[1,9] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Θ'.
§ 1. Μετὰ τοίνυν τοῦτο ἀναγκαῖόν ἐστιν ἴσως ῥηθῆναι τί τῇ μεσότητι
ἀντίκειται, πότερον ἡ ὑπερβολὴ ἢ ἡ ἔνδεια. Ἐνίαις μὲν γὰρ μεσότησιν ἔνδεια
ἐναντίον, ἐνίαις δὲ ὑπερβολή, οἷον ἀνδρείᾳ μὲν οὐχ ἡ θρασύτης ὑπερβολὴ
οὖσα, ἀλλ´ ἡ δειλία ἔνδεια οὖσα, τῇ δὲ σωφροσύνῃ μεσότητι οὔσῃ ἀκολασίας
καὶ ἀναισθησίας τῆς περὶ ἡδονὰς οὐ δοκεῖ ἐναντίον εἶναι ἡ ἀναισθησία
ἔνδεια οὖσα, ἀλλ´ ἡ ἀκολασία οὖσα ὑπερβολή.
§ 2. Ἔστι δ´ ἀμφότερα ἐναντία τῇ μεσότητι, καὶ ἡ ὑπερβολὴ καὶ ἡ ἔνδεια· ἡ
γὰρ μεσότης τῆς μὲν ὑπερβολῆς ἐνδεέστερον, τῆς δ´ ἐνδείας ὑπερβάλλον. Διὸ
καὶ οἱ μὲν ἄσωτοι τοὺς ἐλευθερίους ἀνελευθέρους φασὶν εἶναι, οἱ δ´
ἀνελεύθεροι τοὺς ἐλευθερίους ἀσώτους, καὶ οἱ μὲν θρασεῖς καὶ προπετεῖς
τοὺς ἀνδρείους καλοῦσι δειλούς, οἱ δὲ δειλοὶ τοὺς ἀνδρείους προπετεῖς καὶ
μαινομένους.
§ 3. Διὰ δὴ δύο αἰτίας δόξαιμεν ἂν ἀντιτιθέναι τῇ μεσότητι τὴν ὑπερβολὴν
καὶ τὴν ἔνδειαν. Ἢ γὰρ ἐξ αὐτοῦ τοῦ πράγματος σκοποῦσιν πότερον ἐγγύτερόν
ἐστι τοῦ μέσου ἢ πορρώτερον, οἷον ἐλευθεριότητι πότερον ἀσωτία ἢ
ἀνελευθερία πορρώτερον. Μᾶλλον γὰρ ἂν δόξειεν ἐλευθεριότης ἡ ἀσωτία ἢ ἡ
ἀνελευθερία· πορρώτερον ἄρα ἡ ἀνελευθερία. Τὰ δὲ πλεῖον ἀπέχοντα τοῦ μέσου
ἐναντιώτερα δόξειεν ἂν εἶναι. Ἐκ μὲν ἄρα αὐτοῦ τοῦ πράγματος ἡ ἔνδεια
ἐναντιώτερον φαίνεται.
§ 4. Ἔστι δὲ καὶ ἄλλως, οἷον πρὸς ἃ μᾶλλον πεφύκαμεν, ταῦτα μᾶλλον ἐναντία
τῷ μέσῳ. Οἷον πεφύκαμεν μᾶλλον ἀκόλαστοι ἢ κόσμιοι εἶναι· ἡ οὖν ἐπίδοσις
γίνεται μᾶλλον πρὸς ἃ πεφύκαμεν· πρὸς ἃ δὲ μᾶλλον ἐπιδίδομεν, ταῦτα καὶ
μᾶλλον ἐναντία· ἐπιδίδομεν δὲ πρὸς ἀκολασίαν μᾶλλον ἢ πρὸς κοσμιότητα·
ὥστ´ ἐναντιώτερον ἂν εἴη ὑπερβολὴ μεσότητος· ἡ γὰρ ἀκολασία ὑπερβολὴ
σωφροσύνης.
§ 5. Ὅ τι μὲν οὖν ἐστιν ἡ ἀρετή, ἐπέσκεπται (μεσότης γὰρ δοκεῖ τις εἶναι
τῶν παθῶν, ὥστε δέοι ἂν τὸν μέλλοντα κατὰ τὸ ἦθος εὐδοκιμήσειν τὴν
μεσότητα τῶν παθῶν ἑκάστου διατηρεῖν·
§ 6. διὸ καὶ ἔργον ἐστὶν σπουδαῖον εἶναι· ἐν ἑκάστῳ γὰρ τὸ μέσον λαβεῖν
ἔργον, οἷον κύκλον μὲν γράψαι παντὸς ἐστί, τὸ δὲ μέσον τὸ ἐν αὐτῷ ἤδη
λαβεῖν χαλεπόν, ὁμοίως δὲ καὶ ὀργισθῆναι μὲν ῥᾴδιον, καὶ τὸ ἐναντίον δὲ
τούτῳ, τὸ δὲ μέσως ἔχειν χαλεπόν· ἁπλῶς δὲ ἐν ἑκάστῳ τῶν παθῶν ἔστιν
ἰδεῖν ὅτι τὸ ἐμπεριέχον τὸ μέσον ῥᾴδιον ἐστί, τὸ δὲ μέσον χαλεπόν, καθ´ ὃ
ἐπαινούμεθα· διὸ καὶ σπάνιον τὸ σπουδαῖον).
| [1,9] CHAPITRE IX.
§ 1. La suite nécessaire de ceci, c'est d'expliquer quel est le contraire
de ce milieu qui fait la vertu. Est-ce l'excès? est-ce le défaut? Il est
certains milieux dont le contraire est le défaut; il en est d'autres pour
lesquels c'est l'excès. Ainsi, le contraire du courage, ce n'est pas la
témérité, qui est un excès ; c'est la lâcheté, qui est un défaut. Loin de
là, pour la tempérance, qui est le milieu entre la débauche sans frein et
l'insensibilité, en ce qui concerne le plaisir, le contraire n'est pas
l'insensibilité qui est un défaut ; c'est la débauche, laquelle est un
excès.
§ 2. Au reste, les deux extrêmes peuvent à la fois être contraires au
milieu, l'excès comme le défaut ; car le milieu est en défaut relativement
à l'excès, et il est en excès relativement au défaut. Ceci nous explique
pourquoi les prodigues trouvent que les gens généreux n'ont pas de
générosité, et pourquoi les gens qui n'ont pas de générosité traitent les
gens généreux de prodigues. Ceci nous explique encore comment les
téméraires et les imprudents appellent les gens courageux des lâches, et
comment les lâches appellent les gens courageux des téméraires et des
fous.
§ 3. Il y a deux motifs pour qu'on doive considérer ainsi l'excès et le
défaut, comme les contraires du milieu. D'abord, on peut ne regarder qu'à
la chose même et voir quelle est des deux extrémités celle qui est la plus
éloignée ou la plus proche du milieu. Ainsi, par exemple, on peut se
demander si c'est la prodigalité ou l'avarice qui est le plus éloignée de
la générosité véritable ; et comme la prodigalité semblerait être de la
générosité plutôt que l'avarice, cette dernière paraîtrait plus éloignée
du milieu. Or, les choses les plus éloignées du milieu semblent aussi les
plus contraires. Ainsi donc, en ne s'en tenant qu'à la chose même, le
défaut dans ce cas paraîtrait plus contraire au milieu que l'autre extrême.
§ 4. Mais il est encore un second moyen d'apprécier ces nuances ; et le
voici. Les penchants auxquels nous sommes le plus portés par la nature,
sont aussi les plus contraires au milieu : par exemple, la nature nous
pousse au dérèglement et à la débauche plus qu'à la réserve et à la
tempérance. Les penchants qui nous sont naturels ne font que s'accroître
de plus en plus ; et les choses auxquelles nous ajoutons sans cesse,
deviennent aussi de plus en plus contraires. Or, nous donnons et nous
inclinons bien plus à la débauche qu'à la tempérance ; et c'est alors
l'excès, et non le défaut, qui parait être plus contraire au milieu ; car
la débauche est le contraire de la sagesse, et elle est un coupable excès.
§ 5. Nous avons donc étudié la nature de la vertu ; et nous voyons que
c'est une sorte de milieu dans les passions de l'âme. Aussi, l'homme qui
veut acquérir par sa moralité une véritable considération, doit rechercher
avec soin le milieu dans chacune des passions qu'il peut ressentir.
§ 6. Voilà pourquoi c'est une grande oeuvre que d'être vertueux et bon.
Car, en toute chose, il est difficile de trouver le milieu ; et, par
exemple, s'il est donné à tout le monde de tracer un cercle, il est très
difficile de trouver le vrai milieu de ce cercle une fois tracé. Cette
comparaison ne s'applique pas moins aux sentiments moraux. Il est aussi
très facile de se mettre toujours en colère, et il ne l'est pas moins de
rester dans l'état contraire de celui-là. Mais se tenir dans un milieu
convenable est chose fort mal aisée. En général, on peut voir, pour toutes
les passions indistinctement, qu'il est facile de tourner autour du
milieu, mais que le milieu qui mérite véritablement la louange est
difficile à rencontrer ; et aussi la vertu est-elle
bien rare.
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