| [2] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Β'.
Τὸ μὲν οὖν εἶναί τι τὴν εἱμαρμένην καὶ αἰτίαν εἶναι 
τοῦ γίνεσθαί τινα κατ' αὐτὴν ἱκανῶς ἡ τῶν ἀνθρώπων 
συνίστησιν πρόληψις (οὐ γὰρ κενὸν οὐδ' ἄστοχον 
τἀληθοῦς ἡ κοινὴ τῶν ἀνθρώπων φύσις, καθ' ἣν περί 
τινων ὁμοδοξοῦσιν ἀλλήλοις, ὅσοι γε αὐτῶν μὴ διά 
τινας προκαταβεβλημένας δόξας ὑφ' αὑτῶν διὰ τὸ 
σώζειν βούλεσθαι τὴν πρὸς αὐτὰς ἀκολουθίαν ἄλλως 
ἀναγκάζονται λέγειν· δι' ἣν αἰτίαν οὐδὲ Ἀναξαγόρας 
ὁ Κλαζομένιος, καίτοι τἆλλα ὢν ἐν τοῖς τὴν φυσικὴν 
φιλοσοφίαν φιλοσοφήσασιν οὐκ ἀπερριμμένος, οὐκ 
ἀξιόπιστος ἀντιμαρτυρῶν τῇ κοινῇ τῶν ἀνθρώπων 
πίστει περὶ εἱμαρμένης· λέγει γὰρ οὗτός γε μηδὲν τῶν 
γινομένων γίνεσθαι καθ' εἱμαρμένην, ἀλλ' εἶναι 
κενὸν τοῦτο τοὔνομα), τί δέ ποτ' ἐστὶν ἡ εἱμαρμένη 
καὶ ἐν τίσιν, οὐκέθ' {οὐ γὰρ μόνον οὐκ ἀλλήλοις 
ἅπαντες, ἀλλ' οὐδὲ} ἡ τῶν ἀνθρώπων κοινὴ πρόληψις 
ἱκανὴ τοῦτο μηνῦσαι. Οὔτε γὰρ ἀλλήλοις ἅπαντες, 
ἀλλ' οὐδὲ αὐτὸς αὑτῷ τις περὶ αὐτῆς αἰεὶ {αὐτῷ} τὰ 
αὐτὰ δοξάζει. Πρὸς γὰρ τοὺς καιρούς τε καὶ τὰς 
περιεστώσας τύχας καὶ τὴν περὶ τῆς εἱμαρμένης 
δόξαν μεταφέρουσιν. Ὅσοι μὲν γὰρ αὐτῶν πάντα 
καθ' εἱμαρμένην γίνεσθαι λέγουσιν, τὴν εἱμαρμένην 
ὑπολαμβάνουσιν ἀπαράβατόν τινα αἰτίαν εἶναι καὶ 
ἀναπόδραστον, εἰσὶ δ' οἷς οὐ πάντα τὰ γινόμενα 
γίνεσθαι δοκεῖ καθ' εἱμαρμένην, ἀλλ' εἶναί τινας 
ὑπολαμβάνουσιν τῶν γινομένων καὶ ἄλλας αἰτίας· 
ἀλλ' οὐδὲ τὴν εἱμαρμένην αὐτὴν τὸ πάγιόν τε καὶ 
ἀπαράβατον ἔχειν τίθενται, ἀλλὰ γίνεσθαί τινα καὶ 
τῶν καθ' εἱμαρμένην γίνεσθαι πεφυκότων οὐ κατ' 
αὐτήν, ἀλλὰ παρὰ μοῖραν, ὡς οἱ ποιηταί φασιν, καὶ 
παρὰ τὴν εἱμαρμένην. Ἔστι δ' οἷς ποτὲ πάντα 
γίνεσθαι τὰ γινόμενα δοκεῖ καθ' εἱμαρμένην καὶ 
μάλιστ' ἂν αὐτοῖς τὰ τῆς τύχης ἀντιπίπτῃ, 
κατορθοῦντες δὲ ἐν τοῖς προκειμένοις αὑτοὺς αἰτίους 
εἶναι τῶν κατορθωμάτων ὑπολαμβάνουσιν, ὡς οὐκ ἂν 
ἀπαντησάντων τῶν ἀπηντηκότων, εἰ μὴ αὐτοὶ τάδε 
μᾶλλον ἔπραξαν ἀντὶ τῶνδε, ὡς ἔχοντες καὶ τοῦ μὴ 
πράττειν αὐτὰ τὴν ἐξουσίαν. Δι' ἣν διαφωνίαν 
ἀναγκαία τοῖς φιλοσοφοῦσιν ἡ ζήτησις ἡ περὶ τῆς 
εἱμαρμένης, οὐκ εἰ ἔστιν, ἀλλὰ τί ποτ' ἐστὶν καὶ ἐν 
τίσιν τῶν γινομένων τε καὶ ὄντων ἐστὶν ἡ τοιαύτη φύσις. 
 
 | [2]  CHAPITRE II.  
Tout d’abord, qu’il y ait un destin et que ce destin soit 
cause que des événements se produisent d’une manière 
fatale, c’est ce que témoigne assez la croyance innée du 
genre humain. Ce n’est pas en effet un pur néant ni un 
principe d’illusion que la commune nature des hommes, 
qui les porte à s’accorder entre eux sur certaines 
questions, à moins que, pour vouloir sauver de la 
contradiction des idées préconçues, ils ne se croient 
obligés de tenir un autre langage. Aussi Anaxagore de 
Clazomène lui-même, quoique d’ailleurs il ne se trouve 
pas au dernier rang parmi ceux qui se sont appliqués à 
la philosophie naturelle, ne mérite-t-il point créance, 
quand il s’élève contre la foi commune des hommes au 
destin. Car il affirme que rien de ce qui arrive n’arrive 
en vertu du destin, le mot de destin n’étant, à l’en 
croire, qu’un mot vide de sens. Cependant, qu’est-ce 
que le destin, et où faut-il reconnaître son influence, 
voilà ce qui reste obscur. Effectivement, non seulement 
tous les hommes ne s’accordent pas en cela, et il ne 
s’agit plus d’invoquer ici la commune croyance; mais 
un même homme ne professe pas toujours relativement 
au destin la même opinion. Suivant les occasions et les 
circonstances, l’idée que nous concevons du destin 
change incessamment. Les uns tiennent que tout arrive 
en vertu du destin, et ceux-là voient dans le destin une 
cause insurmontable et inévitable. Pour d’autres, tout ce 
qui arrive ne semble pas être le produit du destin, mais 
ils admettent qu’il y a aussi à ce qui arrive d’autres 
causes que le destin. Ceux-là estiment également que le 
destin même n’a rien d’immuable ni d’invincible. Ils 
pensent que parmi les faits qui pourraient se produire en 
vertu du destin, il s’en trouve qui, loin que le destin les 
produise, arrivent contre les arrêts du sort, ainsi que 
s’expriment les poètes, c’est-à-dire contre le destin. Il y 
en a d’autres enfin qui s’imaginent que toutes choses 
s’accomplissent en vertu du destin, alors surtout que la 
fortune ne leur est pas favorable: réussissent-ils dans 
leurs entreprises, ils s’assurent, au contraire, être eux-mêmes 
les causes de ces bons succès, comme si ce qui 
a eu lieu n’eût pas dû advenir, dans le cas où ils 
n’auraient pas fait eux-mêmes ceci plutôt que cela, 
capables qu’ils étaient aussi de ne pas agir comme ils 
ont agi. C’est pourquoi cette dissonance des opinions 
impose aux philosophes la nécessité de s’enquérir de la 
nature du destin, et de rechercher non pas s’il est, mais quel il 
est, et quels sont les événements où s’exerce son influence. 
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