[1,2] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Β'.
§ 1. Ἐπεὶ δ´ ὑπὲρ τούτων διώρισται, πειραθῶμεν λέγειν τἀγαθὸν ποσαχῶς
λέγεται. Ἔστι γὰρ τῶν ἀγαθῶν τὰ μὲν τίμια, τὰ δ´ ἐπαινετά, τὰ δὲ δυνάμεις.
Τὸ δὲ τίμιον λέγω τὸ τοιοῦτον, τὸ θεῖον, τὸ βέλτιον, οἷον ψυχή, νοῦς, τὸ
ἀρχαιότερον, ἡ ἀρχή, τὰ τοιαῦτα· τίμια γὰρ ἐφ´ οἷς ἡ τιμή, τοῖς δὲ
τοιούτοις πᾶσιν τιμὴ ἀκολουθεῖ. Οὐκοῦν καὶ ἡ ἀρετὴ τίμιον, ὅταν γε δὴ ἀπ´
αὐτῆς σπουδαῖός τις γένηται· ἤδη γὰρ οὗτος εἰς τὸ τῆς ἀρετῆς σχῆμα ἥκει.
§ 2. Τὰ δ´ ἐπαινετά, οἷον ἀρεταί· ἀπὸ γὰρ τῶν κατ´ αὐτὰς πράξεων ὁ ἔπαινος
γίνεται. Τὰ δὲ δυνάμεις, οἷον ἀρχὴ πλοῦτος ἰσχὺς κάλλος· τούτοις γὰρ καὶ ὁ
σπουδαῖος εὖ ἂν δύνηται χρήσασθαι καὶ ὁ φαῦλος κακῶς· διὸ δυνάμεις τὰ
τοιαῦτα καλοῦνται ἀγαθά.
§ 3. Ἀγαθὰ μὲν δὴ εἰσίν (δοκιμάζεται γὰρ τῇ τοῦ σπουδαίου αὐτῶν ἕκαστον
χρήσει, οὐ τῇ τοῦ φαύλου)· τοῖς δ´ αὐτοῖς τούτοις συμβέβηκεν ἀγαθοῖς καὶ
τὴν τύχην τῆς γενέσεως αὐτῶν αἰτίαν εἶναι. Ἀπὸ τύχης γὰρ καὶ πλοῦτος
γίνεται καὶ ἀρχὴ καὶ ὅλως ὅσα εἰς δυνάμεως τάξιν ἥκει.
§ 4. Λοιπὸν δὲ καὶ τέταρτον τῶν ἀγαθῶν τὸ σωστικὸν
καὶ ποιητικὸν ἀγαθοῦ, οἷον γυμνάσια ὑγιείας καὶ εἴ
τι ἄλλο τοιοῦτον.
§ 5. Ἀλλ´ ἔτι καὶ ἄλλην ἔχει τἀγαθὰ διαίρεσιν· οἷόν ἐστι τῶν ἀγαθῶν τὰ μὲν
πάντῃ καὶ πάντως αἱρετά, τὰ δ´ οὔ. Οἷον ἡ μὲν δικαιοσύνη καὶ αἱ ἄλλαι
ἀρεταὶ καὶ πάντῃ καὶ πάντως αἱρεταί, ἰσχὺς δὲ καὶ πλοῦτος καὶ δύναμις καὶ
τὰ τοιαῦτα οὔτε πάντῃ οὔτε πάντως.
§ 6. Ἔτι καὶ ἄλλως· τῶν γὰρ ἀγαθῶν τὰ μέν ἐστιν τέλη τὰ δ´ οὐ τέλη, οἷον ἡ
μὲν ὑγίεια τέλος, τὰ δὲ τῆς ὑγιείας ἕνεκεν οὐ τέλη. Καὶ ὅσα οὕτως ἔχει,
τούτων ἀεὶ τὸ τέλος βέλτιον, οἷον ἡ ὑγίεια βέλτιον ἢ τὰ ὑγιεινά, καὶ ἁπλῶς
ἀεὶ καθόλου τοῦτο βέλτιον οὗ ἕνεκεν καὶ τὰ ἄλλα.
§ 7. Πάλιν αὐτῶν τῶν τελῶν βέλτιον ἀεὶ τὸ τέλειον τοῦ ἀτελοῦς. Τέλειον δέ
ἐστιν οὗ παραγενομένου μηθενὸς ἔτι προσδεόμεθα, ἀτελὲς δὲ οὗ παραγενομένου
προσδεόμεθα τινός, οἷον τῆς δικαιοσύνης μὲν {μόνον} παραγενομένης πολλῶν
προσδεόμεθα, τῆς δὲ εὐδαιμονίας παραγενομένης οὐδενὸς ἔτι προσδεόμεθα.
Τοῦτο ἄρα ἐστὶν τὸ ἄριστον ἡμῖν ὃ ζητοῦμεν, ὅ ἐστι τέλος τέλειον· τὸ δὲ δὴ
τέλειον τέλος τἀγαθόν ἐστι καὶ τέλος τῶν ἀγαθῶν.
§ 8. Μετὰ ταῦτα τοίνυν πῶς τὸ ἄριστον δεῖ σκοπεῖν; Πότερον οὕτως ὡς καὶ
αὐτοῦ συναριθμουμένου; Ἀλλ´ ἄτοπον. Τὸ γὰρ ἄριστον ἐπειδή ἐστι τέλος
τέλειον, τὸ δὲ τέλειον τέλος ὡς ἁπλῶς εἰπεῖν οὐθὲν ἂν ἄλλο δόξειεν εἶναι ἢ
εὐδαιμονία, τὴν δ´ εὐδαιμονίαν ἐκ πολλῶν ἀγαθῶν συντίθεμεν· ἐὰν δὴ τὸ
βέλτιστον σκοπῶν καὶ αὐτὸ συναριθμῇς, αὐτὸ αὑτοῦ ἔσται βέλτιον. Αὐτὸ γὰρ
βέλτιστον ἐστίν. Οἷον τὰ ὑγιεινὰ θεὶς καὶ τὴν ὑγίειαν, σκόπει τί τούτων
πάντων βέλτιστον· βέλτιστον δέ ἐστιν ὑγίεια· εἰ δὴ τοῦτο πάντων βέλτιστον,
καὶ αὐτὸ αὑτοῦ βέλτιστον. Ἄτοπον δὴ συμβαίνει.
§ 9. Οὐ δὴ ἴσως οὕτω γε σκεπτέον τὸ βέλτιστον. Ἀλλὰ ἆρά γε οὕτω πως, οἷον
χωρὶς αὐτοῦ; Ἢ καὶ τοῦτο ἄτοπον; Ἡ γὰρ εὐδαιμονία ἐστὶν ἔκ τινων ἀγαθῶν
συγκειμένη· τὸ δ´ ἐξ ὧν ἀγαθῶν σύγκειται, σκοπεῖν εἰ τοῦτ´ ἐστὶν βέλτιον,
ἄτοπον· οὐ γάρ ἐστιν ἄλλο τι χωρὶς τούτων ἡ εὐδαιμονία, ἀλλὰ ταῦτα.
§ 10. Ἀλλ´ ἆρά γε οὑτωσί πως ἄν τις ὀρθῶς σκοποῖτο συγκρίνων τὸ ἄριστον;
Οἷον αὐτὴν τὴν εὐδαιμονίαν τὴν ἐκ τούτων τῶν ἀγαθῶν οὖσαν συγκρίνων πρὸς
ἄλλα ἃ μή ἐστιν ἐν αὐτῇ ἐνόντα, οὕτω τὸ ἄριστον σκοπῶν ὀρθῶς ἂν σκοποῖτο;
§ 11. Ἀλλ´ οὐκ ἔστιν ἁπλοῦν τὸ ἄριστον ὃ ζητοῦμεν νῦν. Οἷον λέγοι ἄν τις
εἶναι ἄριστον τὴν φρόνησιν ἁπάντων τῶν ἀγαθῶν καθ´ ἓν συγκρινομένων. Ἀλλ´
ἴσως οὐχ οὕτως ζητητέον ἐστὶν τὸ ἄριστον ἀγαθόν. Τὸ γὰρ τέλειον ζητοῦμεν
ἀγαθόν, ἡ δὲ φρόνησις μόνη οὖσα οὐ τέλειον· οὐκ ἄρα τοῦτο τὸ ἄριστον ὃ
ζητοῦμεν, οὐδὲ τὸ οὕτως ἄριστον.
| [1,2] CHAPITRE II.
§ 1. Après en avoir fini avec ces préliminaires, essayons de distinguer
les différentes acceptions du mot de bien. Parmi les biens, les uns sont
vraiment estimables et précieux ; les autres ne sont que louables ;
quelques autres enfin ne sont même que des facultés que l'homme peut
employer dans un sens ou dans l'autre. J'entends par estimables et
précieux ce qui, par exemple, est divin, ce qui est meilleur que tout le
reste, comme l'âme, l'entendement. J'entends aussi par là ce qui est plus
ancien, et antérieur, ce qui est le principe, et telles autres choses de
ce genre ; car les biens précieux sont ceux auxquels s'attache un grand
prix, un grand honneur ; et tout ce qu'on vient d'énoncer est d'un grand
prix et d'un grand honneur. C'est ainsi que la vertu est quelque chose de
très précieux, lorsque, grâce à elle, on devient honnête ; car alors
l'homme qui la possède est arrivé à la dignité et à la considération de la
vertu.
§ 2. Il y a d'autres biens qui ne sont que louables ; et telles sont
encore, par exemple, les vertus ; car la louange est provoquée par les
actions qu'elles inspirent. D'autres biens ne sont que de simples
puissances et de simples facultés, comme le pouvoir, la richesse, la
force, la beauté ; car ce sont là des biens dont également l'homme
honnête peut faire un bon usage, et dont le méchant peut se servir fort
mal. Et voilà pourquoi je dis que ce ne sont des biens qu'en puissance.
§ 3. Cependant ce sont des biens aussi, parce que chacun d'eux est estimé
par l'usage qu'en fait l'homme de bien et non par l'usage qu'en fait le
méchant. De plus, les biens de ce genre ne doivent fort souvent leur
origine qu'à un effet du hasard qui les produit. La richesse, le pouvoir,
n'ont pas d'autre cause fréquemment, non plus que tous les biens qu'on
doit mettre au rang de simples puissances.
§ 4. On peut compter encore une dernière et quatrième espèce de biens ; ce
sont ceux qui contribuent à maintenir et à faire le bien ; comme, par
exemple, la gymnastique pour la santé, et telles autres choses analogues.
§ 5. Les biens peuvent être divisés encore d'une autre façon. Ainsi, l'on
peut distinguer des biens qui sont toujours et partout désirables ; et
d'autres biens qui ne le sont pas. La justice et en général toutes les
vertus sont toujours et partout désirables. La force, la richesse, la
puissance et les choses de cet ordre ne sont pas à désirer toujours et à
tout prix.
§ 6. Voici encore une division différente. Parmi les biens, on peut
distinguer ceux qui sont des fins et ceux qui ne le sont pas. Ainsi, la
santé est une fin, un but ; mais ce qu'on fait pour elle n'est pas un but.
Dans tous les cas analogues, la fin est toujours meilleure que les choses
au moyen desquelles on la poursuit; et, par exemple, la santé vaut mieux
que les choses qui la doivent procurer. En un mot, cet objet universel en
vue duquel on fait tout le reste, est toujours fort au-dessus des autres
choses qui ne sont faites que pour lui.
§ 7. Parmi les fins elles-mêmes, la fin qui est complète est toujours
meilleure que la fin incomplète. J'appelle complet ce qui, une fois que
nous l'avons, ne nous laisse plus le besoin de quoi que ce soit ; et
incomplet, ce qui, même étant obtenu par nous, nous laisse encore le
besoin de quelque autre chose. Ainsi, par exemple, avec la justice, nous
avons encore besoin de bien d'autres choses qu'elle ; mais avec le
bonheur,- nous n'avons plus besoin de rien absolument. Le bien suprême que
nous cherchons est donc celui qui est une fin finale et complète ; or,
c'est la fin finale et complète qui est la bonne ; et d'une manière
générale, la fin c'est le bien.
§ 8. Ceci une fois posé, comment faut-il nous y prendre pour étudier et
connaître le bien suprême ? Est-ce par hasard en supposant qu'il doit
faire compte, lui aussi, avec d'autres biens ? Mais ce serait absurde, et
voici comment. Le bien suprême, le bien le meilleur, est une fin finale et
parfaite ; et la fin parfaite de l'homme, pour le dire d'un seul mot, ne
peut pas être autre chose que le bonheur. Mais comme d'autre part nous
composons le bonheur d'une foule de biens réunis, si en étudiant le bien
le meilleur vous le comprenez aussi dans le reste du compte, alors le
meilleur sera meilleur que lui-même puisqu'il est le meilleur de tout. Je
prends un exemple : si, en étudiant les choses qui donnent la santé et la
santé elle-même, on regarde ce qui est dans tout cela le meilleur, et
qu'on trouve que le meilleur évidemment c'est la santé, il en résulte que
la santé qui est la meilleure de toutes ces choses, est aussi la meilleure
en comparaison d'elle-même ; ce qui n'est qu'un non-sens.
§ 9. Peut-être aussi n'est-ce pas par cette méthode qu'il convient
d'étudier la question du bien suprême, du bien le meilleur. Mais faut-il
d'ailleurs l'étudier en l'isolant pour ainsi dire de lui-même ? Et cette
seconde méthode ne serait-elle pas également absurde ? Ainsi, le bonheur
se compose de certains biens ; mais rechercher s'il est encore le meilleur
en dehors des biens dont il se compose, c'est absurde puisque sans ces
biens le bonheur n'est rien séparément, et qu'il n'est que ces biens
mêmes.
§ 10. Mais ne pourrait-on pas trouver la vraie méthode en essayant
d'apprécier le bien le meilleur par comparaison? Je m'explique : ne
pourrait-on pas, par exemple, en comparant le bonheur, composé de tous les
biens que nous savons, aux autres choses qui ne sont pas comprises en lui,
rechercher quel est le bien le meilleur, et par là découvrir la vérité ?
§ 11. Mais ce bien le meilleur que nous recherchons en ce moment n'est pas
simple ; et c'est comme si l'on prétendait que la prudence est le meilleur
de tous les biens, qui lui auraient été comparés un à un. Mais ce n'est
peut-être pas de cette façon qu'il faut étudier le bien le meilleur,
puisque nous cherchons le bien final et complet ; et la prudence prise à
elle toute seule n'est pas complète. Ce n'est donc pas là le bien le
meilleur que nous demandons, pas plus que tout autre bien qui serait
réputé le meilleur au même titre.
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