[8,1162] (1162a) (1) Ἀνεψιοὶ δὲ καὶ οἱ λοιποὶ συγγενεῖς ἐκ τούτων συνῳκείωνται·
τῷ γὰρ ἀπὸ τῶν αὐτῶν εἶναι. Γίνονται δ' οἳ μὲν
οἰκειότεροι οἳ δ' ἀλλοτριώτεροι τῷ σύνεγγυς ἢ πόρρω τὸν ἀρχηγὸν εἶναι.
Ἔστι δ' ἡ μὲν πρὸς γονεῖς φιλία τέκνοις, (5) καὶ ἀνθρώποις πρὸς θεούς, ὡς
πρὸς ἀγαθὸν καὶ ὑπερέχον· εὖ γὰρ πεποιήκασι τὰ μέγιστα· τοῦ γὰρ εἶναι καὶ
τραφῆναι αἴτιοι, καὶ γενομένοις τοῦ παιδευθῆναι· ἔχει δὲ καὶ τὸ ἡδὺ καὶ τὸ
χρήσιμον ἡ τοιαύτη φιλία μᾶλλον τῶν ὀθνείων, ὅσῳ καὶ κοινότερος ὁ βίος
αὐτοῖς ἐστίν. Ἔστι δὲ καὶ ἐν τῇ (10) ἀδελφικῇ ἅπερ καὶ ἐν τῇ ἑταιρικῇ καὶ
μᾶλλον ἐν τοῖς ἐπιεικέσι, καὶ ὅλως ἐν τοῖς ὁμοίοις, ὅσῳ οἰκειότεροι καὶ ἐκ
γενετῆς ὑπάρχουσι στέργοντες ἀλλήλους, καὶ ὅσῳ ὁμοηθέστεροι οἱ ἐκ τῶν
αὐτῶν καὶ σύντροφοι καὶ παιδευθέντες ὁμοίως· καὶ ἡ κατὰ τὸν χρόνον
δοκιμασία πλείστη καὶ (15) βεβαιοτάτη. Ἀνάλογον δὲ καὶ ἐν τοῖς λοιποῖς τῶν
συγγενῶν τὰ φιλικά. Ἀνδρὶ δὲ καὶ γυναικὶ φιλία δοκεῖ κατὰ φύσιν ὑπάρχειν·
ἄνθρωπος γὰρ τῇ φύσει συνδυαστικὸν μᾶλλον ἢ πολιτικόν, ὅσῳ πρότερον καὶ
ἀναγκαιότερον οἰκία πόλεως, καὶ τεκνοποιία κοινότερον τοῖς ζῴοις. Τοῖς μὲν
οὖν (20) ἄλλοις ἐπὶ τοσοῦτον ἡ κοινωνία ἐστίν, οἱ δ' ἄνθρωποι οὐ μόνον τῆς
τεκνοποιίας χάριν συνοικοῦσιν, ἀλλὰ καὶ τῶν εἰς τὸν βίον· εὐθὺς γὰρ
διῄρηται τὰ ἔργα, καὶ ἔστιν ἕτερα ἀνδρὸς καὶ γυναικός· ἐπαρκοῦσιν οὖν
ἀλλήλοις, εἰς τὸ κοινὸν τιθέντες τὰ ἴδια. Διὰ ταῦτα δὲ καὶ τὸ χρήσιμον
εἶναι δοκεῖ (25) καὶ τὸ ἡδὺ ἐν ταύτῃ τῇ φιλίᾳ. Εἴη δ' ἂν καὶ δι' ἀρετήν,
εἰ ἐπιεικεῖς εἶεν· ἔστι γὰρ ἑκατέρου ἀρετή, καὶ χαίροιεν ἂν τῷ τοιούτῳ.
Σύνδεσμος δὲ τὰ τέκνα δοκεῖ εἶναι· διὸ θᾶττον οἱ ἄτεκνοι διαλύονται· τὰ
γὰρ τέκνα κοινὸν ἀγαθὸν ἀμφοῖν, συνέχει δὲ τὸ κοινόν. Τὸ δὲ πῶς βιωτέον
ἀνδρὶ (30) πρὸς γυναῖκα καὶ ὅλως φίλῳ πρὸς φίλον, οὐδὲν ἕτερον φαίνεται
ζητεῖσθαι ἢ πῶς δίκαιον· οὐ γὰρ ταὐτὸν φαίνεται τῷ φίλῳ πρὸς τὸν φίλον καὶ
τὸν ὀθνεῖον καὶ τὸν ἑταῖρον καὶ τὸν συμφοιτητήν.
XIII. Τριττῶν δ' οὐσῶν φιλιῶν, καθάπερ ἐν ἀρχῇ εἴρηται, (35) καὶ καθ'
ἑκάστην τῶν μὲν ἐν ἰσότητι φίλων ὄντων τῶν δὲ καθ' ὑπεροχήν (καὶ γὰρ
ὁμοίως ἀγαθοὶ φίλοι γίνονται καὶ ἀμείνων χείρονι, (1162b) (1) ὁμοίως δὲ
καὶ ἡδεῖς καὶ διὰ τὸ χρήσιμον, ἰσάζοντες ταῖς ὠφελείαις καὶ διαφέροντες),
τοὺς ἴσους μὲν κατ' ἰσότητα δεῖ τῷ φιλεῖν καὶ τοῖς λοιποῖς ἰσάζειν, τοὺς
δ' ἀνίσους τὸ ἀνάλογον ταῖς ὑπεροχαῖς ἀποδιδόναι. (5) Γίνεται δὲ τὰ
ἐγκλήματα καὶ αἱ μέμψεις ἐν τῇ κατὰ τὸ χρήσιμον φιλίᾳ ἢ μόνῃ ἢ μάλιστα,
εὐλόγως. Οἱ μὲν γὰρ δι' ἀρετὴν φίλοι ὄντες εὖ δρᾶν ἀλλήλους προθυμοῦνται
(τοῦτο γὰρ ἀρετῆς καὶ φιλίας), πρὸς τοῦτο δ' ἁμιλλωμένων οὐκ ἔστιν
ἐγκλήματα οὐδὲ μάχαι· τὸν γὰρ φιλοῦντα καὶ (10) εὖ ποιοῦντα οὐδεὶς
δυσχεραίνει, ἀλλ' ἂν ᾖ χαρίεις, ἀμύνεται εὖ δρῶν. Ὁ δ' ὑπερβάλλων,
τυγχάνων οὗ ἐφίεται, οὐκ ἂν ἐγκαλοίη τῷ φίλῳ· ἕκαστος γὰρ τοῦ ἀγαθοῦ
ὀρέγεται. Οὐ πάνυ δ' οὐδ' ἐν τοῖς δι' ἡδονήν· ἅμα γὰρ ἀμφοῖν γίνεται οὗ
ὀρέγονται, εἰ τῷ συνδιάγειν χαίρουσιν· γελοῖος (15) δ' ἂν φαίνοιτο καὶ ὁ
ἐγκαλῶν τῷ μὴ τέρποντι, ἐξὸν μὴ συνημερεύειν. Ἡ δὲ διὰ τὸ χρήσιμον
ἐγκληματική· ἐπ' ὠφελείᾳ γὰρ χρώμενοι ἀλλήλοις ἀεὶ τοῦ πλείονος δέονται,
καὶ ἔλαττον ἔχειν οἴονται τοῦ προσήκοντος, καὶ μέμφονται ὅτι οὐχ ὅσων
δέονται τοσούτων τυγχάνουσιν ἄξιοι ὄντες· (20) οἱ δ' εὖ ποιοῦντες οὐ
δύνανται ἐπαρκεῖν τοσαῦτα ὅσων οἱ πάσχοντες δέονται. Ἔοικε δέ, καθάπερ τὸ
δίκαιόν ἐστι διττόν, τὸ μὲν ἄγραφον τὸ δὲ κατὰ νόμον, καὶ τῆς κατὰ τὸ
χρήσιμον φιλίας ἣ μὲν ἠθικὴ ἣ δὲ νομικὴ εἶναι. Γίνεται οὖν τὰ ἐγκλήματα
μάλισθ' ὅταν μὴ κατὰ τὴν αὐτὴν συναλλάξωσι (25) καὶ διαλύωνται. Ἔστι δ' ἡ
νομικὴ μὲν ἡ ἐπὶ ῥητοῖς, ἡ μὲν πάμπαν ἀγοραία ἐκ χειρὸς εἰς χεῖρα, ἡ δὲ
ἐλευθεριωτέρα εἰς χρόνον, καθ' ὁμολογίαν δὲ τί ἀντὶ τίνος. Δῆλον δ' ἐν
ταύτῃ τὸ ὀφείλημα κοὐκ ἀμφίλογον, φιλικὸν δὲ τὴν ἀναβολὴν ἔχει· διόπερ
ἐνίοις οὐκ εἰσὶ τούτων (30) δίκαι, ἀλλ' οἴονται δεῖν στέργειν τοὺς κατὰ
πίστιν συναλλάξαντας.
Ἡ δ' ἠθικὴ οὐκ ἐπὶ ῥητοῖς, ἀλλ' ὡς φίλῳ δωρεῖται ἢ ὁτιδήποτε ἄλλο·
κομίζεσθαι δὲ ἀξιοῖ τὸ ἴσον ἢ πλέον, ὡς οὐ δεδωκὼς ἀλλὰ χρήσας· οὐχ ὁμοίως
δὲ συναλλάξας καὶ διαλυόμενος ἐγκαλέσει. Τοῦτο δὲ συμβαίνει (35) διὰ τὸ
βούλεσθαι μὲν πάντας ἢ τοὺς πλείστους τὰ καλά, προαιρεῖσθαι δὲ τὰ ὠφέλιμα·
καλὸν δὲ τὸ εὖ ποιεῖν μὴ ἵνα ἀντιπάθῃ,
| [8,1162] (1162a)
Quant aux enfants des frères ou soeurs, et à ceux qui sont dans un degré inférieur de parenté, leur attachement remonte à la même cause, c'est-à-dire, à
l'origine commune. Le plus ou le moins de proximité à l'égard du chef de
la race, ou de la famille, établit ordinairement entre eux une intimité
plus ou moins grande.
Au reste, la tendresse des enfants pour leurs parents, et le respect des
hommes pour les dieux, sont l'effet de la bienfaisance et de la
supériorité; car on doit de tels sentiments à ceux de qui on a reçu les
plus grands bienfaits, puisqu'ils sont la cause d'abord de notre
existence, et ensuite de l'éducation et de l'instruction que nous avons
reçues. Mais il y a d'autant plus d'utilité ou d'agrément dans de tels
liens, en comparaison de ceux qui sont moins directs, qu'on a des rapports
plus fréquents et plus intimes avec les êtres qui sont l'objet de notre
attachement. On trouve aussi, dans l'amitié fraternelle, ce qui se
remarque dans les liaisons d'agrément et de plaisir, et d'autant plus dans
les liaisons entre des individus estimables, et qui se ressemblent, en
général, sous beaucoup de rapports, qu'elles sont plus intimement unies,
et par une affection qui a, pour ainsi dire, commencé au début de la vie ;
parce que ceux qui sont nés des mêmes parents, et qui ont été nourris et
élevés ensemble, ont des moeurs plus semblables, et qu'enfin, l'épreuve du
temps est à la fois la plus sûre et la plus constante. Il y a des motifs
analogues d'attachement dans les autres degrés de parenté.
Quant à l'affection conjugale, il semble qu'elle soit un effet direct et
immédiat de la nature humaine: car l'homme est porté par sa nature à
vivre avec la femme, plus encore qu'à vivre en société politique; d'autant
plus (dis-je) que nécessairement l'existence de la famille est antérieure
à celle de la cité, et que la propagation des espèces est une loi commune
à tous les êtres animés. Mais cette union se borne uniquement à cela dans
les autres espèces; au lieu que, chez l'homme, elle a encore pour but de
se procurer toutes les choses nécessaires à la vie : car bientôt la tâche
se trouve partagée entre les deux membres de l'association, et celle de
l'homme est autre que celle de la femme. Aussi se prêtent-ils de mutuels
secours, mettant en commun les moyens propres à chacun d'eux. C'est
pour cette raison que l'utile et l'agréable semblent plus spécialement
unis dans cette espèce d'amitié. Elle peut même être fondée sur la vertu,
si le mari et la femme sont dignes d'estime, puisque chacun d'eux a son
mérite propre; et ils peuvent trouver la plus douce satisfaction dans un
pareil lien. Les enfants contribuent ordinairement à le resserrer encore
davantage; et c'est pour cela que les époux qui sont privés de ce bonheur,
se désunissent plus promptement : car les enfants sont un bien commun à
l'un et à l'autre, et tout ce qui est commun est un moyen d'union.
Mais demander comment un mari doit vivre avec sa femme, et, en général, un
ami avec son ami, c'est demander comment ils devront observer les règles
de la justice; car elles ne sont pas les mêmes à l'égard d'un ami et à
l'égard d'un étranger, ou d'un condisciple, ou d'une personne avec qui
l'on n'a que des relations de plaisir et d'amusement.
Xlll. Puisqu'il y a trois sortes d'amitiés, ainsi qu'on l'a dit au
commencement, et puisqu'il peut toujours y avoir entre les amis ou
égalité ou supériorité relative : car ou les amis sont égaux en vertu, ou
l'un est plus vertueux que l'autre, (1162b) et il en est de même des
qualités agréables; et, en fait d'utilité, ils peuvent ou se procurer
réciproquement des avantages égaux, ou l'emporter l'un sur l'autre. Il
faut donc, lorsqu'il y a égalité, qu'elle se manifeste dans l'attachement
réciproque et dans toutes les autres circonstances; et, entre personnes
inégales, il faut que l'inférieur trouve quelque compensation
proportionnée à la supériorité de l'autre. Au reste, ce n'est pas sans
raison que l'amitié fondée sur l'utilité est la seule qui donne lieu à des
plaintes et à des réclamations, ou au moins celle où elles sont le plus
fréquentes. Car ceux dont la vertu forme le lien, sont empressés à se
faire réciproquement du bien, puisque c'est le propre de la vertu et de
l'amitié; or, une pareille émulation ne produit ni plaintes ni
contestations : car personne n'est fâché que son ami lui fasse du bien;
mais, quand on est reconnaissant, on se venge par d'autres bienfaits.
Celui même qui a la supériorité en ce genre, ne faisant que ce qu'il a
voulu faire, ne saurait se plaindre de son ami, puisque chacun d'eux
désire ce qui est bien.
Les amitiés, fondées sur le plaisir, ne sont guère plus sujettes à cette
espèce d'inconvénient : car les deux amis trouvent, en pareil cas, ce qui
peut les satisfaire, s'ils aiment à vivre ensemble; et celui qui se
plaindrait que l'autre ne trouve pas de plaisir dans cette liaison, serait
ridicule, puisqu'il ne tiendrait qu'à lui de ne pas consacrer ses jours
entiers à une pareille amitié.
Mais les liaisons fondées sur l'utilité, sont exposées à ce genre
d'inconvénient : car, comme on ne s'attache l'un à l'autre qu'en vue des
avantages qu'on espère, on en désire toujours de plus grands, on croit
toujours en trouver moins qu'on avait droit d'en attendre, on se plaint de
ne pas obtenir tout ce qu'on aurait dû trouver et qu'on méritait : et le
bienfaiteur se voit dans l'impossibilité de satisfaire à tous les besoins
de l'obligé.
On pourrait dire que de même qu'il y a deux sortes de droit, l'un
(naturel) et non écrit, et l'autre déterminé par la loi, de même l'amitié
fondée sur l'utilité, est de deux sortes, l'une morale, et l'autre légale.
Or, les plaintes et les réclamations ont lieu surtout lorsque les
engagements réciproques ne se sont pas formés d'après la même espèce
d'amitié qui existe au moment de la rupture. L'amitié que j'appelle
légale a pour base des conventions expresses; elle est tout-à-fait
mercantile, et, comme on dit communément, de la main à la main. Elle peut
aussi être plus libérale; elle admet un engagement à temps, mais sur
parole, de se donner une chose pour une autre : il est évident qu'il y a
là une dette qui ne peut pas être contestée, mais pour l'acquittement de
laquelle un sentiment d'affection pourra accorder du délai. Aussi, entre
ceux qui ont contracté de ces sortes d'engagements, il arrive quelquefois
qu'on ne voit point de procès; mais ils se croient obligés à une sorte
d'attachement pour des personnes qui ont consenti à des engagements de
pure confiance.
Au contraire, dans l'amitié morale, on ne s'engage pas par des conventions
expresses, mais de la même manière et dans la même disposition d'esprit
que l'on fait un don à un ami, ou qu'on oblige, en quoi que ce soit, toute
autre personne. Cependant, on s'attend à recevoir en retour ou la valeur
de ce qu'on a donné, ou même une valeur plus grande; car c'est un prêt
qu'on a fait, et non pas un pur don : mais les plaintes auxquelles la
rupture donne lieu, ne seront pas les mêmes (que dans le cas d'un contrat
violé), parce que l'engagement n'était pas de même nature. Cela vient, au
reste, de ce que tous les hommes, ou au moins la plupart, veulent sans
doute ce qui est beau et généreux, mais préfèrent ce qui est utile : or, il est
beau de faire du bien, sans avoir pour but qu'on nous en fasse à notre tour;
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