[10] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ι'.
Τὸ δὲ λέγειν μὴ ἀναιρεῖσθαι πάντων γινομένων καθ'
εἱμαρμένην τὸ δυνατόν τε καὶ ἐνδεχόμενον τῷ
δυνατὸν μὲν εἶναι γενέσθαι τοῦτο ὃ ὑπ' οὐδενὸς
κωλύεται γενέσθαι, κἂν μὴ γένηται (τῶν δὲ καθ'
εἱμαρμένην γινομένων οὐ κεκωλῦσθαι τὰ
ἀντικείμενα γενέσθαι· διὸ καίτοι μὴ γινόμενα ὅμως
ἐστὶ δυνατά), καὶ τοῦ μὴ κεκωλῦσθαι γενέσθαι αὐτὰ
ἀπόδειξιν φέρειν τὸ ἡμῖν τὰ κωλύοντα αὐτὰ {ἂν}
ἄγνωστα εἶναι πάντως μέν τινα ὄντα (ἃ γάρ ἐστιν
αἴτια τοῦ γίνεσθαι τὰ ἀντικείμενα αὐτοῖς καθ'
εἱμαρμένην, ταῦτα καὶ τοῦ μὴ γίνεσθαι τούτοις αἴτια,
εἴ γε ὥς φασιν ἀδύνατον τῶν αὐτῶν
περιεστώτων γίνεσθαι τὰ ἀντικείμενα· ἀλλ' ὅτι μὴ
ἡμῖν ἐστι γνώριμά τινα ἅ ἐστι, διὰ τοῦτο ἀκώλυτον
αὐτῶν τὸ {μὴ} γίνεσθαι λέγουσιν), τὸ δὴ ταῦτα λέγειν
πῶς οὐ παιζόντων ἐστὶν ἐν οὐ παιδιᾶς λόγοις
δεομένοις; Τὸ γὰρ ἡμᾶς ἀγνοεῖν, οὐδὲν πρὸς τὸ εἶναι ἢ
μὴ εἶναι τὰ πράγματα· δῆλοι γάρ εἰσιν οἱ λέγοντες
οὕτως ὡς τῇ ἡμετέρᾳ γνωρίσει τὸ δυνατὸν ἔσται κατ'
αὐτούς. Τοῖς γὰρ γνωρίζειν αὐτῶν τὰ αἴτια
δυναμένοις (οὗτοι δ' ἂν εἶεν οἱ μάντεις) οὐκ ἔσται
δυνατὰ ὄντα δυνατοῖς εἰδόσιν μὲν αὐτὰ
κεκωλυκέναι ἀγνοοῦσιν δὲ ὑφ' ἡμῶν κωλύοντες.
Σώζοντες δὲ τὴν τοῦ δυνατοῦ φύσιν οὕτως ὡς
εἰρήκαμεν διὰ τοῦτό φασιν μηδὲ τὰ γιγνόμενα καθ'
εἱμαρμένην καίτοι ἀπαραβάτως γινόμενα ἐξ ἀνάγκης
γίνεσθαι, ὅτι ἐστὶν αὐτοῖς δυνατὸν γενέσθαι καὶ τὸ
ἀντικείμενον, δυνατὸν οὕτως ὡς προείρηται. Ἀλλὰ
ταῦτα μὲν παιζόντων ὥσπερ εἶπόν ἐστιν, ἀλλ' οὐ
παρισταμένων δόγματι. Ὅμοιον δὲ τούτῳ καὶ τὸ
λέγειν, τὸ ἀξίωμα τὸ « ἔσται αὔριον ναυμαχία »
ἀληθὲς μὲν εἶναι δύνασθαι, οὐ μέντοι καὶ ἀναγκαῖον.
Ἀναγκαῖον μὲν γὰρ τὸ ἀεὶ ἀληθές, τοῦτο δὲ οὐκέτ'
ἀληθὲς μένει, ἐπειδὰν ἡ ναυμαχία γένηται. Εἰ δὲ μὴ
τοῦτο ἀναγκαῖον, οὐδὲ τὸ ὑπ' αὐτοῦ σημαινόμενον τὸ
ἐξ ἀνάγκης ἔσεσθαι ναυμαχίαν. Εἰ δὲ ἔσται μὲν οὐκ ἐξ
ἀνάγκης ἀληθές, ἀληθοῦς ὄντος τοῦ ἔσεσθαι
ναυμαχίαν, οὐκ ἐξ ἀνάγκης δέ, ἐνδεχομένως
δηλονότι. Εἰ δὲ ἐνδεχομένως, οὐκ ἀναιρεῖται τὸ
ἐνδεχομένως τινὰ γενέσθαι ὑπὸ τοῦ πάντα γίνεσθαι
καθ' εἱμαρμένην. Πάλιν γὰρ καὶ τοῦτο ὅμοιον τῷ
προειρημένῳ· ὁμοῦ γὰρ παιζόντων ὁμοῦ δὲ
ἀγνοούντων περὶ ὧν λέγουσιν. Οὔτε γὰρ πᾶν τὸ ἐξ
ἀνάγκης γιγνόμενον ἀναγκαῖον, εἴ γε τὸ μὲν
ἀναγκαῖον ἀίδιον, τὸ δὲ ἐξ ἀνάγκης γινόμενον ὑπ'
αὐτοῦ τοῦ γίνεσθαι τοιοῦτον εἶναι κεκώλυται, οὔτε τὸ
ἀξίωμα τὸ τοῦτο λέγον ἀναγκαῖον, εἴ γε μὴ τὸ ὑπ'
αὐτοῦ σημαινόμενον τοιοῦτον. Οὐ γὰρ πᾶν ἀξίωμα,
ἐν ᾧ τὸ ἀναγκαῖον περιέχεται, ἀναγκαῖον ἤδη εἴ γε
μήν· οὐ γὰρ ταύτῃ τὸ ἀναγκαῖον ἀξίωμα κρίνεται,
ἀλλὰ τῷ μὴ μεταπίπτειν δύνασθαι εἰς ψεῦδος ἐξ
ἀληθοῦς. Εἰ τοίνυν μὴ ἀναγκαῖον, οὐδὲν κεκώλυται
ἀληθὲς εἶναι {ὡς} τὸ « ἔσται αὔριον ναυμαχία »· εἰ γὰρ
ὡς ἀναγκαῖον λεγόμενον διὰ τὴν τοῦ ἀναγκαίου
προσθήκην οὐκ ἀληθές, εἰ μὴ λέγοιτο ἀναγκαῖον τῇ
τοῦ ἐξ ἀνάγκης προσθέσει, ἀληθὲς ἂν μένοι ὁμοίως
τῷ χωρὶς τῆσδε τῆς προσθήκης λεγομένῳ. Ἀλλ' εἰ τότ'
ἀληθές, ἀληθὲς ἔσται, ἐνστάσης τῆς αὔριον, ἀξίωμα
τὸ ἐξ ἀνάγκης γεγονέναι ναυμαχίαν. Εἰ δὲ ἐξ
ἀνάγκης, οὐκ ἐνδεχομένως. Καὶ γὰρ εἰ ἀληθές ἐστι τὸ
« αὔριον ἔσται ναυμαχία », ἀεὶ γενέσθαι ναυμαχίαν
καθ' εἱμαρμένην ἔσται, εἴ γε πάντα τὰ γινόμενα καθ'
εἱμαρμένην. Ἀλλ' εἰ καθ' εἱμαρμένην, ἀπαραβάτως, εἰ
δ' ἀπαραβάτως, οὐκ ἐνδέχεται μὴ γενέσθαι, ὃ δὲ
οὐκ ἐνδέχεται μὴ γενέσθαι, τοῦτο ἀδύνατον μὴ
γενέσθαι, ὃ δὲ ἀδύνατον μὴ γενέσθαι, πῶς οἷόν τε
τοῦτο λέγειν ἐνδέχεσθαι καὶ μὴ γενέσθαι; Τὸ γὰρ
ἀδύνατον μὴ γενέσθαι ἀναγκαῖον γενέσθαι. Πάντα
ἄρα τὰ καθ' εἱμαρμένην γινόμενα ἐξ ἀνάγκης ἔσται
κατ' αὐτούς, ἀλλ' οὐχὶ καὶ ἐνδεχομένως, ὡς παίζοντες
λέγουσιν.
| [10] CHAPITRE X.
Mais, dira-t-on, en soutenant que c’est le destin qui
produit toutes choses, on ne nie point le possible et
l’éventuel. En effet, cela peut être que rien n’empêche
d’être, quoiqu’il ne soit pas. Ainsi rien n’empêche que
le contraire soit de ce que produit le destin, puisque,
encore que cela ne soit pas, cela reste possible. Et la
preuve qu’on apporte que rien n’empêche que cela soit,
c’est que la cause qui empêcherait que cela fût nous est
inconnue, quoiqu’il y ait certainement une telle cause.
Car la cause qui aurait produit fatalement le contraire
de ce qui s’est produit est aussi la cause qui fait que
cela ne s’est pas produit; ne se pouvant pas, remarque-t-on,
que dans des circonstances qui sont les mêmes, il se
produise le contraire de ce qui se produit. — Je le
demande: avancer qu’il suit de cela même que nous ne
connaissons pas les causes qui empêcheraient que le
contraire de ce qui est fût, que rien n’empêche que ce
contraire ne soit; parler de la sorte, n’est-ce point
plaisanter en un sujet qui ne prête pas à la plaisanterie?
Notre ignorance, en effet, ne fait rien à l’être ou au non-être
des choses. Néanmoins ceux que nous combattons
semblent croire que le possible dépend de notre
connaissance. Il résulterait de là que pour ceux qui
pensent connaître les causes des possibles (par exemple
pour les devins) il n’y aurait plus de possibles,
puisqu’ils connaissent les causes capables de les
empêcher; et qu’il y aurait des possibles pour nous, qui
ignorons ces causes d’empêchement. C’est en cherchant
à sauver par de tels subterfuges la nature du possible,
que nos adversaires affirment que même les choses qui
arrivent fatalement, c’est-à-dire qui arrivent
inévitablement, n’arrivent point d’une manière
nécessaire, attendu qu’il est possible que leur contraire
arrive aussi; le possible étant défini comme nous
venons de le rapporter. Une fois de plus, c’est là
plaisanter, et non défendre sérieusement une doctrine.
— C’est en prenant un biais tout semblable que nos
adversaires soutiennent que cette énonciation:
« Demain il y aura une naumachie, » peut être vraie et
cependant n’est point nécessaire. Car ce qui est
nécessaire est toujours vrai, tandis que ceci ne l’est pas
encore, et ne le devient qu’après que la naumachie a eu
lieu. Mais si cela n’est pas nécessaire, ajoutent nos
adversaires, on n’énonce pas non plus un fait nécessaire
quand on dit que nécessairement il y aura une
naumachie. Or, si cela n’est pas vrai nécessairement,
étant vrai pourtant qu’il y aura une naumachie; cette
naumachie n’est pas nécessaire, mais éventuelle; et si
elle est éventuelle, ce n’est pas supprimer toute
éventualité que d’avancer que tout arrive fatalement.
Répétons-le, ce discours est le propos d’hommes qui se
jouent, en même temps qu’ils ignorent ce dont ils
parlent. En effet, tout ce qui arrive nécessairement n’est
pas nécessaire, si ce qui est nécessaire est éternel; ce
qui arrive nécessairement ne pouvant être éternel par
cela seul qu’il arrive, non plus que l’énonciation dont
on se sert alors n’est nécessaire, puisque ce qu’elle
exprime ne l’est pas. Aussi bien toute énonciation où
est compris le nécessaire n’est pas nécessaire, car elle
n’a par elle-même d’autre nécessité que de ne pouvoir
tomber du vrai dans le faux. Là donc où il n’y a pas
nécessité, rien n’empêche qu’il y ait vérité, comme
lorsqu’on dit: « Demain il y aura une naumachie. »
Mais si on considère comme nécessaire ce qui ne l’est
pas, en y ajoutant le caractère de la nécessité, cela cesse
d’être vrai. D’autre part, si une chose ne devient pas
nécessaire parce qu’on ajoute qu’elle se fait
nécessairement, cette même chose n’en demeure pas
moins vraie, comme si on n’eût point ajouté cette
supposition de nécessité. C’est pourquoi cette
énonciation que nécessairement il y aura une
naumachie sera vraie, lorsque demain aura eu lieu la
naumachie. Mais si c’est nécessairement, ce n’est pas
éventuellement. Car s’il est vrai que demain il y aura
une naumachie, il sera fatal qu’il y ait une naumachie,
en admettant que toutes choses arrivent d’une manière
fatale. Or, si cela est fatal, cela est inévitable, et si cela
est inévitable, cela ne peut pas ne pas être, et ce qui ne
peut pas ne pas être, il est impossible que cela ne soit
pas; et lorsqu’il est impossible qu’une chose ne soit pas,
comment est-il permis de dire qu’elle peut n’être pas?
Ce qui ne peut pas ne pas être est en effet
nécessairement. Toutes choses donc, à suivre le
sentiment de nos adversaires, toutes choses arrivant
fatalement arriveront nécessairement, et non point
éventuellement aussi, comme ils l’affirment sans aucun sérieux.
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