[2,4] Τῷ δὲ ἄρα οὐδὲν ἔργον ἦν ἢ φιλεῖν Ἀνθίαν καὶ ὑπ´ ἐκείνης
φιλεῖσθαι καὶ λαλεῖν ἐκείνῃ καὶ ἀκούειν λαλούσης. Ἐλθὼν
δὲ παρ´ αὐτοὺς «τί ποιοῦμεν, σύντροφοι; τί δὲ βουλευόμεθα,
οἰκέται;» «Δοκεῖς τινι τῶν δεσποτῶν,
Ἁβροκόμη, καλός· ἡ θυγάτηρ ἡ Ἀψύρτου πονήρως ἐπὶ
σοὶ διάκειται, καὶ ἀντειπεῖν ἐρώσῃ βαρβάρῳ παρθένῳ χαλεπόν·
σὺ οὖν ὅπως σοι δοκεῖ βουλευσάμενος σῶσον ἡμᾶς
ἅπαντας καὶ μὴ περιίδῃς ὀργῇ δεσποτῶν ὑποπεσόντας.»
Ἀκούσας ὁ Ἁβροκόμης εὐθὺς μὲν ὀργῆς ἐνεπλήσθη,
ἀναβλέψας δὲ ἀτενὲς εἰς τὸν Λεύκωνα «ὦ πονηρὲ» ἔφη
«καὶ Φοινίκων τῶν ἐνταῦθα βαρβαρώτερε, ἐτόλμησας
εἰπεῖν πρὸς Ἁβροκόμην τοιαῦτα ῥήματα καὶ παρούσης
Ἀνθίας ἄλλην παρθένον μοι διηγῇ; Δοῦλος μέν εἰμι
ἀλλὰ συνθήκας οἶδα τηρεῖν. Ἔχουσιν ἐξουσίαν μου τοῦ
σώματος, τὴν ψυχὴν δὲ ἐλευθέραν ἔχω. Ἀπειλείτω νῦν, εἰ
θέλει, Μαντὼ ξίφη καὶ βρόχους καὶ πῦρ καὶ πάντα ὅσα
δύναται σῶμα ἀναγκάσαι οἰκέτου· οὐ γὰρ ἄν ποτε πεισθείην
ἑκὼν Ἀνθίαν ἀδικῆσαι.» Ὁ μὲν ταῦτα ἔλεγεν, ἡ δὲ
Ἀνθία ὑπὸ συμφορᾶς ἔκειτο ἀχανής, οὐδὲ προσφθέγξασθαί
τι δυναμένη· ὀψὲ δὲ καὶ μόλις αὑτὴν ἐγείρασα «ἔχω μὲν»
φησίν, «Ἁβροκόμη, τὴν εὔνοιαν τὴν σὴν καὶ στέργεσθαι
διαφερόντως ὑπὸ σοῦ πεπίστευκα· ἀλλὰ δέομαι σοῦ, τῆς
ψυχῆς {καὶ} τῆς ἐμῆς δέσποτα, μὴ προδῷς ἑαυτὸν μηδὲ
εἰς ὀργὴν ἐμβάλῃς βαρβαρικήν, συγκατάθου δὲ τῇ τῆς
δεσποίνης ἐπιθυμίᾳ· κἀγὼ ὑμῖν ἄπειμι ἐκποδών, ἐμαυτὴν
ἀποκτείνασα. Τοσοῦτον σοῦ δεήσομαι, θάψον αὐτὸς
καὶ φίλησον πεσοῦσαν καὶ μέμνησο Ἀνθίας.»
Ταῦτα πάντα εἰς μείζονα συμφορὰν τὸν Ἁβροκόμην ἦγε
καὶ ἠπόρει ὅστις γένηται.
| [2,4] Ce tendre époux se croyait échappé à de l'orage ; depuis le départ de Corimbe et d'Euxime, il vivait exempt d'inquiétudes ; à peine se souyenait-il de ses fers; aimer la belle Anthia, en être aimé, lui parler, l'entendre, et répondre à ses caresses, voilà quelle était son occupation. Leucon vient, par ce discours, interrompre cette douce tranquillité.
Que vas-tu résoudre, Abrocome ? La fille d'Apsirte te trouve charmant ; elle soupire pour toi. Quel expédient imaginer pour rejeter les feux d'une Barbare amoureuse? Saisis cette occasion pour nous sauver tous, et quelle que sait la résolution que tu prennes, ne permets pas que nous succombions sous la colère de nos maîtres !
Abrocome, indigné de ce conseil, jeta sur Leucon le regard le plus terrible : ô scélerat ! dit-il, plus barbare mille fois que ces Phéniciens, oses-tu bien me tenir ce langage ? oses-tu parler d'une autre femme au tendre Abrocome en présence de sa chère Anthia ? tout esclave que je suis, je sais observer mes engagemens ; on est maître de mon corps, mais mon âme est libre. Que Manto me menace de tout ce que la fureur d'une femme est capable d'inventer ! qu'elle offre, si elle veut, à mes yeux, et le fer et le feu, et tous les supplices que peut endurer le corps d'un esclave, elle ne me réduira jamais à manquer de fidélité à la belle Anthia.
Pendant qu'il parlait ainsi, cette malheureuse épouse succombait sous le poids de cette nouvelle disgrâce, sans pouvoir prononcer un seul mot; enfin, rappelant ses esprits ; mon cher époux, dit-elle, je possède ton cœur, et très sûre de ta
délicatesse et de ta fidélité, l'une et l'autre sont pour mon amour d'un prix inestimable; mais, au nom de ce même amour, au nom de tout celui que tu me portes, crains de te trahir toi-même et d'exposer tes jours à la fureur d'une femme violente, réponds plutôt à ses desirs; je vais, par ma mort, lever le seul obstacle qui t'arrête, et je meurs contente si je puis espérer seulement, ô cher Abrocome, que tu prendras soin de ma sepulture. Ne cesse pas de m'aimer, même après que j'aurai cessé de vivre, souviens-toi toujours d'Anthia, de cette infortunée qui te fut si chère, et qui t'aimait si tendrement.
Ces réflexions étaient pour Abrocome plus cruelles encore que tout ce qu'il avait souffert; il était hors de lui-même, ne sachant ce que le sort pouvait lui reserver de pire, après une aventure aussi funeste.
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