[2,5] Ἤκουσα δέ ποτε καὶ ἄλλον αὐτοῦ λόγον, ὃς ἐδόκει μοι
προτρέπειν τὸν ἀκούοντα ἐξετάζειν ἑαυτὸν ὁπόσου τοῖς φίλοις
ἄξιος εἴη. ἰδὼν γάρ τινα τῶν συνόντων ἀμελοῦντα φίλου
πενίᾳ πιεζομένου, ἤρετο Ἀντισθένη ἐναντίον τοῦ ἀμελοῦντος
αὐτοῦ καὶ ἄλλων πολλῶν· Ἆρ´, ἔφη, ὦ Ἀντίσθενες, εἰσί
τινες ἀξίαι φίλων, ὥσπερ οἰκετῶν; τῶν γὰρ οἰκετῶν ὁ μέν
που δυοῖν μναῖν ἄξιός ἐστιν, ὁ δὲ οὐδ´ ἡμιμναίου, ὁ δὲ
πέντε μνῶν, ὁ δὲ καὶ δέκα· Νικίας δὲ ὁ Νικηράτου λέγεται
ἐπιστάτην εἰς τἀργύρεια πρίασθαι ταλάντου· σκοποῦμαι δὴ
τοῦτο, ἔφη, εἰ ἄρα, ὥσπερ τῶν οἰκετῶν, οὕτω καὶ τῶν φίλων
εἰσὶν ἀξίαι. Ναὶ μὰ Δί´, ἔφη ὁ Ἀντισθένης· ἐγὼ γοῦν
βουλοίμην ἂν τὸν μέν τινα φίλον μοι εἶναι μᾶλλον ἢ δύο
μνᾶς, τὸν δ´ οὐδ´ ἂν ἡμιμναίου προτιμησαίμην, τὸν δὲ καὶ
πρὸ δέκα μνῶν ἑλοίμην ἄν, τὸν δὲ πρὸ πάντων χρημάτων,
καὶ πόνων πριαίμην ἂν φίλον μοι εἶναι. Οὐκοῦν, ἔφη ὁ
Σωκράτης, εἴ γε ταῦτα τοιαῦτά ἐστι, καλῶς ἂν ἔχοι ἐξετάζειν
τινὰ ἑαυτόν, πόσου ἄρα τυγχάνει τοῖς φίλοις ἄξιος ὤν, καὶ
πειρᾶσθαι ὡς πλείστου ἄξιος εἶναι, ἵνα ἧττον αὐτὸν οἱ φίλοι
προδιδῶσιν. ἐγὼ γάρ τοι, ἔφη, πολλάκις ἀκούων τοῦ μὲν
ὅτι προύδωκεν αὐτὸν φίλος ἀνήρ, τοῦ δ´ ὅτι μνᾶν ἀνθ´
ἑαυτοῦ μᾶλλον εἵλετο ἀνήρ, ὃν ᾤετο φίλον εἶναι, τὰ τοιαῦτα
πάντα σκοπῶ, μή, ὥσπερ ὅταν τις οἰκέτην πονηρὸν πωλῇ
καὶ ἀποδίδοται τοῦ εὑρόντος, οὕτω καὶ τὸν πονηρὸν φίλον, ὅταν
ἐξῇ τὸ πλέον τῆς ἀξίας λαβεῖν, ἐπαγωγὸν ᾖ ἀποδίδοσθαι·
τοὺς δὲ χρηστοὺς οὔτε οἰκέτας πάνυ τι πωλουμένους ὁρῶ
οὔτε φίλους προδιδομένους.
| [2,5] CHAPI'T'RE V.
Je l'ai entendu, un autre jour, tenir un langage bien
capable de faire rentrer en lui-même son auditeur, et de
l'amener à considérer quel degré d'estime il méritait auprès
de ses amis. Ayant vu qu'un de ceux qui le fréquentaient
négligeait son ami accablé par la pauvreté, il s'adressa
à Antisthène en présence de cet indigne ami et de beaucoup
d'autres personnes : «Dis-moi, Antisthène, lui demanda-t-il,
y a-t-il un tarif pour les amis, comme pour les esclaves?
Parmi les esclaves, l'un vaut deux mines, l'autre pas
même la moitié d'une ; celui-ci en vaut cinq, celui-là six.
Nicias ; même, fils de Nicératus, paya, dit-on, un talent l'intendant
de ses mines d'argent. J'examine donc si, de même
qu'il y a un tarif pour les esclaves, il y en a un pour les
amis. — Oui, par Jupiter, dit Antisthène ; il est tel homme
que je voudrais mieux avoir pour ami que d'avoir deux mines,
tel autre que je ne préférerais pas à la moitié d'une,
tel dont je donnerais jusqu'à dix mines, tel autre enfin que
je payerais de toute ma fortune et de tous mes revenus.
— Donc, reprit Socrate, s'il en est ainsi, il serait bon que
chacun examinât à quel taux il doit être estimé par ses
amis, et s'efforçât de valoir le plus possible, afin de risquer
moins de s'en voir abandonné. Car, pour ma part, j'entends
souvent dire à l'un que son ami l'a trahi, à l'autre qu'il
s'est vu préférer une mine par l'homme à l'amitié duquel
il croyait. Je me demande donc, en voyant tout cela, si, de
même qu'on vend un mauvais esclave et qu'on le cède au prix
qu'on en trouve, un mauvais ami, dont on trouve plus que la
valeur, ne doit pas être mis en vente et vendu; mais je vois
qu'on ne vend jamais les bons esclaves, et qu'on n'abandonne
jamais les bons amis. »
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