[2,4] Ἤκουσα δέ ποτε αὐτοῦ καὶ περὶ φίλων διαλεγομένου ἐξ
ὧν ἔμοιγε ἐδόκει μάλιστ´ ἄν τις ὠφελεῖσθαι πρὸς φίλων
κτῆσίν τε καὶ χρείαν. τοῦτο μὲν γὰρ δὴ πολλῶν ἔφη
ἀκούειν, ὡς πάντων κτημάτων κράτιστον ἂν εἴη φίλος σαφὴς
καὶ ἀγαθός· ἐπιμελομένους δὲ παντὸς μᾶλλον ὁρᾶν ἔφη τοὺς
πολλοὺς ἢ φίλων κτήσεως. καὶ γὰρ οἰκίας καὶ ἀγροὺς καὶ
ἀνδράποδα καὶ βοσκήματα καὶ σκεύη κτωμένους τε ἐπιμελῶς
ὁρᾶν ἔφη καὶ τὰ ὄντα σῴζειν πειρωμένους, φίλον δέ, ὃ
μέγιστον ἀγαθὸν εἶναί φασιν, ὁρᾶν ἔφη τοὺς πολλοὺς οὔτε
ὅπως κτήσωνται φροντίζοντας οὔτε ὅπως οἱ ὄντες αὐτοῖς
σῴζωνται. ἀλλὰ καὶ καμνόντων φίλων τε καὶ οἰκετῶν ὁρᾶν
τινας ἔφη τοῖς μὲν οἰκέταις καὶ ἰατροὺς εἰσάγοντας καὶ τἆλλα
τὰ πρὸς ὑγίειαν ἐπιμελῶς παρασκευάζοντας, τῶν δὲ φίλων
ὀλιγωροῦντας, ἀποθανόντων τε ἀμφοτέρων ἐπὶ μὲν τοῖς
οἰκέταις ἀχθομένους τε καὶ ζημίαν ἡγουμένους, ἐπὶ δὲ τοῖς
φίλοις οὐδὲν οἰομένους ἐλαττοῦσθαι, καὶ τῶν μὲν ἄλλων
κτημάτων οὐδὲν ἐῶντας ἀθεράπευτον οὐδ´ ἀνεπίσκεπτον, τῶν
δὲ φίλων ἐπιμελείας δεομένων ἀμελοῦντας. ἔτι δὲ πρὸς
τούτοις ὁρᾶν ἔφη τοὺς πολλοὺς τῶν μὲν ἄλλων κτημάτων,
καὶ πάνυ πολλῶν αὐτοῖς ὄντων, τὸ πλῆθος εἰδότας, τῶν δὲ
φίλων, ὀλίγων ὄντων, οὐ μόνον τὸ πλῆθος ἀγνοοῦντας, ἀλλὰ
καὶ τοῖς πυνθανομένοις τοῦτο καταλέγειν ἐγχειρήσαντας, οὓς
ἐν τοῖς φίλοις ἔθεσαν, πάλιν τούτους ἀνατίθεσθαι· τοσοῦτον
αὐτοὺς τῶν φίλων φροντίζειν. καίτοι πρὸς ποῖον κτῆμα
τῶν ἄλλων παραβαλλόμενος φίλος ἀγαθὸς οὐκ ἂν πολλῷ
κρείττων φανείη; ποῖος γὰρ ἵππος ἢ ποῖον ζεῦγος οὕτω
χρήσιμον ὥσπερ ὁ χρηστὸς φίλος; ποῖον δὲ ἀνδράποδον
οὕτως εὔνουν καὶ παραμόνιμον; ἢ ποῖον ἄλλο κτῆμα οὕτω
πάγχρηστον; ὁ γὰρ ἀγαθὸς φίλος ἑαυτὸν τάττει πρὸς πᾶν
τὸ ἐλλεῖπον τῷ φίλῳ καὶ τῆς τῶν ἰδίων κατασκευῆς καὶ τῶν
κοινῶν πράξεων, καί, ἄν τέ τινα εὖ ποιῆσαι δέῃ, συνεπισχύει,
ἄν τέ τις φόβος ταράττῃ, συμβοηθεῖ, τὰ μὲν συναναλίσκων,
τὰ δὲ συμπράττων, καὶ τὰ μὲν συμπείθων, τὰ δὲ βιαζόμενος,
καὶ εὖ μὲν πράττοντας πλεῖστα εὐφραίνων, σφαλλομένους δὲ
πλεῖστα ἐπανορθῶν. ἃ δὲ αἵ τε χεῖρες ἑκάστῳ ὑπηρετοῦσι
καὶ 〈οἱ〉 ὀφθαλμοὶ προορῶσι καὶ τὰ ὦτα προακούουσι καὶ οἱ
πόδες διανύτουσι, τούτων φίλος εὐεργετῶν οὐδενὸς λείπεται·
πολλάκις ἃ πρὸ αὑτοῦ τις ἢ οὐκ ἐξειργάσατο ἢ οὐκ εἶδεν
ἢ οὐκ ἤκουσεν ἢ οὐ διήνυσε, ταῦτα ὁ φίλος πρὸ τοῦ
φίλου ἐξήρκεσεν. ἀλλ´ ὅμως ἔνιοι δένδρα μὲν πειρῶνται
θεραπεύειν τοῦ καρποῦ ἕνεκεν, τοῦ δὲ παμφορωτάτου κτήματος,
ὃ καλεῖται φίλος, ἀργῶς καὶ ἀνειμένως οἱ πλεῖστοι ἐπιμέλονται.
| [2,4] CHAPITRE IV.
J'ai entendu Socrate dire, en parlant des amis, des choses
dont on pourrait profiter largement pour apprendre à en acquérir
et à en user. Il disait qu'il entendait répéter à beaucoup
de personnes que le plus précieux de tous les biens est
un ami sûr et vertueux, mais qu'il voyait chacun s'occuper
en général de toute autre chose que de l'acquisition des amis.
Il voyait, disait-il, tout le monde mettre ses soins à acquérir
des maisons, des champs, des esclaves, des troupeaux, des
meutes, et s'efforcer de garder ce qu'il a; mais un ami, que
l'on dit être le plus précieux de tous les biens, il ne voyait
personne se soucier de l'acquérir, et, une fois acquis, de le
conserver. Que des amis ou des esclaves soient malades, il
voyait, disait-il, des gens faire venir les médecins auprès des
esclaves et s'empresser de mettre tout le reste en oeuvre pour
leur rendre la santé ; les amis, ils les considéraient comme
rien : amis ou esclaves venant à mourir, ils pleurent les esclaves,
et regardent leur mort comme une perte ; quant aux
amis, ils croient n'avoir rien perdu ; ils ne laissent sans soin
ni surveillance aucune de leurs possessions, mais ils négligent
les amis qui réclament leurs soins. Il ajoutait à cela
qu'il voyait la plupart des hommes connaître fort bien le
nombre de tous les objets qu'ils possèdent, si considérable
qu'il soit; pour leurs amis, si peu nombreux qu'ils paraissent
être, non seulement ils en ignorent le nombre, mais quand
on leur en demande la liste, et qu'ils essayent de la donner,
ceux qu'ils y avaient d'abord inscrits, ils les effacent ensuite :
tant ils s'inquiétent de ces amis!
Et pourtant, à quel bien peut-on comparer un ami sincère,
sans qu'il paraisse préférable? Quel cheval, quel attelage
est aussi utile qu'un bon ami? Quel esclave est aussi dévoué,
aussi fidèle ? Quelle possession peut offrir autant
d'avantages? Un bon ami est toujours prêt à se substituer
à son ami dans tout ce qui lui manque, soit pour la gestion
de ses affaires particulières, soit pour celles de l'État ;
s'il veut rendre un service à quelqu'un, il lui vient en aide;
si quelque crainte le trouble, il arrive à son secours, partageant
ses dépenses et ses démarches, employant de concert
avec lui la persuasion ou la violence, le charmant toujours
dans le bonheur, le relevant sans cesse dans l'adversité.
Les services que les mains rendent à chacun de nous, ce que
font les yeux pour la vue, les oreilles pour l'audition, les
pieds pour la marche, n'est pas au-dessus de ce que fait un
ami dévoué : souvent même ce qu'on n'a pas fait pour soi-même,
ce que l'on n'a ni vu, ni entendu, ni parcouru, un ami
l'exécute pour son ami. il est pourtant quelques hommes qui
s'efforcent de soigner des arbres pour en recueillir les fruits;
mais, lorsqu'il s'agit du plus productif de tous les biens, de ce
qu'on appelle un ami, la plupart se montrent insouciants et
paresseux à en prendre soin.
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