[1,10] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ι'.
§ 1. Ἡμμένοι μὲν οὖν καὶ ἕτεροί τινές εἰσιν αὐτῆς, ἀλλ' οὐχ ἱκανῶς.
§ 2. Πρῶτον μὲν γὰρ ὁμολογοῦσιν ἁπλῶς γίγνεσθαί τι ἐκ μὴ ὄντος, ᾗ
Παρμενίδην ὀρθῶς λέγειν·
§ 3. εἶτα φαίνεται αὐτοῖς, εἴπερ ἐστὶν ἀριθμῷ μία, καὶ δυνάμει μία μόνον
εἶναι. τοῦτο δὲ διαφέρει πλεῖστον.
§ 4. Ἡμεῖς μὲν γὰρ ὕλην καὶ στέρησιν ἕτερόν φαμεν εἶναι, καὶ τούτων τὸ μὲν
οὐκ ὂν εἶναι κατὰ συμβεβηκός, τὴν ὕλην, τὴν δὲ στέρησιν καθ' αὑτήν, καὶ
τὴν μὲν ἐγγὺς καὶ οὐσίαν πως, τὴν ὕλην, τὴν δὲ οὐδαμῶς·
§ 5. οἱ δὲ τὸ μὴ ὂν τὸ μέγα καὶ τὸ μικρὸν ὁμοίως, ἢ τὸ συναμφότερον ἢ τὸ
χωρὶς ἑκάτερον. Ὥστε παντελῶς ἕτερος ὁ τρόπος οὗτος τῆς τριάδος κἀκεῖνος.
μέχρι μὲν γὰρ δεῦρο προῆλθον, ὅτι δεῖ τινὰ ὑποκεῖσθαι φύσιν, ταύτην μέντοι
μίαν ποιοῦσιν· καὶ γὰρ εἴ τις δυάδα ποιεῖ, λέγων μέγα καὶ μικρὸν αὐτήν,
οὐθὲν ἧττον ταὐτὸ ποιεῖ· τὴν γὰρ ἑτέραν παρεῖδεν.
§ 6. Ἡ μὲν γὰρ ὑπομένουσα συναιτία τῇ μορφῇ τῶν γιγνομένων ἐστίν, ὥσπερ
μήτηρ· ἡ δ' ἑτέρα μοῖρα τῆς ἐναντιώσεως πολλάκις ἂν φαντασθείη τῷ πρὸς τὸ
κακοποιὸν αὐτῆς ἀτενίζοντι τὴν διάνοιαν οὐδ' εἶναι τὸ παράπαν.
§ 7. Ὄντος γάρ τινος θείου καὶ ἀγαθοῦ καὶ ἐφετοῦ, τὸ μὲν ἐναντίον αὐτῷ
φαμεν εἶναι, τὸ δὲ ὃ πέφυκεν ἐφίεσθαι καὶ ὀρέγεσθαι αὐτοῦ κατὰ τὴν αὑτοῦ
φύσιν. Τοῖς δὲ συμβαίνει τὸ ἐναντίον ὀρέγεσθαι τῆς αὑτοῦ φθορᾶς. Καίτοι
οὔτε αὐτὸ αὑτοῦ οἷόν τε ἐφίεσθαι τὸ εἶδος διὰ τὸ μὴ εἶναι ἐνδεές, οὔτε τὸ
ἐναντίον (φθαρτικὰ γὰρ ἀλλήλων τὰ ἐναντία), ἀλλὰ τοῦτ' ἔστιν ἡ ὕλη, ὥσπερ
ἂν εἰ θῆλυ ἄρρενος καὶ αἰσχρὸν καλοῦ· πλὴν οὐ καθ' αὑτὸ αἰσχρόν, ἀλλὰ κατὰ
συμβεβηκός, οὐδὲ θῆλυ, ἀλλὰ κατὰ συμβεβηκός.
§ 8. Φθείρεται δὲ καὶ γίγνεται ἔστι μὲν ὥς, ἔστι δ' ὡς οὔ. Ὡς μὲν γὰρ τὸ
ἐν ᾧ, καθ' αὑτὸ φθείρεται (τὸ γὰρ φθειρόμενον ἐν τούτῳ ἐστίν, ἡ στέρησις)·
ὡς δὲ κατὰ δύναμιν, οὐ καθ' αὑτό, ἀλλ' ἄφθαρτον καὶ ἀγένητον ἀνάγκη αὐτὴν
εἶναι. εἴτε γὰρ ἐγίγνετο, ὑποκεῖσθαί τι δεῖ πρῶτον ἐξ οὗ ἐνυπάρχοντος·
τοῦτο δ' ἐστὶν αὐτὴ ἡ φύσις, ὥστ' ἔσται πρὶν γενέσθαι (λέγω γὰρ ὕλην τὸ
πρῶτον ὑποκείμενον ἑκάστῳ, ἐξ οὗ γίγνεταί τι ἐνυπάρχοντος μὴ κατὰ
συμβεβηκός)· εἴτε φθείρεται, εἰς τοῦτο ἀφίξεται ἔσχατον, ὥστε ἐφθαρμένη
ἔσται πρὶν φθαρῆναι.
§ 9. Περὶ δὲ τῆς κατὰ τὸ εἶδος ἀρχῆς, πότερον μία ἢ πολλαὶ καὶ τίς ἢ τίνες
εἰσίν, δι' ἀκριβείας τῆς πρώτης φιλοσοφίας ἔργον ἐστὶν διορίσαι, ὥστ' εἰς
ἐκεῖνον τὸν καιρὸν ἀποκείσθω. Περὶ δὲ τῶν φυσικῶν καὶ φθαρτῶν εἰδῶν ἐν
τοῖς ὕστερον δεικνυμένοις ἐροῦμεν.
§ 10. Ὅτι μὲν οὖν εἰσὶν ἀρχαί, καὶ τίνες, καὶ πόσαι τὸν ἀριθμόν, διωρίσθω
ἡμῖν οὕτως· πάλιν δ' ἄλλην ἀρχὴν ἀρξάμενοι λέγωμεν.
| [1,10] CHAPITRE X.
§ 1. Il y a bien quelques autres philosophes qui ont touché à cette
théorie de la nature première ; mais ils ne l'ont pas fait d'une manière
suffisante.
§ 2. D'abord ils reconnaissent avec nous que quelque chose peut
venir absolument du non-être, et qu'en ceci Parménide a toute raison.
§ 3. Mais ensuite ils prétendent que, la nature première étant une
numériquement, elle ne doit également qu'être une en puissance ; or,
c'est là une différence aussi énorme que possible.
§ 4. Pour notre part, nous affirmons que la privation et la matière sont
des choses très diverses ; que la matière est le non-être par accident,
tandis que la privation est le non-être en soi; et que la matière fort voisine
de la substance est, à certains égards, substance elle-même, tandis que
la privation ne l'est pas du tout.
§ 5. Mais d'autres philosophes placent le non-être dans le grand et le
petit indifféremment, soit en les réunissant tous les deux ensemble, soit
en les prenant chacun séparément ; et, par conséquent, cette manière
qu'ils ont d'entendre la triade est absolument différente de celle qui vient
d'être indiquée. En effet, ils sont bien allés jusqu'à ce point d'admettre
comme nécessaire l'existence d'une nature qui doit servir de support ;
mais ils ont supposé que cette nature est une ; et si quelque philosophe
admet une dyade en la reconnaissant dans le grand et le petit, il n'en fait
pas moins encore comme eux, puisqu'il oublie l'autre partie de l'être qui
est la privation.
§ 6. L'une de ces parties, en effet, qui demeure et subsiste, concourt
avec la forme pour produire comme une mère tous les phénomènes qui
adviennent ; mais quant à l'autre partie de l'opposition des contraires,
elle pourrait bien plus d'une fois faire l'effet de ne point exister du tout,
pour celui qui ne regarderait en elle que son côté destructif.
§ 7. En effet, comme il y a dans les choses un élément divin,
excellent et désirable, nous disons que l'un de nos deux principes est
contraire à cet élément, tandis que l'autre est fait par sa propre nature
pour rechercher et désirer cet élément divin. Mais dans les théories que
nous combattons, il arrive que le contraire désire sa propre destruction.
Cependant il est à la fois impossible, et que la forme se désire elle-même,
parce qu'elle n'a aucune défectuosité, et que le contraire la
désire, puisque les contraires se détruisent mutuellement. Mais c'est là
précisément le rôle de la matière ; et elle est comme la femelle qui désire
devenir mâle, ou le laid qui veut devenir beau; car la matière n'est pas le
laid en soi ; elle n'est laide que par accident ; elle n'est pas non plus
femelle en soi ; elle ne l'est qu'accidentellement.
§ 8. Dans un sens, la matière périt et naît ; et dans un autre sens,
elle ne naît ni ne périt. Ce qui périt en elle, c'est la privation ; mais en
puissance elle ne naît ni ne périt en soi. Loin de là ; il y a nécessité
qu'elle soit impérissable et incréée. En effet, si elle naissait, il faudrait
qu'il y eût antérieurement un sujet originaire d'où elle pût venir ; mais
c'est là justement sa nature propre ; et alors la matière existerait avant
même de naître ; car j'appelle matière ce sujet primitif qui est le support
de chaque chose, et d'où vient originairement, et non par accident, la
chose qui en sort. Si l'on dit que la matière peut périr, elle rentrera en
elle-même, puisqu'elle est le terme extrême, et il s'en suivrait que la
matière aurait péri avant même de périr.
§ 9. Quant au principe particulier de la forme, c'est le devoir de la
Philosophie première de déterminer avec précision si ce principe est
unique ou multiple, et d'étudier la nature de ce principe spécial, ou de
ces principes, s'il y en a plusieurs. Nous renverrons donc pour cette
occasion la théorie que nous ne faisons qu'indiquer ici, et nous nous
réservons seulement de parler des formes naturelles et périssables dans
les démonstrations qui vont suivre.
§ 10. En résumé, nous nous sommes borné jusqu'à présent à établir
qu'il y a des principes ; nous en avons déterminé la nature et le nombre.
Abordons à cette heure une autre théorie, en prenant un autre point de départ.
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