[3,6] Καὶ ἤδη μὲν νὺξ ἦν, παρεσκευάζετο δὲ ὁ θάλαμος,
καὶ ἧκον οἱ ἐπὶ τούτῳ τεταγμένοι τὴν Ἀνθίαν ἐξαίροντες·
ἡ δὲ ἄκουσα μὲν καὶ δεδακρυμένη ἐξῄει, ἐν τῇ
χειρὶ κρύπτουσα τὸ φάρμακον· καὶ ὡς πλησίον τοῦ θαλάμου
γίνεται, οἱ οἰκεῖοι ἀνευφήμησαν τὸν ὑμέναιον· ἡ
δὲ ἀνωδύρετο καὶ ἐδάκρυεν »οὕτως ἐγὼ« λέγουσα »πρότερον
ἠγόμην Ἁβροκόμῃ νυμφίῳ, καὶ παρέπεμπεν ἡμᾶς
πῦρ ἐρωτικόν, καὶ ὑμέναιος ᾔδετο ἐπὶ γάμοις εὐδαίμοσι.
Νυνὶ δὲ τί ποιήσεις, Ἀνθία; ἀδικήσεις Ἁβροκόμην
τὸν ἄνδρα, τὸν ἐρώμενον, τὸν διὰ σὲ τεθνηκότα; Οὐχ
οὕτως ἄνανδρος ἐγὼ οὐδὲ ἐν τοῖς κακοῖς δειλή. Δεδόχθω
ταῦτα, πίνωμεν τὸ φάρμακον· Ἁβροκόμην μόνον εἶναί
μοι δεῖ ἄνδρα· ἐκεῖνον καὶ τεθνηκότα βούλομαι.«
Ταῦτα ἔλεγε καὶ ἤγετο εἰς τὸν θάλαμον.
Καὶ δὴ μόνη μὲν ἐγεγόνει, ἔτι δὲ Περίλαος μετὰ τῶν
φίλων εὐωχεῖτο· σκηψαμένη δὲ τῇ ἀγωνίᾳ ὑπὸ δίψους
κατειλῆφθαι ἐκέλευσεν αὑτῇ τινι τῶν οἰκετῶν ὕδωρ ἐνεγκεῖν,
ὡς δὴ πιομένη· καὶ δὴ κομισθέντος ἐκπώματος,
λαβοῦσα οὐδενὸς ἔνδον αὐτῇ παρόντος ἐμβάλλει τὸ φάρμακον
καὶ δακρύσασα »ὦ φιλτάτου« φησὶν »Ἁβροκόμου ψυχή,
ἰδού σοι τὰς ὑποσχέσεις ἀποδίδωμι καὶ ὁδὸν
ἔρχομαι τὴν παρὰ σέ, δυστυχῆ μὲν ἀλλ´ ἀναγκαίαν· καὶ
δέχου με ἄσμενος καί μοι πάρεχε τὴν ἐκεῖ μετὰ σοῦ δίαιταν εὐδαίμονα«.
Εἰποῦσα ἔπιε τὸ φάρμακον, καὶ εὐθὺς ὕπνος τε αὐτὴν
κατεῖχε καὶ ἔπιπτεν εἰς γῆν, καὶ ἐποίει τὸ φάρμακον ὅσα
ἐδύνατο.
| [3,6] Anthia, pendant l'absence d'Eudoxe, continue ses plaintes; elle a quelque regret de finir si jeune une carrière à peine commencée ; tous ses discours sont entremêlés du nom d'Abrocome; elle l'appelle et lui parle comme s'il était présent ; c'est dans de pareilles agitations qu'elle attend son libérateur ; ses vœux sont satisfaits ; il arrive enfin, portant avec lui ce qu'il avait promis.
La jeune Ephésienne s'en empare avec joie, et congédie le médecin après les témoignages d'une reconnoissance peu commune. Eudoxe disparoît aussitôt, et les rivages de Cilicie le voient déjà bien loin ; cependant elle cherchait le moment favorable pour avaler ce poison.
Déjà la nuit était venue ; déjà l'on préparait la chambre des nouveaux époux ; ceux qui étaient préposés pour cet office vinrent chercher Anthia. Absorbée de son état, elle se laisse entraîner toute mourante, et cachant dans sa main le dernier remède qu'elle préparait à ses maux ; comme elle avançait vers le lit nuptial, et que chacun appelait l'hymenée par les chants accoutumés, son esprit se livrait aux idées les plus tristes. Quelle différence, disait-elle en elle-même ; je fus autrefois menée au bel Abrocome mon époux, et c'était le flambeau du tendre Amour qui m'éclairait sur mon passage ; l'hymenée descendit sur le lit de deux amants qui goûtaient un bonheur mutuel ; quelle différence, dieux immortels ! ... Cependant, poursuivait-elle, Anthia, que vas-tu faire ? outrageras-tu de la sorte Abrocome, ce cher époux, ce fidèle amant dont ton cœur était si charmé, et qui, plutôt que de te trahir, a préféré la mort ? Non,il ne sera pas dit que j'aie cette faiblesse, et que je m'abandonne ainsi dans l'adversité ! Abrocome seul doit être mon époux, et, tout mort qu'il est, son ombre même m'est plus chère que tous les mortels ensemble.
Etant arrivée auprès du lit, et s'y trouvant presque seule pendant qu'on était allé chercher Périlas dans l'endroit où se passait le festin, Anthia feignit d'être altérée et demanda de l'eau ; un esclave accourut à l'instant pour lui en donner; elle prit la coupe et glissa dedans le poison avec subtilité; proférant ensuite ces mots tout bas : O chère âme, dit-elle, de mon cher Abrocome, que la mienne adorait uniquement, me voilà prête à te tenir parole ! je m'achemine enfin vers la seule route qui mene à toi; triste résolution à la vérité, mais indispensable ! reçois ton épouse avec la même ardeur que tu lui jurais autrefois ; invite-la toi-même à t'aller rejoindre. A peine a -t- elle achevé ces mots, qu'elle avale le breuvage. Le plus prompt sommeil ferme ses paupières, et dans le même instant elle tombe sans mouvement et sans connoissance.
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