. ἂν οὖν μὴ καὶ
τὰς ὀρθὰς χρηστικὰς ποιήσωμεν, οὐδὲν ἄλλο ἢ ἐξηγηταὶ
ἐσόμεθα ἀλλοτρίων δογμάτων. ἄρτι γὰρ τίς ἡμῶν
οὐ δύναται τεχνολογῆσαι περὶ ἀγαθῶν καὶ κακῶν; ὅτι
τῶν ὄντων τὰ μὲν ἀγαθά, τὰ δὲ κακά, τὰ δ´ ἀδιάφορα· ἀγαθὰ
μὲν οὖν ἀρεταὶ καὶ τὰ μετέχοντα
τῶν ἀρετῶν· κακὰ τὰ δ´ ἐναντία· ἀδιάφορα δὲ
πλοῦτος, ὑγεία, δόξα. εἶτ´ ἂν μεταξὺ λεγόντων ἡμῶν
ψόφος μείζων γένηται ἢ τῶν παρόντων τις καταγελάσῃ
ἡμῶν, ἐξεπλάγημεν. ποῦ ἐστιν, φιλόσοφε, ἐκεῖνα ἃ ἔλεγες;
πόθεν αὐτὰ προφερόμενος ἔλεγες; ἀπὸ τῶν χειλῶν
αὐτόθεν. τί οὖν ἀλλότρια βοηθήματα μολύνεις; τί
κυβεύεις περὶ τὰ μέγιστα; ἄλλο γάρ ἐστιν ὡς εἰς ταμιεῖον
ἀποθέσθαι ἄρτους καὶ οἶνον, ἄλλο ἐστὶ φαγεῖν.
τὸ βρωθὲν ἐπέφθη, ἀνεδόθη, νεῦρα ἐγένετο, σάρκες,
ὀστέα, αἷμα, εὔχροια, εὔπνοια. τὰ ἀποκείμενα ὅταν μὲν
θελήσῃς ἐκ προχείρου λαβὼν δεῖξαι δύνασαι, ἀπ´ αὐτῶν
δέ σοι ὄφελος οὐδὲν εἰ μὴ μέχρι τοῦ δοκεῖν ὅτι ἔχεις.
τί γὰρ διαφέρει ταῦτα ἐξηγεῖσθαι ἢ τὰ τῶν ἑτεροδόξων;
τεχνολόγει νῦν καθίσας τὰ Ἐπικούρου καὶ τάχα ἐκείνου
χρηστικώτερον τεχνολογήσεις. τί οὖν Στωικὸν λέγεις
σεαυτόν, τί ἐξαπατᾷς τοὺς πολλούς, τί ὑποκρίνῃ Ἰουδαῖον ὢν
Ἕλλην; οὐχ ὁρᾷς, πῶς ἕκαστος λέγεται Ἰουδαῖος, πῶς Σύρος,
πῶς Αἰγύπτιος; καὶ ὅταν τινὰ ἐπαμφοτερίζοντα ἴδωμεν,
εἰώθαμεν λέγειν ‘οὐκ ἔστιν Ἰουδαῖος, ἀλλ´ ὑποκρίνεται’. ὅταν
δ´ ἀναλάβῃ τὸ πάθος τὸ
τοῦ βεβαμμένου καὶ ᾑρημένου, τότε καὶ ἔστι τῷ ὄντι
καὶ καλεῖται Ἰουδαῖος. οὕτως καὶ ἡμεῖς παραβαπτισταί,
λόγῳ μὲν Ἰουδαῖοι, ἔργῳ δ´ ἄλλο τι, ἀσυμπαθεῖς πρὸς
τὸν λόγον, μακρὰν ἀπὸ τοῦ χρῆσθαι τούτοις ἃ λέγομεν, ἐφ´
οἷς ὡς εἰδότες αὐτὰ ἐπαιρόμεθα. οὕτως οὐδὲ
τὴν τοῦ ἀνθρώπου ἐπαγγελίαν πληρῶσαι δυνάμενοι
προσλαμβάνομεν τὴν τοῦ φιλοσόφου, τηλικοῦτο φορτίον
οἷον εἴ τις δέκα λίτρας ἆραι μὴ δυνάμενος τὸν τοῦ
Αἴαντος λίθον βαστάζειν ἤθελεν.
| [2,9] CHAPITRE IX
On n'est pas de force à remplir son rôle d'homme, et l'on se charge encore
de celui de philosophe!
Remplir son rôle d'homme, et rien de plus, n'est pas encore une chose
toute simple. Qu'est-ce que l'homme en effet? Un être animé, dit-on, qui a
la raison, et qui doit mourir. Or, tout d'abord, de qui la raison nous
distingue-t-elle? Des bêtes sauvages. Et de qui encore? Du bétail, et de
ce qui lui ressemble. Vois donc à ne jamais agir comme la bête sauvage;
autrement, c’en est fait de l'homme en toi: tu n'auras pas rempli ton
rôle. Vois à ne jamais agir comme le bétail; autrement, de cette façon
aussi, c'en est fait de l'homme en toi. Quand donc agissons-nous comme le
bétail? Quand nous agissons en vue de notre estomac ou des plaisirs de la
chair, sans réflexion, salement et sans soins, de qui nous
rapprochons-nous? Des bestiaux. Qui détruisons-nous en nous-mêmes? L'être
raisonnable. Quand nous agissons avec entêtement, avec méchanceté, avec
colère, avec violence, de qui nous rapprochons-nous? Des bêtes sauvages.
Nous sommes, les uns des bêtes sauvages de grande taille, les autres de
ces petites bêtes malfaisantes, à propos desquelles on dit : Au moins si
c'était un lion qui me mangeât! Mais, avec les unes comme avec les autres,
c'en est fait de notre rôle d'homme. Qu'est-ce qui sauve, en effet, un,
raisonnement conjonctif? C'est d'atteindre son but; et c'est pour cela que
ce qui sauve un raisonnement conjonctif, c'est d'être composé de
propositions vraies. Et qu'est-ce qui sauve un raisonnement disjonctif?
Encore d'atteindre son but. Et une flûte? Et une lyre? Et un cheval? Et un
chien? Qu'y a-t-il donc d'étonnant à ce que l'homme se conserve à des
conditions semblables, se perde à des conditions semblables? Toute qualité
se fortifie et se conserve par les actes qui lui sont conformes, le talent
du charpentier par de belles œuvres de charpentier, le talent du
littérateur par de belles œuvres littéraires. Si vous vous habituez à
écrire contrairement aux règles, tout votre talent se détruit et se perd
infailliblement. De même l'honnêteté se conserve par des actes honnêtes,
et des actes déshonnêtes la détruisent; la loyauté se conserve par des
actes loyaux, et des actes contraires la détruisent. Les défauts à leur
tour se fortifient par des actes coupables : l'impudence par des actes
impudents; la déloyauté par des actes déloyaux; l'amour de la médisance
par des médisances; l'irascibilité par la colère, et l'avidité par la
supériorité des recettes sur les déboursés.
C'est pour cela que les philosophes nous avertissent qu'il ne suffit pas
d'apprendre la théorie, qu'il faut y joindre encore la méditation, puis la
pratique; car il y a longtemps que nous sommes habitués à faire le
contraire de ce qu'ils nous enseignent, et à suivre dans la pratique des
idées qui sont le contraire des vraies. Si donc nous ne faisons pas à leur
tour passer dans la pratique les idées vraies, nous ne serons jamais que
des gens qui expliquent les pensées des autres. Aujourd'hui quel est celui
de nous qui ne peut disserter avec art sur le bien et sur le mal; montrer
que telles choses sont bonnes, telles autres mauvaises, telles autres
indifférentes ; que les bonnes sont les vertus et tout ce qui s'y
rattache; que les mauvaises, sont leurs contraires ; que les choses
indifférentes sont la richesse, la santé, la réputation? Mais si, au
milieu de notre dissertation, il survient un bruit un peu fort, ou si
quelqu'un des assistants se moque de nous, nous voici décontenancés!
Philosophe, où donc est ce que tu disais? D'où le tirais-tu quand tu le
disais? Cela était sur tes lèvres, et rien de plus. Pourquoi déshonorer
des ressources que tu n'as pas su t'approprier? Pourquoi te jouer de ce
qu'il y a de plus respectable? Autre chose est de faire comme ceux qui
serrent dans leur cellier du pain et du vin, ou défaire comme ceux qui
s'en nourrissent. Ce dont on se nourrit se digère, se répand dans le
corps, devient des muscles, de la chair, des os, du sang, le teint et la
respiration de la santé. Ce que l'on a serré, on l'a sous sa main pour le
pouvoir prendre et montrer; mais on n'en tire d'autre profit que de faire
voir qu'on l'a. Quelle différence y a-t-il à exposer les idées que tu
n'appliques pas, ou à exposer celles d'une autre école? Assieds-toi et
explique-nous le système d'Epicure. Peut-être nous l'expliqueras-tu plus
habilement que lui-même. Pourquoi te prétendre Stoïcien? Pourquoi tromper
la foule? Pourquoi joues-tu le Juif, quand tu es Grec? Ne sais-tu pas
pourquoi l'on dit qu'un tel est Juif, Syrien ou Egyptien? D'ordinaire,
quand on voit quelqu'un être à moitié ceci, à moitié cela, on dit : Il
n'est pas Juif, mais il joue le Juif. Ce n'est que quand un homme prend
l'esprit du baptisé et du sectaire qu'il est réellement Juif, et qu'on lui
en donne le nom. Il en est de même de nous : nous n'avons pas été baptisés
; nous sommes Juifs de nom, mais pas de fait. Notre esprit ne répond pas à
notre langage; nous sommes loin d'appliquer ce que nous disons, et ce que
nous sommes si fiers de savoir.
Voilà comme n'étant déjà pas de force à remplir notre rôle d'hommes, nous
nous chargeons encore de celui de philosophes : c'est se charger, comme
quelqu'un qui ne pourrait soulever dix livres, et qui voudrait porter la
pierre d'Ajax.
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