[8,1163] (1163a) (1) ὠφέλιμον δὲ τὸ εὐεργετεῖσθαι.
Δυναμένῳ δὴ ἀνταποδοτέον τὴν ἀξίαν ὧν ἔπαθεν (καὶ ἑκόντι) (ἄκοντα γὰρ
φίλον οὐ ποιητέον· ὡς δὴ διαμαρτόντα ἐν τῇ ἀρχῇ καὶ εὖ παθόντα ὑφ' οὗ οὐκ
ἔδει - οὐ γὰρ ὑπὸ φίλου, οὐδὲ δι' (5) αὐτὸ τοῦτο δρῶντος - καθάπερ οὖν ἐπὶ
ῥητοῖς εὐεργετηθέντα διαλυτέον)· καὶ †ὁμολογήσαι δ' ἂν δυνάμενος
ἀποδώσειν· ἀδυνατοῦντα δ' οὐδ' ὁ διδοὺς ἠξίωσεν ἄν. Ὥστ' εἰ δυνατόν,
ἀποδοτέον. Ἐν ἀρχῇ δ' ἐπισκεπτέον ὑφ' οὗ εὐεργετεῖται καὶ ἐπὶ τίνι, ὅπως
ἐπὶ τούτοις ὑπομένῃ ἢ μή. Ἀμφισβήτησιν (10) δ' ἔχει πότερα δεῖ τῇ τοῦ
παθόντος ὠφελείᾳ μετρεῖν καὶ πρὸς ταύτην ποιεῖσθαι τὴν ἀνταπόδοσιν, ἢ τῇ
τοῦ δράσαντος εὐεργεσίᾳ. Οἱ μὲν γὰρ παθόντες τοιαῦτά φασι λαβεῖν παρὰ τῶν
εὐεργετῶν ἃ μικρὰ ἦν ἐκείνοις καὶ ἐξῆν παρ' ἑτέρων λαβεῖν,
κατασμικρίζοντες· οἳ δ' ἀνάπαλιν τὰ μέγιστα (15) τῶν παρ' αὑτοῖς, καὶ ἃ
παρ' ἄλλων οὐκ ἦν, καὶ ἐν κινδύνοις ἢ τοιαύταις χρείαις. Ἆρ' οὖν διὰ μὲν
τὸ χρήσιμον τῆς φιλίας οὔσης ἡ τοῦ παθόντος ὠφέλεια μέτρον ἐστίν; Οὗτος
γὰρ ὁ δεόμενος, καὶ ἐπαρκεῖ αὐτῷ ὡς κομιούμενος τὴν ἴσην· τοσαύτη οὖν
γεγένηται ἡ ἐπικουρία ὅσον οὗτος ὠφέληται, (20) καὶ ἀποδοτέον δὴ αὐτῷ ὅσον
ἐπηύρετο, ἢ καὶ πλέον· κάλλιον γάρ. Ἐν δὲ ταῖς κατ' ἀρετὴν ἐγκλήματα μὲν
οὐκ ἔστιν, μέτρῳ δ' ἔοικεν ἡ τοῦ δράσαντος προαίρεσις· τῆς ἀρετῆς γὰρ καὶ
τοῦ ἤθους ἐν τῇ προαιρέσει τὸ κύριον.
XIV. Διαφέρονται δὲ καὶ ἐν ταῖς καθ' ὑπεροχὴν φιλίαις· (25) ἀξιοῖ γὰρ
ἑκάτερος πλέον ἔχειν, ὅταν δὲ τοῦτο γίνηται, διαλύεται ἡ φιλία. Οἴεται γὰρ
ὅ τε βελτίων προσήκειν αὑτῷ πλέον ἔχειν· τῷ γὰρ ἀγαθῷ νέμεσθαι πλέον·
ὁμοίως δὲ καὶ ὁ ὠφελιμώτερος· ἀχρεῖον γὰρ ὄντα οὔ φασι δεῖν ἴσον ἔχειν·
λειτουργίαν τε γὰρ γίνεσθαι καὶ οὐ φιλίαν, εἰ μὴ (30) κατ' ἀξίαν τῶν ἔργων
ἔσται τὰ ἐκ τῆς φιλίας. Οἴονται γάρ, καθάπερ ἐν χρημάτων κοινωνίᾳ πλεῖον
λαμβάνουσιν οἱ συμβαλλόμενοι πλεῖον, οὕτω δεῖν καὶ ἐν τῇ φιλίᾳ. Ὁ δ'
ἐνδεὴς καὶ ὁ χείρων ἀνάπαλιν· φίλου γὰρ ἀγαθοῦ εἶναι τὸ ἐπαρκεῖν τοῖς
ἐνδεέσιν· τί γάρ, φασίν, ὄφελος σπουδαίῳ (35) ἢ δυνάστῃ φίλον εἶναι, μηδέν
γε μέλλοντα ἀπολαύειν; (1163b) (1) Ἔοικε δ' οὖν ἑκάτερος ὀρθῶς ἀξιοῦν, καὶ
δεῖν ἑκατέρῳ πλέον νέμειν ἐκ τῆς φιλίας, οὐ τοῦ αὐτοῦ δέ, ἀλλὰ τῷ μὲν
ὑπερέχοντι τιμῆς τῷ δ' ἐνδεεῖ κέρδους· τῆς μὲν γὰρ ἀρετῆς καὶ τῆς
εὐεργεσίας ἡ τιμὴ γέρας, τῆς δ' ἐνδείας ἐπικουρία (5) τὸ κέρδος. Οὕτω δ'
ἔχειν τοῦτο καὶ ἐν ταῖς πολιτείαις φαίνεται· οὐ γὰρ τιμᾶται ὁ μηδὲν ἀγαθὸν
τῷ κοινῷ πορίζων· τὸ κοινὸν γὰρ δίδοται τῷ τὸ κοινὸν εὐεργετοῦντι, ἡ τιμὴ
δὲ κοινόν. Οὐ γὰρ ἔστιν ἅμα χρηματίζεσθαι ἀπὸ τῶν κοινῶν καὶ τιμᾶσθαι. Ἐν
πᾶσι γὰρ τὸ ἔλαττον οὐδεὶς ὑπομένει· (10) τῷ δὴ περὶ χρήματα ἐλαττουμένῳ
τιμὴν ἀπονέμουσι καὶ τῷ δωροδόκῳ χρήματα· τὸ κατ' ἀξίαν γὰρ ἐπανισοῖ καὶ
σῴζει τὴν φιλίαν, καθάπερ εἴρηται. Οὕτω δὴ καὶ τοῖς ἀνίσοις ὁμιλητέον, καὶ
τῷ εἰς χρήματα ὠφελουμένῳ ἢ εἰς ἀρετὴν τιμὴν ἀνταποδοτέον, ἀποδιδόντα τὰ
ἐνδεχόμενα. (15) Τὸ δυνατὸν γὰρ ἡ φιλία ἐπιζητεῖ, οὐ τὸ κατ' ἀξίαν· οὐδὲ
γὰρ ἔστιν ἐν πᾶσι, καθάπερ ἐν ταῖς πρὸς τοὺς θεοὺς τιμαῖς καὶ τοὺς γονεῖς·
οὐδεὶς γὰρ τὴν ἀξίαν ποτ' ἂν ἀποδοίη, εἰς δύναμιν δὲ ὁ θεραπεύων ἐπιεικὴς
εἶναι δοκεῖ. Διὸ κἂν δόξειεν οὐκ ἐξεῖναι υἱῷ πατέρα ἀπείπασθαι, πατρὶ δ'
υἱόν· (20) ὀφείλοντα γὰρ ἀποδοτέον, οὐδὲν δὲ ποιήσας ἄξιον τῶν ὑπηργμένων
δέδρακεν, ὥστ' ἀεὶ ὀφείλει. Οἷς δ' ὀφείλεται, ἐξουσία ἀφεῖναι· καὶ τῷ
πατρὶ δή. Ἅμα δ' ἴσως οὐδείς ποτ' ἂν ἀποστῆναι δοκεῖ μὴ ὑπερβάλλοντος
μοχθηρίᾳ· χωρὶς γὰρ τῆς φυσικῆς φιλίας τὴν ἐπικουρίαν ἀνθρωπικὸν μὴ (25)
διωθεῖσθαι. Τῷ δὲ φευκτὸν ἢ οὐ σπουδαστὸν τὸ ἐπαρκεῖν, μοχθηρῷ ὄντι· εὖ
πάσχειν γὰρ οἱ πολλοὶ βούλονται, τὸ δὲ ποιεῖν φεύγουσιν ὡς ἀλυσιτελές.
Περὶ μὲν οὖν τούτων ἐπὶ τοσοῦτον εἰρήσθω.
| [8,1163] (1163a) mais il est utile d'éprouver des bienfaits.
Il faut donc rendre la valeur du bienfait à celui qui peut vous obliger et
qui y consent; car on ne doit point rechercher un ami qui le serait malgré
lui. (Il faut agir) comme si l'on avait été dans l'erreur au
commencement, et obligé par une personne dont on ne devait pas accepter ou
attendre des bienfaits, puisqu'on ne les a pas reçus comme venant d'un ami
qui n'avait en vue que le plaisir d'obliger. En un mot, il faut se libérer
comme si l'on avait reçu le bienfait à des conditions expresses; comme si
l'on n'avait consenti à l'accepter que parce qu'on pouvait le rendre, mais
(persuadé que) si l'on n'avait pas été en état de le faire, celui qui vous
a obligé ne s'y serait pas prêté. Ainsi, l'on doit rendre ce qu'on a
reçu, quand on le peut ; mais il convient de considérer d'abord par qui on
est obligé, et à quelles conditions, afin de savoir si l'on doit, ou non,
s'engager à ce prix.
Il y a encore à examiner la question de savoir si la reconnaissance et la
dette contractée doit se mesurer sur l'utilité de celui qui a été obligé,
ou sur l'étendue du bienfait, et, par conséquent, être envisagée par
rapport au bienfaiteur. En effet, l'obligé prétendra n'avoir reçu de
celui-ci que des services qui étaient peu de chose pour lui, qu'il aurait
pu recevoir également de tout autre; cherchant ainsi à déprécier le mérite
du bienfaiteur. Celui-ci, de son côté, soutiendra que l'autre lui a les
plus grandes obligations, et qu'il n'aurait pu recevoir de personne un
pareil service, surtout dans le danger et dans le besoin où il se
trouvait. Dans une amitié ainsi fondée sur l'utilité, n'est-ce donc pas
l'utilité de celui qui a reçu le bienfait qui doit en être la mesure? Car,
enfin, c'est lui qui était dans le besoin, son ami l'a secouru, dans
l'espoir qu'il pourrait lui rendre un service égal ; l'étendue ou la
valeur de ce service doit donc être appréciée sur l'utilité que celui-ci
en a retirée. Par conséquent, il est tenu de rendre à son ami tout le bien
et toute l'utilité qu'il a trouvée en lui, ou même plus encore, car cela
serait plus noble et plus généreux.
Mais ces sortes de plaintes ou de réclamations n'ont point lieu dans les
amitiés fondées sur la vertu; la mesure naturelle du bienfait est ici
l'intention du bienfaiteur : car, en fait de moeurs et de vertu, c'est
l'intention qui est le principal.
XIV. Il s'élève surtout des différends dans les amitiés entre personnes
d'un mérite inégal : car chacun prétend obtenir sur l'autre quelque
avantage; mais, lorsque cela arrive, l'amitié ne tarde pas à se dissoudre.
En effet, celui qui a plus de mérite croit qu'il est juste que l'avantage
soit de son côté, et que la part de l'homme vertueux soit plus
considérable. Celui qui est plus utile a la même prétention. Il ne faut
pas, disent-ils, que celui qui n'est bon à rien partage également; car, si
les avantages de l'amitié ne sont pas en proportion du mérite! ce n'est
plus l'amitié, c'est une véritable charge comme celle qu'on impose aux
citoyens pour les besoins de l'Etat. C'est pourquoi l'on croit
communément qu'il doit en être de l'amitié comme d'une société de
commerce, où ceux qui ont fourni le plus de fonds, ont une part plus
considérable dans les bénéfices. Mais l'opinion de l'homme qui est dans le
besoin, et qui a moins de mérite, est fort différente : il croit, au
contraire, que le devoir d'un ami vertueux est de venir au secours de ses
amis dans l'indigence ; car, à quoi bon, dit-il, être l'ami d'un homme
vertueux ou puissant, si l'on n'en doit retirer aucun avantage? (1163b)
Tous deux néanmoins peuvent avoir raison, à certains égards, en prétendant
tirer chacun des avantages réels de l'amitié : mais ce ne seront pas des
avantages du même genre; celui qui a la supériorité (du rang et de la
fortune) doit y trouver plus d'honneur; et celui qui est dans l'indigence,
plus de profit. Car l'honneur est la récompense de la bienfaisance et de
la vertu, le gain est la ressource de l'indigence,
Il semble, en effet, que c'est ainsi que les choses se passent dans le
gouvernement des états : car on n'y accorde point de considération à ceux
qui ne contribuent en rien à l'utilité publique, puisqu'on ne donne ce qui
appartient à tous qu'à celui qui a rendu des services à la communauté; or,
la considération est le bien de tous. Il n'est pas possible, en effet, de
s'enrichir aux dépens du public, et d'en être en même temps honoré; car
personne ne consent à perdre en tout ses avantages : aussi accorde-t-on
des honneurs à celui qui sacrifie ses richesses; et l'on donne de l'argent
à celui qui est plus sensible à cette sorte de récompenses. Car c'est,
comme on l'a déjà dit, la proportion relative au mérite et à la dignité,
qui rétablit l'égalité et conserve l'amitié. Telle est donc l'espèce de
commerce et de relation qui doit exister entre hommes qui ne sont pas
égaux; et il faut rendre en honneurs le prix des services qu'on a reçus,
soit par des sacrifices d'argent, soit par des actes de vertu,
c'est-à-dire, s'acquitter comme on le peut; puisque l'amitié est obligée
de chercher ce qui est possible, et non ce qui est en proportion du mérite.
Car on ne peut s'acquitter envers tout le monde par des honneurs et par
des respects, comme on le fait pour les dieux et pour les auteurs de sa
naissance. Dans ce cas, sans doute, il n'y a personne qui puisse
s'acquitter dignement; mais celui qui montre, autant qu'il peut, son
respect, passe pour un homme estimable et vertueux. Voila pourquoi l'on
pense communément qu'un fils ne peut jamais renoncer son père, tandis que
le père peut fort bien renoncer son fils. Car on est obligé de rendre
ce qu'on a reçu, et il n'a jamais rien pu faire pour son père qui fût
capable d'acquitter sa dette , en sorte qu'elle subsiste toujours : or,
celui à qui l'on doit est toujours en droit de renoncer son débiteur; par
conséquent, le père a ce droit là. Peut-être, au reste, n'y a-t-il pas de
père qui en voulût user, si ce n'est à l'égard d'un fils extrêmement
coupable : car, outre l'affection naturelle, il n'est pas dans le coeur de
l'homme de se priver de ses ressources et d'un appui précieux. Mais un
fils vicieux et pervers cherche à s'affranchir, ou au moins ne s'inquiète
guère du soin de pourvoir aux besoins de son père. La plupart des hommes
ne demandent même pas mieux que de se voir prévenus par des bienfaits, et
ils se dispensent volontiers, au contraire, d'être bienfaisants, parce
qu'il n'y a en cela aucune utilité pour eux.
Mais en voilà assez sur ce sujet.
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