[3,2] »Ἐγὼ« ἔφη »εἰμὶ τὸ γένος πόλεως Περίνθου
(πλησίον δὲ τῆς Θρᾴκης ἡ πόλις) τῶν τὰ πρῶτα ἐκεῖ
δυναμένων· ἀκούεις δὲ καὶ τὴν Πέρινθον ὡς ἔνδοξος, καὶ
τοὺς ἄνδρας ὡς εὐδαίμονες ἐνταῦθα. Ἐκεῖ νέος ὢν
ἠράσθην μειρακίου καλοῦ· ἦν δὲ τὸ μειράκιον τῶν ἐπιχωρίων·
ὄνομα Ὑπεράνθης ἦν αὐτῷ. Ἠράσθην δὲ τὰ πρῶτα
ἐν γυμνασίοις διαπαλαίοντα ἰδὼν καὶ οὐκ ἐκαρτέρησα.
Ἑορτῆς ἀγομένης ἐπιχωρίου καὶ παννυχίδος ἐπ´ αὐτῆς
πρόσειμι τῷ Ὑπεράνθῃ καὶ ἱκετεύω κατοικτεῖραι· ἀκοῦσαν
δὲ τὸ μειράκιον πάντα ὑπισχνεῖται κατελεῆσάν με.
Καὶ τὰ πρῶτά γε τοῦ ἔρωτος ὁδοιπορεῖ φιλήματα καὶ
ψαύσματα καὶ πολλὰ παρ´ ἐμοῦ δάκρυα· τέλος δὲ ἠδυνήθημεν
καιροῦ λαβόμενοι γενέσθαι μετ´ ἀλλήλων μόνοι καὶ τὸ
τῆς ἡλικίας {ἀλλήλοις} ἀνύποπτον ἦν. Καὶ χρόνῳ συνῆμεν
πολλῷ, στέργοντες ἀλλήλους διαφερόντως, ἕως δαίμων τις
ἡμῖν ἐνεμέσησε. Καὶ ἔρχεταί τις ἀπὸ Βυζαντίου
(πλησίον δὲ τὸ Βυζάντιον τῇ Περίνθῳ) ἀνὴρ τῶν τὰ
πρῶτα ἐκεῖ δυναμένων, {ὃς} ἐπὶ πλούτῳ καὶ περιουσίᾳ
μέγα φρονῶν· Ἀριστόμαχος ἐκαλεῖτο. Οὗτος ἐπιβὰς
εὐθὺς τῇ Περίνθῳ, ὡς ὑπό τινος ἀπεσταλμένος κατ´ ἐμοῦ
θεοῦ, ὁρᾷ τὸν Ὑπεράνθην σὺν ἐμοὶ καὶ εὐθέως ἁλίσκεται,
τοῦ μειρακίου θαυμάσας τὸ κάλλος, πάντα ὁντινοῦν
ἐπάγεσθαι δυνάμενον. Ἐρασθεὶς δὲ οὐκέτι μετρίως
κατεῖχε τὸν ἔρωτα, ἀλλὰ τὰ μὲν πρῶτα τῷ μειρακίῳ προσέπεμπεν·
ὡς δὲ ἀνήνυτον ἦν αὐτῷ (ὁ γὰρ Ὑπεράνθης διὰ
τὴν πρὸς ἐμὲ εὔνοιαν οὐδένα προσίετο), πείθει τὸν πατέρα
αὐτοῦ, πονηρὸν ἄνδρα καὶ ἐλάττονα χρημάτων· ὁ δὲ
αὐτῷ δίδωσι τὸν Ὑπεράνθην προφάσει διδασκαλίας· ἔλεγε
γὰρ εἶναι λόγων τεχνίτης. Παραλαβὼν δὲ αὐτὸν τὰ μὲν
πρῶτα κατάκλειστον εἶχε, μετὰ τοῦτο δὲ ἀπῆρεν ἐς Βυζάντιον.
Εἱπόμην κἀγώ, πάντων καταφρονήσας τῶν
ἐμαυτοῦ, καὶ ὅσα ἐδυνάμην συνήμην τῷ μειρακίῳ· ἐδυνάμην
δὲ ὀλίγα, καί μοι φίλημα σπάνιον ἐγίνετο καὶ λαλιὰ
δυσχερής· ἐφρουρούμην δὲ ὑπὸ πολλῶν. Τελευταῖον
οὐκέτι καρτερῶν, ἐμαυτὸν παροξύνας ἐπάνειμι εἰς Πέρινθον
καὶ πάντα ὅσα ἦν μοι κτήματα ἀποδόμενος, συλλέξας
ἄργυρον εἰς Βυζάντιον ἔρχομαι καὶ λαβὼν ξιφίδιον
(συνδοκοῦν τοῦτο καὶ τῷ Ὑπεράνθῃ) εἴσειμι νύκτωρ εἰς
τὴν οἰκίαν τοῦ Ἀριστομάχου καὶ εὑρίσκω συγκατακείμενον
τῷ παιδὶ καὶ ὀργῆς πλησθεὶς παίω τὸν Ἀριστόμαχον
καιρίαν. Ἡσυχίας δὲ οὔσης καὶ πάντων ἀναπαυομένων
ἔξειμι ὡς εἶχον λαθών, ἐπαγόμενος καὶ τὸν Ὑπεράνθην,
καὶ δι´ ὅλης νυκτὸς ὁδεύσας εἰς Πέρινθον, εὐθὺς
νεὼς ἐπιβὰς οὐδενὸς εἰδότος ἔπλεον εἰς Ἀσίαν. Καὶ
μέχρι μέν τινος διήνυστο εὐτυχῶς ὁ πλοῦς· τελευταῖον δὲ
κατὰ Λέσβον ἡμῖν γενομένοις ἐμπίπτει πνεῦμα σφοδρὸν
καὶ ἀνατρέπει τὴν ναῦν. Κἀγὼ μὲν τῷ Ὑπεράνθῃ συνενηχόμην
ὑπιὼν αὐτῷ καὶ κουφοτέραν τὴν νῆξιν ἐποιούμην·
νυκτὸς δὲ γενομένης οὐκέτι ἐνεγκὸν τὸ μειράκιον παρείθη
τῷ κολύμβῳ καὶ ἀποθνῄσκει. Ἐγὼ δὲ τοσοῦτον
ἠδυνήθην τὸ σῶμα διασῶσαι ἐπὶ τὴν γῆν καὶ θάψαι· καὶ
πολλὰ δακρύσας καὶ στενάξας, ἀφελὼν λείψανα καὶ δυνηθεὶς
εὐπορῆσαί που ἑνὸς ἐπιτηδείου λίθου στήλην ἐπέστησα
τῷ τάφῳ καὶ ἐπέγραψα εἰς μνήμην τοῦ δυστυχοῦς
μειρακίου ἐπίγραμμα παρ´ αὐτὸν ἐκεῖνον τὸν καιρὸν πλασάμενος
Ἱππόθοος κλεινῷ τεῦξεν τόδε σῆμ´ Ὑπεράνθῃ,
οὐ τάφον ἐκ θανάτου ἀγαθὸν ἱεροῖο πολίτου
ἐς βάθος ἐκ γαίης, ἄνθος κλυτόν, ὅν ποτε δαίμων
ἥρπασεν ἐν πελάγει μεγάλου πνεύσαντος ἀήτου.
Τοὐντεῦθεν δὲ εἰς μὲν Πέρινθον ἐλθεῖν οὐ διέγνων,
ἐτράπην δὲ δι´ Ἀσίας ἐπὶ Φρυγίαν τὴν μεγάλην καὶ
Παμφυλίαν· κἀνταῦθα ἀπορίᾳ βίου καὶ ἀθυμίᾳ τῆς συμφορᾶς
ἐπέδωκα ἐμαυτὸν λῃστηρίῳ. Καὶ τὰ μὲν πρῶτα ὑπηρέτης
λῃστηρίου γενόμενος, τὸ τελευταῖον {δὲ} περὶ Κιλικίαν
αὐτὸς συνεστησάμην λῃστήριον, εὐδοκιμῆσαν ἐπὶ
πολύ, ἕως ἐλήφθησαν οἱ σὺν ἐμοὶ οὐ πρὸ πολλοῦ τοῦ σε
ἰδεῖν. Αὕτη μὲν ἡ τῶν ἐμῶν διηγημάτων τύχη· σὺ δέ,
ὦ φίλτατε, εἰπέ μοι τὰ ἑαυτοῦ· δῆλος γὰρ εἶ μεγάλῃ τινὶ
ἀνάγκῃ τῇ κατὰ τὴν πλάνην χρώμενος«.
| [3,2] J'ai reçu le jour à Perinte, mes parents étaient des plus considérables de cette ville, qui n'est pas éloignée de la Thrace : tu sais sans doute que Perinte est fameuse entre toutes les villes d'Asie, et combien ses habitants possèdent de richesses : envoyé dès ma jeunesse aux écoles publiques, j'y pris un attachement insurmontable pour un jeune garçon qui faisait ses exercices en même temps que moi. Hyperante ne paraissait pas répondre à mon amitié ; j'avais beau la faire éclater à ses yeux, et par la douceur de mes regards, et par des attentions et par des louanges, il semblait ignorer que je l'aimais; cependant, comme nous étions à célébrer la veille d'une fête qu'il devait y avoir à Perinte, je m'approchai du bel Hyperante, et le priai d'avoir pitié de ma langueur d'une manière si touchante, qu'il en fut attendri ; il me permit de l'embrasser, et, de joie, j'arrosai son visage de mes larmes. Ce fut là le commencement de mon bonheur ; nous eûmes par la suite occasion de nous trouver seuls, parce que la conformité d'âge écartait tout soupçon : débarrassés alors des importuns, nous goûtions la plus charmante félicité dans les caresses réciproques d'une innnocente amitié; c'était à qui s'en donnerait des gages plus certains et plus souvent réitérés. Hélas! il ne manquait à nos plaisirs, pour être parfaits, que d'être durables; mais la fortune ne les vit point sans jalousie, et se plut à nous traverser.
Il arriva de Bysance (Perinte n'en est pas loin) un homme opulent et des plus renommés, lequel, enorgueilli de ses richesses, se faisait appeler Aristomachus. Assurément quelque dieu courroucé l'envoya tout exprès pour me nuire. J'étais avec Hyperante. Cet Aristomachus l'aperçut, et, du premier coup-d'œil, en fut épris. Telle était l'impression que faisait sa beauté; nul mortel, en le voyant, ne pouvait se garantir de l'aimer.
Aristomachus commença par garder quelques mesures : il se contentait d'envoyer des gens adroits auprès d'Hyperante pour le disposer en sa faveur ; mais Hyperante m'était trop attaché pour me préférer qui que ce soit. Aristomachus impatienté de ses refus, aima mieux s'adresser à son père. Ce père. était un homme sans mœurs, esclave de l'intérêt ; il lui vendit Hyperante, et fit accroire à ce malheureux fils, en le livrant, que c'était pour étudier sous Aristomachus, qui se vantait de professer la rhétorique.
Hyperante ne fut pas si-tôt au pouvoir de ce tyran, qu'Aristomachus l'enferma dans un endroit dont lui seul avait la clef, et peu de jours ensuite il s'embarqua pour l'emmener à Bysance.
Toutes les considérations du monde n'auraient pu me séparer de lui; aussi le suivis-je à Bysance, où je cherchais avec empressement les occasions de le voir ; mais que ces occasions étaient rares! je n'en trouvois presque jamais pour l'embrasser ; à peine même pouvais-je m'entretenir avec lui ; il était toujours gardé à vue par une infinité d'esclaves. Cette contrainte et l'injustice du père d'Hyperante me mirent enfin au désespoir. Je pris une dernière résolution, et m'en retournai tout seul à Perinte. Là, je vendis tout ce qui m'appartenait, et je repris aussitôt le chemin de Bysance. Arrivé dans cette ville, je ne laisse point échapper le premier moment favorable pour faire part à Hyperante de mon dessein. Il l'applaudit ; il s'offre même de me servir et de partager le péril. Que n'est-on pas capable d'entreprendre avec les secours de quelqu'un qu'on aime! Hyperante m'avait donné le moyen d'entrer dans la maison d'Aristomachus : je veux sur le soir m'introduire dans sa chambre ; mais que vois-je ! le traître Aristomachus entraînait de force mon cher Hyperante dans le lit. A cet aspect, la fureur m'emporte ; je vole comme un éclair sur cet infâme, et je le perce de mille coups de poignard. Aristomachus tombe noyé dans son sang ; il rend le dernier soupir, les yeux attachés sur le bel Hyperante. Mais, sans perdre de temps, nous profitons du silence de la nuit; chacun reposait : nous nous sauvons à travers les ténèbres, et nous arrivons le lendemain à Perinte. Notre projet n'était pas de nous y montrer : en effet, trouvant un vaisseau tout prêt, nous nous embarquâmes pour yoyager en Asie. Notre navigation fut assez douce jusqu'à la vue de Lesbos ; mais, un orage des plus violents s'étant élevé tout-à-coup, l'adresse des matelots devint inutile ; notre navire se renversa sur les vagues. Le premier mouvement de crainte qui me saisit eut pour objet mon cher Hyperante. Je fis des efforts incroyables pour le sauver ; je nageois d'abord sous lui, et le soulevois de mon mieux, afin qu'il eût moins de peine ; mais vers la nuit Hyperante ne put se soutenir contre l'impétuosité des flots, et je le sentis expirer, sans qu'il me fût possible de lui prêter du secours. J'employai tout ce qui me restait de forces pour conduire son corps jusqu'au rivage, et lui rendre les derniers devoirs. Triste et malheureuse consolation pour un si grand malheur. Je l'ensevelis donc, pour tout parfum l'arrosant de mes pleurs, et faisant retentir les rochers de mes gémissements : après quoi le hasard m'ayant offert une espèce de colonne, je la plantai sur son sépulcre, et je me servis d'une petite pierre aiguë avec laquelle je traçai l'épitaphe suivante en mémoire de cet infortuné :
"Hippotoiïs d'une main impuissante, Dressa ce monument à son cher Hyperante, Qu'on ne s'étonne point de sa simplicité ; II renferme en son sein une fleur des plus belles, Que le sort a ravi sur des vagues cruelles Par le soufle mortel d'un vent trop irrité". Après cette disgrâce, je ne fus pas tenté de retournera Perinte; j'allai parcourir la grande Phrygie; je descendis ensuite vers la Pamphilie, et là manquant de choses les plus nécessaires à la vie, courroucé contre les dieux de m'avoir enlevé mon cher Hyperante, ennemi déclaré des hommes d'y avoir aussi contribué en partie, je me mis à venger sur eux la perte qui faisait mon supplice. Associé d'abord dans une compagnie assez fameuse, dont le chef vint à manquer, je fus élu tout d'une voix à sa place. Ma conduite répondit à l'idée qu'on avait eue de moi; toute la Cilicie se ressentit de mes ravages jusqu'au moment où mes compagnons furent tous pris ou massacrés par un accident imprévu. Je suis le seul qui ai pu en échapper quelques jours avant de te rencontrer.
Tu viens d'entendre mes aventures, ajouta Hypotoùs : mais toi, cher ami, dis-moi de quelle espèce sont les tiennes ; je te vois abattu ; il semble même que tu aies éprouvé de grandes misères pendant ton voyage.
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