[2,3,15] (15) Τῷ μὲν οὖν πρώτῳ χρόνῳ ὁ Κριτίας τῷ Θηραμένει ὁμογνώμων τε καὶ φίλος
ἦν· ἐπεὶ δὲ αὐτὸς μὲν προπετὴς ἦν ἐπὶ τὸ πολλοὺς ἀποκτείνειν, ἅτε καὶ φυγὼν
ὑπὸ τοῦ δήμου, ὁ δὲ Θηραμένης ἀντέκοπτε, λέγων ὅτι οὐκ εἰκὸς εἴη θανατοῦν, εἴ
τις ἐτιμᾶτο ὑπὸ τοῦ δήμου, τοὺς δὲ καλοὺς κἀγαθοὺς μηδὲν κακὸν εἰργάζετο, «
Ἐπεὶ καὶ ἐγώ, ἔφη, καὶ σὺ πολλὰ δὴ τοῦ ἀρέσκειν ἕνεκα τῇ πόλει καὶ εἴπομεν καὶ
ἐπράξαμεν· »
(16) Ὁ δέ (ἔτι γὰρ οἰκείως ἐχρῆτο τῷ Θηραμένεἰ ἀντέλεγεν ὅτι οὐκ ἐγχωροίη τοῖς
πλεονεκτεῖν βουλομένοις μὴ οὐκ ἐκποδὼν ποιεῖσθαι τοὺς ἱκανωτάτους
διακωλύειν· « Εἰ δέ, ὅτι τριάκοντά ἐσμεν καὶ οὐχ εἷς, ἧττόν τι οἴει ὥσπερ
τυραννίδος ταύτης τῆς ἀρχῆς χρῆναι ἐπιμελεῖσθαι, εὐήθης εἶ. »
(17) Ἐπεὶ δέ, ἀποθνῃσκόντων πολλῶν καὶ ἀδίκως, πολλοὶ δῆλοι ἦσαν
συνιστάμενοί τε καὶ θαυμάζοντες τί ἔσοιτο ἡ πολιτεία, πάλιν ἔλεγεν ὁ Θηραμένης
ὅτι εἰ μή τις κοινωνοὺς ἱκανοὺς λήψοιτο τῶν πραγμάτων, ἀδύνατον ἔσοιτο τὴν
ὀλιγαρχίαν διαμένειν.
(18) Ἐκ τούτου μέντοι Κριτίας καὶ οἱ ἄλλοι τριάκοντα, ἤδη φοβούμενοι καὶ οὐχ
ἥκιστα τὸν Θηραμένην, μὴ συρρυείησαν πρὸς αὐτὸν οἱ πολῖται, καταλέγουσι
τρισχιλίους τοὺς μεθέξοντας δὴ τῶν πραγμάτων·
(19) ὁ δ᾽ αὖ Θηραμένης καὶ πρὸς ταῦτα ἔλεγεν ὅτι ἄτοπον δοκοίη ἑαυτῷ γε εἶναι
τὸ πρῶτον μὲν βουλομένους τοὺς βελτίστους τῶν πολιτῶν κοινωνοὺς
ποιήσασθαι τρισχιλίους, ὥσπερ τὸν ἀριθμὸν τοῦτον ἔχοντά τινα ἀνάγκην καλοὺς
καὶ ἀγαθοὺς εἶναι, καὶ οὔτ᾽ ἔξω τούτων σπουδαίους οὔτ᾽ ἐντὸς τούτων πονηροὺς
οἷόν τε εἴη γενέσθαι· « Ἔπειτα δ᾽, ἔφη, ὁρῶ ἔγωγε δύο ἡμᾶς τὰ ἐναντιώτατα
πράττοντας, βιαίαν τε τὴν ἀρχὴν καὶ ἥττονα τῶν ἀρχομένων
κατασκευαζομένους. »
| [2,3,15] 15. Dans les premiers temps Critias et Théramène étaient d'accord et amis. Mais comme
Critias était enclin à faire périr beaucoup de citoyens, parce qu'il avait été exilé par le peuple,
Théramène s'y opposa, disant qu'il n'était pas raisonnable de mettre à mort un homme, parce
que le peuple l'honorait, si d'ailleurs il ne faisait aucun mal aux honnêtes gens. « Car toi,
comme moi, ajouta-t-il, nous avons dit et fait bien des choses pour plaire au peuple. »
16 Critias, qui était encore en bons termes avec Théramène, lui répondit que c'était une
obligation pour ceux qui voulaient commander de se débarrasser des gens les plus capables
de traverser leur ambition. « Si tu t'imagines, ajouta-t-il, que parce que nous sommes trente et
non pas un, nous n'avons pas à veiller sur notre pouvoir comme si c'était une tyrannie, tu es naïf. »
17. Cependant, plusieurs citoyens ayant été mis à mort injustement, on vit beaucoup de gens
s'attrouper, qui se demandaient ce qu'allait être le gouvernement. Théramène reprit alors la
parole pour dire que, s'ils n'admettaient pas un nombre suffisant de citoyens à partager avec
eux l'administration des affaires, l'oligarchie ne pouvait durer.
18. En conséquence, Critias et les autres tyrans, pris de peur et craignant surtout de voir les
citoyens se grouper autour de Théramène, enrôlèrent trois mille d'entre eux pour gouverner
avec eux.
19. Théramène s'éleva de nouveau contre cette mesure et déclara qu'il lui semblait absurde, si
l'on voulait associer aux affaires les meilleurs citoyens, de se borner à trois mille, comme si ce
nombre était nécessairement celui des honnêtes gens et qu'il ne pût y avoir de gens estimables
en dehors de ce corps ni de coquins dedans. « En outre, continua-t-il, je vous vois faire deux
choses absolument opposées : vous établissez un gouvernement de violence, et il est plus
faible que les gouvernés. »
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