[1,9] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Θ'.
§ 1. Ὅτι δὲ μοναχῶς οὕτω λύεται καὶ ἡ τῶν ἀρχαίων ἀπορία, λέγωμεν μετὰ
ταῦτα.
§ 2. Ζητοῦντες γὰρ οἱ κατὰ φιλοσοφίαν πρῶτοι τὴν ἀλήθειαν καὶ τὴν φύσιν
τῶν ὄντων ἐξετράπησαν οἷον ὁδόν τινα ἄλλην ἀπωσθέντες ὑπὸ ἀπειρίας, καί
φασιν οὔτε γίγνεσθαι τῶν ὄντων οὐδὲν οὔτε φθείρεσθαι διὰ τὸ ἀναγκαῖον μὲν
εἶναι γίγνεσθαι τὸ γιγνόμενον ἢ ἐξ ὄντος ἢ ἐκ μὴ ὄντος, ἐκ δὲ τούτων
ἀμφοτέρων ἀδύνατον εἶναι· οὔτε γὰρ τὸ ὂν γίγνεσθαι (εἶναι γὰρ ἤδη) ἔκ τε
μὴ ὄντος οὐδὲν ἂν γενέσθαι· ὑποκεῖσθαι γάρ τι δεῖν.
§ 3. Καὶ οὕτω δὴ τὸ ἐφεξῆς συμβαῖνον αὔξοντες οὐδ' εἶναι πολλά φασιν ἀλλὰ
μόνον αὐτὸ τὸ ὄν.
§ 4. Ἐκεῖνοι μὲν οὖν ταύτην ἔλαβον τὴν δόξαν διὰ τὰ εἰρημένα·
§ 5. Ἡμεῖς δὲ λέγομεν ὅτι τὸ ἐξ ὄντος ἢ μὴ ὄντος γίγνεσθαι, ἢ τὸ μὴ ὂν ἢ
τὸ ὂν ποιεῖν τι ἢ πάσχειν ἢ ὁτιοῦν τόδε γίγνεσθαι, ἕνα μὲν τρόπον οὐθὲν
διαφέρει ἢ τὸ τὸν ἰατρὸν ποιεῖν τι ἢ πάσχειν ἢ ἐξ ἰατροῦ εἶναί τι ἢ
γίγνεσθαι,
§ 6. ὥστ' ἐπειδὴ τοῦτο διχῶς λέγεται, δῆλον ὅτι καὶ τὸ ἐξ ὄντος καὶ τὸ ὂν
ἢ ποιεῖν ἢ πάσχειν.
§ 7. Οἰκοδομεῖ μὲν οὖν ὁ ἰατρὸς οὐχ ᾗ ἰατρὸς ἀλλ' ᾗ οἰκοδόμος, καὶ λευκὸς
γίγνεται οὐχ ᾗ ἰατρὸς ἀλλ' ᾗ μέλας· ἰατρεύει δὲ καὶ ἀνίατρος γίγνεται ᾗ
ἰατρός. ἐπεὶ δὲ μάλιστα λέγομεν κυρίως τὸν ἰατρὸν ποιεῖν τι ἢ πάσχειν ἢ
γίγνεσθαι ἐξ ἰατροῦ,
§ 8. ἐὰν ᾗ ἰατρὸς ταῦτα πάσχῃ ἢ ποιῇ ἢ γίγνηται, δῆλον ὅτι καὶ τὸ ἐκ μὴ
ὄντος γίγνεσθαι τοῦτο σημαίνει, τὸ ᾗ μὴ ὄν.
§ 9. Ὅπερ ἐκεῖνοι μὲν οὐ διελόντες ἀπέστησαν, καὶ διὰ ταύτην τὴν ἄγνοιαν
τοσοῦτον προσηγνόησαν, ὥστε μηθὲν οἴεσθαι γίγνεσθαι μηδ' εἶναι τῶν ἄλλων,
ἀλλ' ἀνελεῖν πᾶσαν τὴν γένεσιν·
§ 10. ἡμεῖς δὲ καὶ αὐτοί φαμεν γίγνεσθαι μὲν μηθὲν ἁπλῶς ἐκ μὴ ὄντος, πὼς
μέντοι γίγνεσθαι ἐκ μὴ ὄντος, οἷον κατὰ συμβεβηκός (ἐκ γὰρ τῆς στερήσεως,
ὅ ἐστι καθ' αὑτὸ μὴ ὄν, οὐκ ἐνυπάρχοντος γίγνεταί τι· θαυμάζεται δὲ τοῦτο
καὶ ἀδύνατον οὕτω δοκεῖ γίγνεσθαί τι, ἐκ μὴ ὄντος)·
§ 11. ὡσαύτως δὲ οὐδ' ἐξ ὄντος οὐδὲ τὸ ὂν γίγνεσθαι, πλὴν κατὰ συμβεβηκός·
§ 12. οὕτω δὲ καὶ τοῦτο γίγνεσθαι, τὸν αὐτὸν τρόπον οἷον εἰ ἐκ ζῴου ζῷον
γίγνοιτο καὶ ἐκ τινὸς ζῴου τι ζῷον· οἷον εἰ κύων <ἐκ κυνὸς ἢ ἵππος> ἐξ
ἵππου γίγνοιτο. Γίγνοιτο μὲν γὰρ ἂν οὐ μόνον ἐκ τινὸς ζῴου ὁ κύων, ἀλλὰ
καὶ ἐκ ζῴου, ἀλλ' οὐχ ᾗ ζῷον· ὑπάρχει γὰρ ἤδη τοῦτο· εἰ δέ τι μέλλει
γίγνεσθαι ζῷον μὴ κατὰ συμβεβηκός, οὐκ ἐκ ζῴου ἔσται, καὶ εἴ τι ὄν, οὐκ ἐξ
ὄντος· οὐδ' ἐκ μὴ ὄντος· τὸ γὰρ ἐκ μὴ ὄντος εἴρηται ἡμῖν τί σημαίνει, ὅτι
ᾗ μὴ ὄν.
§ 13. ἔτι δὲ καὶ τὸ εἶναι ἅπαν ἢ μὴ εἶναι οὐκ ἀναιροῦμεν.
§ 14. Εἷς μὲν δὴ τρόπος οὗτος,
§ 15. ἄλλος δ' ὅτι ἐνδέχεται ταὐτὰ λέγειν κατὰ τὴν δύναμιν καὶ τὴν
ἐνέργειαν· τοῦτο δ' ἐν ἄλλοις διώρισται δι' ἀκριβείας μᾶλλον.
§ 16. Ὥσθ' (ὅπερ ἐλέγομεν) αἱ ἀπορίαι λύονται δι' ἃς ἀναγκαζόμενοι
ἀναιροῦσι τῶν εἰρημένων ἔνια· διὰ γὰρ τοῦτο τοσοῦτον καὶ οἱ πρότερον
ἐξετράπησαν τῆς ὁδοῦ τῆς ἐπὶ τὴν γένεσιν καὶ φθορὰν καὶ ὅλως μεταβολήν·
αὕτη γὰρ ἂν ὀφθεῖσα ἡ φύσις ἅπασαν ἔλυσεν αὐτῶν τὴν ἄγνοιαν.
| [1,9] CHAPITRE IX.
§ 1. Après ces développements, disons que cette théorie est déjà
une manière de résoudre la question débattue par les anciens.
§ 2. Les premiers philosophes, malgré leur amour pour la vérité et
leurs recherches sur la nature des choses, s'égarèrent, poussés en
quelque sorte dans une autre voie par leur inexpérience, et ils soutinrent
que rien ne se produit et que rien ne périt, parce qu'il y a nécessité,
suivant eux, que ce qui naît et se produit vienne de l'être ou du non-être,
et qu'il y a pour l'un et pour l'autre cas égale impossibilité. Car, d'abord,
disaient-ils, l'être ne devient pas puisqu'il est déjà ; et en second lieu, rien
ne peut venir du néant, du non-être, puisqu'il faut toujours qu'il y ait
quelque chose qui serve de support.
§ 3. Puis, aggravant encore les conséquences de ce système, ils
ajoutaient que l'être ne peut pas être plusieurs, et ils ne reconnaissaient
dans l'être que l'être seul.
§ 4. Déjà nous avons fait voir comment ils ont été amenés à cette opinion.
§ 5. Mais à notre avis, entre ces diverses expressions, à savoir
qu'une chose vient de l'être ou du non-être, ou bien que l'être ou le non-être
fait ou souffre quelque chose, ou enfin que telle chose devient telle
autre chose quelconque, il n'y a pas en un certain sens plus de
différence que de dire ou que le médecin, par exemple, fait ou souffre
telle chose, ou bien que de médecin l'être devient ou est telle autre chose.
§ 6. Mais comme cette dernière expression a un double sens, il est
clair que celles-ci, à savoir que la chose vient de l'être et que l'être agit
ou souffre, ont également deux acceptions.
§ 7. Si en effet le médecin vient à construire une maison, ce n'est pas
en tant que médecin qu'il construit ; mais c'est en tant qu'architecte. S'il
devient blanc, ce n'est pas davantage en tant que médecin, mais c'est en
tant qu'il était noir, tandis que s'il guérit ou s'il échoue en tentant la
guérison d'une maladie, c'est en tant que médecin qu'il agit.
§ 8. Mais comme on dit au sens propre, éminemment, que c'est le
médecin qui fait quelque chose ou souffre quelque chose, ou devient
quelque chose de médecin qu'il était, quand c'est en tant que médecin
qu'il fait cette chose ou qu'il la souffre ou qu'il devient quelque chose, il
est clair que, quand on dit qu'une chose vient du non-être, ou devient ce
qu'elle n'était pas, c'est en tant que cette chose n'était pas ce qu'elle devient.
§ 9. C'est parce que les philosophes n'ont pas fait cette distinction
qu'ils se sont tant égarés; et cette première erreur les a conduits jusqu'à
soutenir cette absurdité que rien autre chose en dehors de l'être ne se
produit ni n'existe, et jusqu'à nier toute génération des choses.
§ 10. Nous aussi, nous disons bien avec eux que rien ne peut,
absolument parlant, venir du non-être ; mais nous admettons cependant
que quelque chose peut venir du non-être, et, par exemple,
indirectement et par accident. La chose vient alors de la privation, qui, en
soi, est le non-être, et elle devient ce qu'elle n'était pas. Du reste, cette
proposition est faite pour étonner, et il semble toujours impossible que
quoi que ce soit puisse même ainsi venir du non-être.
§ 11. C'est encore de la même façon qu'il faut comprendre que l'être
ne peut pas plus venir même de l'être que du non-être, si ce n'est par
accident.
§ 12. L'être vient de l'être absolument de la même manière que si l'on
disait que de l'animal vient l'animal, aussi bien que de tel animal
particulier vient tel animal particulier aussi ; et par exemple, si l'on disait
qu'un chien vient d'un cheval. Le chien alors pourrait venir non
seulement d'un certain animal, mais encore de l'animal en général ; mais
ce ne serait pas en tant qu'animal qu'il en viendrait, puisqu'il est déjà
animal lui-même. Quand un animal doit devenir animal autrement que
par accident, ce n'est pas de l'animal en général qu'il vient ; et si c'est
d'un être réel qu'il s'agit, il ne viendra ni de l'être ni du non-être ; car nous
avons expliqué qu'on ne peut comprendre cette expression, venir du
non-être, qu'en tant que la chose n'est pas ce qu'elle devient.
§ 13. De cette façon, nous ne détruisons pas ce principe que toute
chose doit être ou n'être pas.
§ 14. Voilà donc une première manière de résoudre la question
posée par les anciens philosophes.
§ 15. Il y en a encore une autre qui consiste en ce qu'on peut parler
des mêmes choses, soit en tant que possibles soit en tant qu'actuelles ;
mais nous avons exposé cette théorie de la puissance et de l'acte avec
plus de précision dans d'autres ouvrages.
§ 16. En résumé, nous venons de résoudre, comme nous l'avions
promis, les difficultés qui ont amené nécessairement les anciens
philosophes à nier quelques-uns de nos principes. C'est aussi la même
erreur qui les a tant écartés de la route où ils auraient pu comprendre la
génération et la destruction des choses, en un mot, le changement ; et
cette nature première, s'ils avaient su la voir, aurait suffit pour dissiper
leur ignorance.
|