[1,4] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Δ'.
§ 1. Μετὰ τοίνυν τοῦτο ὁρῶμεν ὅτι οὐθενὶ ἄλλῳ ἢ ψυχῇ ζῶμεν· ἐν ψυχῇ δέ
ἐστιν ἀρετή· τὸ αὐτό γέ τοί φαμεν τήν τε ψυχὴν ποιεῖν καὶ τὴν τῆς ψυχῆς
ἀρετήν. Ἀλλ´ ἡ μὲν ἀρετὴ ἐν ἑκάστῳ τοῦτο ποιεῖ εὖ οὗ ἐστιν ἀρετή, ἡ δὲ
ψυχὴ καὶ τἆλλα μέν, ψυχῇ δὲ ζῶμεν· διὰ τὴν τῆς ψυχῆς ἀρετὴν ἄρα εὖ
ζήσομεν.
§ 2. Τὸ δέ γε εὖ ζῆν καὶ εὖ πράττειν οὐθὲν ἄλλο ἢ τὸ εὐδαιμονεῖν λέγομεν.
Τὸ ἄρα εὐδαιμονεῖν καὶ ἡ εὐδαιμονία ἐν τῷ εὖ ζῆν ἐστίν, τὸ δ´ εὖ ζῆν ἐν τῷ
κατὰ τὰς ἀρετὰς ζῆν. Τοῦτ´ ἄρ´ ἐστὶν τέλος καὶ ἡ εὐδαιμονία καὶ τὸ
ἄριστον.
§ 3. Ἐν χρήσει τοίνυν τινὶ ἂν εἴη καὶ ἐνεργείᾳ ἡ εὐδαιμονία. Ὧν γὰρ ἦν
ἕξις καὶ χρῆσις, ἡ χρῆσις καὶ ἡ ἐνέργεια τέλος· τῆς δὲ ψυχῆς ἡ ἀρετὴ ἕξις
ἐστίν· ἔστιν δὲ καὶ ἐνέργεια καὶ {ἡ} χρῆσις αὐτῆς τῶν ἀρετῶν· ὥστε τέλος
ἂν εἴη ἡ ἐνέργεια καὶ ἡ χρῆσις αὐτῆς· ἡ εὐδαιμονία ἄρ´ ἂν εἴη ἐν τῷ κατὰ
τὰς ἀρετὰς ζῆν.
§ 4. Ἐπειδήπερ οὖν τὸ ἄριστον ἀγαθόν ἐστιν ἡ εὐδαιμονία, καὶ αὕτη τέλος
καὶ τέλειον τέλος ἐνεργείᾳ, ζῶντες ἂν κατὰ τὰς ἀρετὰς εὐδαίμονες ἂν εἴημεν
καὶ ἔχοιμεν τὸ ἄριστον ἀγαθόν.
§ 5. Ἐπεὶ δ´ οὖν ἐστιν ἡ εὐδαιμονία τέλειον ἀγαθὸν καὶ τέλος, οὐδὲ τοῦτο
δεῖ λανθάνειν ὅτι καὶ ἐν τελείῳ ἔσται. Οὐ γὰρ ἔσται ἐν παιδί (οὐ γάρ ἐστι
παῖς εὐδαίμων), ἀλλ´ ἐν ἀνδρί· οὗτος γὰρ τέλειος. Οὐδ´ ἐν χρόνῳ γε ἀτελεῖ,
ἀλλ´ ἐν τελείῳ. Τέλειος δ´ ἂν εἴη χρόνος, ὅσον ἄνθρωπος βιοῖ. Καὶ γὰρ
λέγεται ὀρθῶς παρὰ τοῖς πολλοῖς ὅτι δεῖ τὸν εὐδαίμονα ἐν τῷ μεγίστῳ χρόνῳ
τοῦ βίου κρίνειν, ὡς δέον τὸ τέλειον εἶναι καὶ ἐν χρόνῳ τελείῳ καὶ ἐν
ἀνθρώπῳ.
§ 6. Ὅτι δὲ ἐνέργεια ἐστίν, ἴδοι ἄν τις καὶ ἐντεῦθεν. Ἐν γὰρ τοῖς ὕπνοις,
οἷον εἴ τις καθεύδοι διὰ βίου, τὸν τοιοῦτον οὐ πάνυ βουλόμεθα λέγειν
εὐδαίμονα εἶναι· τὸ μὲν γὰρ ζῆν αὐτῷ ὑπάρχει, ἀλλὰ τὸ ζῆν αὐτῷ κατὰ τὰς
ἀρετὰς οὐχ ὑπάρχει, ὃ ἦν κατὰ τὴν ἐνέργειαν.
§ 7. Μετὰ τοῦτο τὸ μέλλον λέγεσθαι οὔτε λίαν δόξειεν ἂν οἰκεῖον εἶναι
τούτων οὔτε μακρὰν ἀπέχον. Οἷον ἐπειδήπερ ἔστιν, ὡς δοκεῖ, μόριόν τι τῆς
ψυχῆς ᾧ τρεφόμεθα, ὃ καλοῦμεν θρεπτικόν (τοῦτο γὰρ εὔλογόν ἐστιν εἶναι·
τοὺς γοῦν λίθους ὁρῶμεν ἀδυνάτους τρέφεσθαι ὄντας, ὥστε δῆλον ὅτι τῶν
ἐμψύχων ἐστὶ τὸ τρέφεθαι· εἰ δὲ τῶν ἐμψύχων, ἡ ψυχὴ ἂν εἴη αἰτία·
§ 8. τῆς δὲ ψυχῆς τούτων μὲν τῶν μορίων οὐθὲν αἴτιον ἂν εἴη τοῦ τρέφεσθαι,
οἷον τὸ λογιστικὸν ἢ τὸ θυμικὸν ἢ τὸ ἐπιθυμητικόν, ἄλλο δέ τι παρὰ ταῦτα,
ᾧ οὐθὲν ἔχομεν οἰκειότερον ὄνομα ἐπιθεῖναι ἢ θρεπτικόν)·
§ 9. τί οὖν, ἄν τις εἴποι, πότερον καὶ τούτου τοῦ μορίου τῆς ψυχῆς ἔστιν
ἀρετή; Εἰ γὰρ ἔστι, δῆλον ὅτι καὶ ταύτῃ δεήσει ἐνεργεῖν· τῆς γὰρ τελείας
ἀρετῆς ἡ ἐνέργεια εὐδαιμονία. Εἰ μὲν οὖν ἔστιν ἀρετὴ τούτου ἢ μὴ ἔστιν,
ἄλλος λόγος· εἰ δ´ ἄρα ἔστιν, οὐκ ἔστιν ταύτης ἐνέργεια. Ὧν γὰρ μὴ ἔστιν
ὁρμή, οὐδ´ ἐνέργεια τούτων ἔσται· οὐκ ἔοικεν δὲ εἶναι ὁρμὴ ἐν τῷ μορίῳ
τούτῳ, ἀλλ´ ὅμοιον ἔοικεν εἶναι τῷ πυρί. Καὶ γὰρ ἐκεῖνο ὅ τι
ἂν ἐμβάλῃς καταναλώσει, κἂν μὴ ἐμβάλῃς, οὐκ ἔχει ὁρμὴν πρὸς τὸ λαβεῖν.
Οὕτω καὶ τοῦτο τὸ μόριον τῆς ψυχῆς ἔχει· ἂν μὲν γὰρ ἐμβάλῃς τροφήν,
τρέφει, ἂν δὲ μὴ ἐμβάλῃς τροφήν, οὐκ ἔχει ὁρμὴν τοῦ τρέφειν. Διὸ οὐδὲ
ἐνέργεια οὗ μηδὲ ὁρμή. Ὥστ´ οὐδὲν συνεργεῖ τὸ μόριον τοῦτο πρὸς τὴν
εὐδαιμονίαν.
§ 10. Μετὰ ταῦτα τοίνυν λεκτέον ἂν εἴη τί ἐστιν ἡ ἀρετή, ἐπείπερ ἡ ταύτης
ἐνέργειά ἐστιν ἡ εὐδαιμονία. Ὡς μὲν οὖν ἁπλῶς εἰπεῖν, ἐστὶν ἡ ἀρετὴ ἕξις ἡ
βελτίστη· ἀλλ´ ἴσως οὐχ ἱκανὸν οὕτως ἁπλῶς εἰπεῖν, ἀλλὰ σαφέστερον
διορίσαι δεῖ.
| [1,4] CHAPITRE IV.
§ 1. On peut observer, après cela, que nous ne vivons réellement par aucun
autre principe que par notre âme. Or, la vertu est dans l'âme ; et quand
nous disons que l'âme fait quelque chose, cela revient absolument à dire
que c'est la vertu de l'âme qui la fait. Mais la vertu dans chaque genre
fait que la chose dont elle est la vertu, est bonne comme elle peut l'être
; or, l'âme est soumise comme le reste à cette règle ; et puisque nous
vivons par l'âme, c'est par la vertu de l'âme que nous vivons bien.
§ 2. Mais bien vivre et bien faire n'est pas autre chose que ce que nous
appelons être heureux. Ainsi donc, être heureux, ou le bonheur ne consiste
qu'à bien vivre ; mais bien vivre, c'est vivre en pratiquant les vertus.
En un mot, c'est, là la vraie fin de la vie, le bonheur et le bien suprême.
§ 3. Le bonheur, par conséquent, se trouvera dans un certain usage des
choses, et dans un certain acte ; car, ainsi que nous l'avons dit, toutes
les fois qu'il y a en même temps faculté et usage, c'est l'usage et l'acte
qui sont la fin véritable des choses. La vertu n'est qu'une faculté de l'âme ;
mais, pour elle, il y a de plus l'usage et l'acte des vertus qu'elle
possède ; et par suite, c'est l'acte et l'usage de ces vertus qui sont
aussi sa vraie fin. Donc, le bonheur consiste à vivre selon les vertus.
§ 4. D'autre part, comme le bonheur est le bien par excellence, et qu'il
est une fin en acte, il s'ensuit qu'en vivant suivant les vertus, nous
sommes heureux, et que nous jouissons du bien suprême.
§ 5. Par suite encore, comme le bonheur est le bien final et la fin de la
vie, il est bon de remarquer qu'il ne peut se trouver que dans un être
complet et parfaitement fini.- Je m'explique, et je dis, par exemple, que
le bonheur ne sera pas dans l'enfant ; l'enfant n'est pas heureux ; mais
le bonheur sera exclusivement dans l'homme fait, qui seul est un être
complet. J'ajoute qu'il ne se trouvera pas non plus dans un temps
incomplet et inachevé, mais bien dans un temps complet et consommé ; et
par temps complet, je comprends celui qu'embrasse la vie entière de
l'homme. A mon avis, on a bien raison de dire qu'il ne faut juger du
bonheur des gens que sur le temps le plus long de leur vie ; et le
vulgaire, en répétant ce propos, semble penser que tout ce qui est complet
doit être et dans un temps complètement révolu, et dans un homme complet.
§ 6. Voici une autre preuve qui démontre bien que le bonheur est un acte.
Si par hasard quelqu'un dormait durant toute sa vie, nous ne voudrions
certainement pas l'appeler un être heureux, pendant ce long sommeil.
Pourtant, il vit encore en cet état ; mais il ne vit pas selon les vertus
; ce qui est seul, comme nous l'avons dit, vivre en acte, vivre en réalité.
§ 7. Après ces considérations, nous allons traiter une question qui ne
paraîtra ni tout à fait propre ni tout à fait étrangère à notre sujet.
Nous dirons donc qu'il y a dans l'âme, à ce qu'il semble, une partie par
laquelle nous nous nourrissons, et nous l'appelons la partie nutritive de
l'âme. La raison peut comprendre cela sans peine. Comme les choses
inanimées, les pierres, évidemment sont incapables de se nourrir, il en
résulte que se nourrir est une fonction des êtres qui sont animés, qui ont
une âme ; et si cette fonction n'appartient qu'aux êtres doués d'une âme,
c'est l'âme qui en est cause.
§ 8. Or, parmi les parties dont l'âme se compose, il en est qui ne
sauraient être cause de la nutrition : par exemple, la partie qui
raisonne, la partie passionnée, la partie concupiscente ; et après ces
parties diverses, il reste uniquement dans l'âme cette autre partie que
nous ne pouvons mieux nommer qu'en l'appelant la partie nutritive.
§ 9. Eh quoi ! pourrait-on demander : Est-ce que par hasard cette partie
de l'âme peut, elle aussi, avoir la vertu ? Si elle le peut, il est
évident qu'il faudra que l'âme agisse aussi par elle, puisque l'acte de la
vertu complète est le bonheur. Qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas de la
vertu dans cette partie de l'âme, c'est une question d'un autre ordre;
mais s'il y en a par hasard, il n'y a pas du moins d'acte pour elle. Et
voici pourquoi : Les êtres qui n'ont pas de mouvement propre ne peuvent
pas non plus avoir d'acte qui leur soit propre. Or, il ne semble pas qu'il
y ait de mouvement spontané dans cette partie. On dirait bien plutôt
qu'elle a quelque chose de la nature du feu. Le feu dévorera tout ce que
vous jetterez dedans ; mais si vous ne lui jettez pas des aliments, il n'a
pas de mouvement pour aller les prendre. De même, aussi pour cette partie
de l'âme : si l'on y jette de la nourriture, elle nourrit le corps ; et si
on ne lui en jette pas, elle n'a pas spontanément le pouvoir propre de le
nourrir. Il n'y a pas d'acte là ou il n'y a pas de spontanéité; et par
conséquent, cette partie ne contribue en rien au bonheur.
§ 10. Après ce qui précède, nous devons expliquer la nature propre de la
vertu, puisque c'est l'acte de la vertu qui est le bonheur. On pourrait
tout d'abord, et d'une manière générale, dire que la vertu est la faculté
et la disposition la meilleure de l'âme. Mais peut-être une définition
aussi concise ne suffirait-elle pas ; et il faut la développer pour la
rendre plus claire.
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