[2,5] Καὶ οἱ μὲν ἐν τούτοις ἦσαν· ἡ δὲ Μαντὼ χρονιζούσης
τῆς Ῥόδης οὐκέτι καρτεροῦσα γράφει γραμμάτιον
πρὸς τὸν Ἁβροκόμην· ἦν δὲ τὰ ἐγγεγραμμένα τοιάδε·
«Ἁβροκόμηι τῶι καλῶι δέσποινα ἡ σὴ χαίρειν.
»Μαντὼ ἐρᾷ σου, μηκέτι φέρειν δυναμένη· ἀπρεπὲς
«μὲν ἴσως παρθένῳ, ἀναγκαῖον δὲ φιλούσῃ· δέομαι, μή με
»παρίδῃς μηδὲ ὑβρίσῃς τὴν τὰ σὰ ᾑρημένην. Ἐὰν
«γὰρ πεισθῇς, πατέρα τὸν ἐμὸν Ἄψυρτον ἐγὼ πείσω σοί
»με συνοικίσαι, καὶ τὴν νῦν σοι γυναῖκα ἀποσκευασόμεθα,
«πλουτήσεις δὲ καὶ μακάριος ἔσῃ· ἐὰν δὲ ἀντείπῃς, ἐννόει
»μὲν οἷα πείσῃ τῆς ὑβρισμένης ἑαυτὴν ἐκδικούσης, οἷα δὲ
«οἱ μετὰ σοῦ {κοινωνοὶ} τῆς σῆς ὑπερηφανίας σύμβουλοι
»γενόμενοι.« Τοῦτο τὸ γράμμα λαβοῦσα καὶ κατασημηναμένη
δίδωσι θεραπαίνῃ τινὶ ἑαυτῆς βαρβάρῳ, εἰποῦσα Ἁβροκόμῃ
κομίζειν· ὁ δὲ ἔλαβε καὶ ἀνέγνω καὶ πᾶσι μὲν ἤχθετο τοῖς
ἐγγεγραμμένοις, μάλιστα δὲ αὐτὸν ἐλύπει τὰ περὶ τῆς
Ἀνθίας. Κἀκείνην μὲν τὴν πινακίδα κατέχει, ἄλλην δὲ γράφει
καὶ δίδωσι τῇ θεραπαίνῃ· ἦν δὲ τὰ γεγραμμένα τοιάδε·
»Δέσποινα, ὅ τι βούλει ποίει, καὶ χρῶ σώματι ὡς
οἰκέτου· καὶ εἴτε ἀποκτείνειν θέλεις, ἕτοιμος, εἴτε βασανίζειν,
ὅπως ἐθέλεις βασάνιζε· εἰς εὐνὴν δὲ τὴν σὴν
οὐκ ἂν ἔλθοιμι, οὔτε ἂν τοιαῦτα πεισθείην κελευούσῃ.»
Λαβοῦσα ταῦτα τὰ γράμματα ἡ Μαντὼ ἐν ὀργῇ
ἀκατασχέτῳ γίνεται καὶ ἀναμίξασα πάντα, φθόνον {καὶ},
ζηλοτυπίαν, λύπην, φόβον, ἐνενόει ὅπως τιμωρήσαιτο τὸν
ὑπερηφανοῦντα.Καὶ δὴ καὶ ἐν τούτῳ ἔρχεται μὲν ἀπὸ Συρίας
Ἄψυρτος, ἄγων τινὰ τῇ θυγατρὶ νύμφιον ἐκεῖθεν, Μοῖριν ὄνομα·
ὡς δὲ ἀφίκετο, εὐθὺς ἡ Μαντὼ τὴν κατὰ Ἁβροκόμου
τέχνην συνετάττετο, καὶ σπαράξασα τὰς κόμας καὶ περιρρηξαμένη
τὴν ἐσθῆτα, ὑπαντήσασα τῷ πατρὶ καὶ προσπεσοῦσα
πρὸς τὰ γόνατα «οἴκτειρον» ἔφη, «πάτερ, θυγατέρα
τὴν σὴν ὑβρισμένην ὑπ´ οἰκέτου· ὁ γὰρ σώφρων Ἁβροκόμης
ἐπείρασε μὲν παρθενίαν τὴν ἐμὴν ἀφανίσαι, ἐπεβούλευσε
δὲ καὶ σοί, λέγων ἐρᾶν μου. Σὺ οὖν ὑπὲρ τηλικούτων
τετολμημένων εἴσπραξαι παρ´ αὐτοῦ τιμωρίαν τὴν
ἀξίαν, ἢ εἰ δίδως ἔκδοτον θυγατέρα τὴν σὴν τοῖς οἰκέταις,
ἐμαυτὴν φθάσασα ἀποκτενῶ.»
| [2,5] Cependant la fille d'Apsirte, impatiente du retardement de Rode, n'écoute plus que la fougue de ses sentiments, et trace ces mots par écrit : "Manto au bel Abrocome ; Salut. Ta maîtresse a de l'amitié pour toi, et ne peut plus vivre sans te l'apprendre ; la démarche qu'elle fait en est une assez grande preuve : mais plains une fille tendre que l'amour y contraint. Voudrais-tu m'abandonner ? Songe que tu ferais un outrage sensible à qui s'intéresse pour toi ; songe que si tu te soumets à ce que mon cœur souhaite, j'obtiendrai de mon père qu'il nous unisse par l'hymenée. Quant à ta femme, nous nous en
débarasserons aisément ; tu deviendras riche et magnifique, tu seras heureux : mais au contraire, si tu m'offenses par tes refus, il n'est point de peine à laquelle tu ne doives t'attendre ; et ma vengeance ne se bornera pas à punir ton audace, elle pourrait être fatale aussi à ceux qui te conseillent de résister à mon amour".
Ce billet achevé, Manto le cachète, et le donne à l'une de ses femmes, Phénicienne de nation, pour le rendre ; Abrocome le lut avec un trouble extrême ; mais surtout ce qui concernait Anthia lui perça le cœur : révolté de la proposition de Manto, il lui répond sur-le-champ par cet autre billet.
« Maîtresse de ma liberté, dispose de mon corps comme du corps d'un esclave; si tu veux ma mort, je suis prêt à la souffrir ; si tu veux m'éprouver par les supplices, tu le peux : mais espérer que j'aille partager ton lit, c'est une erreur ; en cela tes ordres excèdent ton pouvoir, et je n'y souscrirai jamais ».
Manto n'eut pas sitôt parcouru la réponse d'Abrocome, que son cœur fut ouvert à mille passions, toutes plus violentes les unes que les autres ; l'affliction, la haine, la jalousie, la terreur s'en emparèrent, et son unique embarras fut de savoir comment elle se vengerait de la fierté d'Abrocome.
Le retour de son père lui en fournit un moyen. Apsirte ramena de Syrie un riche marchand de ses amis, qu'il devait donner pour époux à Manto ; ce marchand s'appelait Méris. Dès qu'elle les sut arrivés, Manto eut recours à l'imposture pour perdre nos jeunes Ephésiens; elle s'arracha les cheveux, dechira sa robe de toutes parts, et, se jetant aux genoux d'Apsirte : ô mon père, lui dit-elle toute en pleurs, prends pitié de ta fille, elle est outragée par un vil esclave ! Le téméraire Abrocome a voulu me séduire, en me persuadant qu'il m'aimait avec passion ; un aussi grand attentat restera-t-il impuni? Que son châtiment soit égal à l'insolence de son procédé! Voudrais-tu m'allier avec une race d'esclaves? je préviendrais plutôt par mille morts une destinée aussi humiliante.
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