[4,2] Ὁ δὲ Ἁβροκόμης ὡς ἧκε παρὰ τὸν ἄρχοντα τῆς
Αἰγύπτου (ἐπεστάλκεσάν τε οἱ Πηλουσιῶται τὰ γενόμενα
αὐτῷ καὶ τὸν τοῦ Ἀράξου φόνον καὶ ὅτι οἰκέτης ὢν
τοιαῦτα ἐτόλμησε) μαθὼν οὖν ἕκαστα, οὐκέτι οὐδὲ πυθόμενος
τὰ γενόμενα κελεύει τὸν Ἁβροκόμην ἀγαγόντας
προσαρτῆσαι σταυρῷ. Ὁ δὲ ἀπὸ μὲν τῶν κακῶν ἀχανὴς
ἦν, παρεμυθεῖτο δὲ αὐτὸν τῆς τελευτῆς ὅτι ἐδόκει καὶ
Ἀνθίαν τεθνηκέναι. Ἄγουσι δὲ αὐτὸν οἷς τοῦτο προσετέτακτο
παρὰ τὰς ὄχθας τοῦ Νείλου· ἦν δὲ κρημνὸς
ἀπότομος εἰς 〈τὸ〉 ῥεῦμα τοῦ ποταμοῦ βλέπων· καὶ
ἀναστήσαντες τὸν σταυρὸν προσαρτῶσι, σπάρτοις τὰς
χεῖρας σφίγξαντες καὶ τοὺς πόδας· τοῦτο γὰρ τῆς ἀνασταυρώσεως
ἔθος τοῖς ἐκεῖ· καταλιπόντες δὲ ᾤχοντο, ὡς
ἐν ἀσφαλεῖ τοῦ προσηρτημένου μένοντος.
Ὁ δὲ ἀποβλέψας εἰς τὸν ἥλιον καὶ τὸ ῥεῦμα ἰδὼν τοῦ Νείλου
»ὦ θεῶν« φησὶ »φιλανθρωπότατε, ὃς Αἴγυπτον ἔχεις, δι´ ὃν
καὶ γῆ καὶ θάλασσα πᾶσιν ἀνθρώποις πέφηνεν, εἰ μέν τι
Ἁβροκόμης ἀδικεῖ, καὶ ἀπολοίμην οἰκτρῶς καὶ μείζονα
τιμωρίαν εἴ τις ἐστὶ ταύτης ὑπόσχοιμι· εἰ δὲ ὑπὸ
γυναικὸς προδέδομαι πονηρᾶς, μήτε τὸ Νείλου ῥεῦμα
μιανθείη ποτε ἀδίκως ἀπολομένου σώματι, μήτε σὺ τοιοῦτον
ἴδοις θέαμα, ἄνθρωπον οὐδὲν ἀδικήσαντα ἀπολλύμενον ἐπὶ
τῆς σῆς ἐνταῦθα.« Ηὔξατο, καὶ αὐτὸν ὁ θεὸς
οἰκτείρει, καὶ πνεῦμα ἐξαίφνης ἀνέμου γίνεται καὶ ἐμπίπτει
τῷ σταυρῷ καὶ ἀποβάλλει μὲν τοῦ κρημνοῦ τὸ γεῶδες, εἰς
ὃ ἦν ὁ σταυρὸς ἠρεισμένος, ἐμπίπτει δὲ ὁ Ἁβροκόμης τῷ
ῥεύματι καὶ ἐφέρετο οὔτε τοῦ ὕδατος αὐτὸν ἀδικοῦντος
οὔτε τῶν δεσμῶν ἐμποδιζόντων οὔτε τῶν θηρίων παραβλαπτόντων,
ἀλλὰ παραπέμποντος τοῦ ῥεύματος· φερόμενος
δὲ εἰς τὰς ἐμβολὰς ἔρχεται τὰς εἰς τὴν θάλασσαν
τοῦ Νείλου, κἀνταῦθα οἱ παραφυλάσσοντες λαμβάνουσιν
αὐτὸν καὶ ὡς δραπέτην τῆς τιμωρίας ἄγουσι παρὰ τὸν
διοικοῦντα τὴν Αἴγυπτον. Ὁ δὲ ἔτι μᾶλλον ὀργισθεὶς
καὶ πονηρὸν εἶναι νομίσας τελέως κελεύει πυρὰν ποιήσαντας,
ἐπιθέντας καταφλέξαι τὸν Ἁβροκόμην. Καὶ ἦν μὲν ἅπαντα
παρεσκευασμένα, καὶ ἡ πυρὰ παρὰ τὰς ἐκβολὰς τοῦ Νείλου,
καὶ ἐπετίθετο μὲν ὁ Ἁβροκόμης καὶ τὸ πῦρ ὑπετέθειτο,
ἄρτι δὲ τῆς φλογὸς μελλούσης ἅπτεσθαι τοῦ σώματος
εὔχετο πάλιν ὀλίγα, ὅσα ἐδύνατο, σῶσαι αὐτὸν ἐκ τῶν
καθεστώτων κακῶν. Κἀνταῦθα κυματοῦται μὲν ὁ
Νεῖλος, ἐπιπίπτει δὲ τῇ πυρᾷ τὸ ῥεῦμα καὶ κατασβέννυσι
τὴν φλόγα· θαῦμα δὲ τὸ γενόμενον τοῖς παροῦσιν ἦν, καὶ
λαβόντες ἄγουσι τὸν Ἁβροκόμην πρὸς τὸν ἄρχοντα τῆς
Αἰγύπτου καὶ λέγουσι τὰ συμβάντα καὶ τὴν τοῦ Νείλου
βοήθειαν διηγοῦνται. Ἐθαύμασεν ἀκούσας τὰ γενόμενα
καὶ ἐκέλευσεν αὐτὸν τηρεῖσθαι μὲν ἐν τῇ εἱρκτῇ, ἐπιμέλειαν
δὲ ἔχειν πᾶσαν, »ἕως« ἔφη »μάθωμεν ὅστις ὁ
ἄνθρωπός ἐστιν καὶ ὅ τι οὕτως αὐτοῦ μέλει θεοῖς.«
| [4,2] Pendant qu'Hyppotoùs répandait la désolation partout, Abrocome était sur le point de périr. Le peuple de Peluse avait écrit au gouverneur d'Egypte contre lui, et ses informations le noircissaient de l'assassinat d'Araxus.
Sans demander des preuves plus complètes, le gouverneur ordonna qu'Abrocome serait mis en croix. Ce jeune infortuné n'eut pas la force de se défendre. Si quelque chose cependant pouvait adoucir sa peine, c'était l'assurance qu'il croyait avoir de la mort d'Anthia. Privé sans espoir de cette chère épouse, il regardait comme une consolation de mourir.
L'arrêt du gouverneur allait donc s'exécuter. Abrocome était conduit sur les rives du Nil, où l'on choisit un petit écueil qui s'avançait en pointe dans le fleuve ; et là, on éleva une croix, sur laquelle l'innocent Abrocome fut attaché avec de petits cables qui lui serraient les pieds et les mains. Telle est la forme en Egypte de cette sorte de supplice.
Après cette impitoyable cérémonie, chacun reprit le chemin de la ville, très assuré de la mort prochaine de ce patient. Mais lui, fixant ses yeux tantôt vers le soleil, tantôt sur le cours du Nil : O le plus secourable, dit-il, d'entre les dieux que l'Egypte révère ! toi, par qui la terre et la mer se montrent à nos regards ! toi seul enfin, après Jupiter, à qui presque toutes les actions des hommes soient connues, permets qu'un malheureux mortel t'adresse ses faibles vœux ! si j'ai commis quelque crime, laisse-moi mourir, et fais que j'éprouve, s'il en est, un supplice plus grand encore et plus ignominieux. Mais, si le triste Abrocome succombe sous la trahison d'une femme coupable, souffriras-tu, grand dieu, que le cours du Nil soit taché de la mort d'un homme injustement accuse? et toi-même, voudrais-tu de tes divins rayons, éclairer le supplice d'un innocent dans un pays qui t'est consacré ?
Il dit; et le dieu qu'il avait invoqué vint à son secours. Un vent furieux se fait sentir dans les airs ; tout en recevant des secousses épouvantables : son souffle impetueux ébranle la croix, et l'entraîne avec le terrein sur lequel elle était plantée. Abrocome tombe dans le fleuve sans être blessé de sa chute : il est porté par le courant sur des vagues qui ne lui causent aucun dommage. Les animaux le respectent, et ses liens même semblent s'être relâchés, pour lui donner quelque soulagement. Peu-à-peu le Nil l'emporte jusques dans les fossés par où ses eaux se déchargent à la mer. Ici des gardes postés sur le rivage, l'arrêtérent ; et, l'ayant détaché de la croix, ils le ramenèrent devant le gouverneur, comme un scélérat qui s'échappe du supplice.
Le second jugement de ce gouverneur ne fut pas plus équitable que le premier : au contraire, indigné davantage contre Abrocome, qu'il jugeait très criminel, il commande qu'on élève une pile de bois, pour qu'il y soit brûlé. Les ministres de l'injustice de ce gouverneur vont aussitôt arranger le bûcher auprès de l'une des bouches du Nil. On met Abrocome dessus. Cet infortuné sent déjà la flamme se déveloper sous ses pieds, et toute prête à dévorer son corps. Elle allait en effet y porter ses premières atteintes, lorsqu'il adresse une courte prière au dieu du Nil, et le conjure d'avoir pitié de lui dans un aussi pressant malheur.
A l'instant le fleuve grossit ses eaux ; elles s'enflent subitement, et les flots qui montent sur le rivage, y montent avec avec tant de violence, que la vague brisée rejaillit en partie sur le bûcher, et la flamme est éteinte.
Ceux qui étaient présents au supplice d'Abrocome ne purent voir ce prodige sans en être étonnés ; ils le prirent pour un vrai miracle ; et le bel Abrocome fut présenté, pour la troisième fois, devant le gouverneur d'Egypte, à qui l'on raconta cet événement, et de quelle manière le Nil avait paru favoriser ce jeune étranger ; le gouverneur en marqua beaucoup de surprise, et fit prendre soin d'Abrocome jusqu'à ce qu'on fût informé de son pays et de sa naissance, qu'on sût enfin, quel était cet homme que les dieux protégeaient ainsi. Laissons-le dans sa prison.
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