[1,9] Τοῖς δὲ ἑκατέροις πάθος συνέβη ταὐτόν, καὶ οὔτε
προσειπεῖν ἔτι ἀλλήλους ἠδύναντο οὔτε ἀντιβλέψαι τοῖς
ὀφθαλμοῖς, ἔκειντο δὲ ὑφ´ ἡδονῆς παρειμένοι, αἰδούμενοι,
φοβούμενοι, πνευστιῶντες {ἡδόμενοι}· ἐπάλλετο δὲ αὐτοῖς
τὰ σώματα καὶ ἐκραδαίνοντο αὐτοῖς αἱ ψυχαί. Ὀψὲ
δὲ ὁ Ἁβροκόμης ἀνενεγκὼν περιέλαβε τὴν Ἀνθίαν· ἡ δὲ
ἐδάκρυε τῆς ψυχῆς αὐτῆς σύμβολα προπεμπούσης τῆς
ἐπιθυμίας τὰ δάκρυα. Καὶ ὁ Ἁβροκόμης «ὢ τῆς ἐμοὶ»
φησὶ «ποθεινοτάτης νυκτός, ἣν μόλις ἀπείληφα, πολλὰς
πρότερον νύκτας δυστυχήσας. Ὢ φωτὸς ἡδίων ἐμοὶ
κόρη καὶ τῶν πώποτε λαλουμένων εὐτυχεστέρα· τὸν ἐραστὴν
ἔχεις ἄνδρα, μεθ´ οὗ ζῆν καὶ ἀποθανεῖν ὑπάρξαι γυναικὶ
σώφρονι.» Εἰπὼν κατεφίλει τε καὶ ὑπεδέχετο τὰ δάκρυα,
καὶ αὐτῷ ἐδόκει παντὸς μὲν εἶναι νέκταρος ποτιμώτερα τὰ
δάκρυα, παντὸς δὲ τοῦ πρὸς ὀδύνην φαρμάκου δυνατώτερα.
Ἡ δὲ ὀλίγα αὐτὸν προσφθεγξαμένη «ναὶ» φησὶν
«Ἁβροκόμη, δοκῶ σοι καλή, καὶ μετὰ τὴν σὴν εὐμορφίαν
ἀρέσκω σοι; Ἄνανδρε καὶ δειλέ, πόσον ἐβράδυνας ἐρῶν
χρόνον; πόσον ἠμέλησας; ἀπὸ τῶν ἐμαυτῆς κακῶν ἃ
πέπονθας οἶδα. Ἀλλ´ ἰδού, δάκρυα μὲν ὑποδέχου τἀμά,
καὶ ἡ καλή σου κόμη πινέτω πόμα {τὸ} ἐρωτικόν, καὶ
συμφύντες ἀλλήλοις ἀναμιγῶμεν, καταβρέχωμεν δὲ καὶ τοὺς
στεφάνους τοῖς παρ´ ἀλλήλων δάκρυσιν, ἵν´ ἡμῖν καὶ οὗτοι
συνερῶσιν.» Εἰποῦσα ἅπαν μὲν αὐτοῦ τὸ πρόσωπον
ἠσπάζετο, ἅπασαν δὲ τὴν κόμην τοῖς αὑτῆς ὀφθαλμοῖς
προσετίθει καὶ τοὺς στεφάνους ἀνελάμβανε καὶ τὰ χείλη
τοῖς χείλεσι φιλοῦσα συνηρμόκει, καὶ ὅσα ἐνενόουν, διὰ
τῶν χειλέων ἐκ ψυχῆς εἰς τὴν θατέρου ψυχὴν {διὰ τοῦ
φιλήματος} παρεπέμπετο. Φιλοῦσα δὲ αὐτοῦ τοὺς
ὀφθαλμοὺς «ὦ» φησὶ «πολλάκις με λυπήσαντες ὑμεῖς, ὦ
τὸ πρῶτον ἐνθέντες τῇ ἐμῇ κέντρον ψυχῇ, οἱ τότε μὲν
σοβαροί, νῦν δὲ ἐρωτικοί, καλῶς μοι διηκονήσατε, καὶ
τὸν ἔρωτα τὸν ἐμὸν καλῶς εἰς τὴν Ἁβροκόμου ψυχὴν
ὡδηγήσατε. Τοιγαροῦν ὑμᾶς πολλὰ φιλῶ καὶ ὑμῖν
ἐφαρμόζω τοὺς ὀφθαλμοὺς τοὺς ἐμούς, τοὺς Ἁβροκόμου
διακόνους· ὑμεῖς δὲ ἀεὶ βλέποιτε ταὐτά, καὶ μήτε Ἁβροκόμῃ
ἄλλην δείξητε καλήν, μήτε ἐμοὶ δόξῃ τις ἄλλος
εὔμορφος· ἔχετε ψυχάς, ἃς αὐτοὶ ἐξεκαύσατε· ταύτας
ὁμοίως τηρήσατε.»
Ταῦτα εἶπε, καὶ περιφύντες ἀνεπαύοντο καὶ τὰ
πρῶτα τῶν Ἀφροδίτης {ἐρώτων} ἀπήλαυον· ἐφιλονείκουν
δὲ δι´ ὅλης νυκτὸς πρὸς ἀλλήλους, φιλοτιμούμενοι τίς
φανεῖται μᾶλλον ἐρῶν.
| [1,9] Une sorte d'émotion secrète les retenait tous les deux, et leur étouffait la voix ; ils n'osaient pas même hasarder un regard; un excès de plaisir les jetait dans une langueur impuissante ; la modestie, la crainte, le desir, une fréquente palpitation qui les laissait à peine respirer, la jouissance même, quoiqu'imparfaite encore, rendaient leurs corps tout tremblants, et leur causaient un trouble universel. A la fin cependant, Abrocome, revenu de sa première agitation, prit son épouse dans son sein ; un torrent de larmes fut la première expression de son ame. O nuit charmante, dit-il ensuite avec un soupir ! Nuit achetée par tant de desirs et d'ennuis, combien s'en est-il écoulé avant vous, qu'Abrocome a passées dans la plus amère tristesse ! Adorable Anthia, plus chère à mes yeux que la lumière du jour! quel joie pour mon coeur, de sentir le trouble du tien ! mais si tu m'aimes, quelle satisfaction pour une chaste épouse, de rencontrer dans son époux le plus tendre de tous les amans, oui, chère Anthia, un époux avec qui tu dois vivre et mourir ! Il parlait, et mille baisers accompagnaient ses paroles ; ses lèvres recueillaient les larmes d'Anthia, qui l'écoutait en silence ; il y trouvait des douceurs que ne goûtent point les dieux dans les flots de nectar que leur verse la main d'Hébé. Ah! mon cher Abrocome, lui répondit Anthia, pouvant à peine s'exprimer, est-il bien vrai que je t'aie paru belle ? quoi, j'avois touché ton cœur ! quoi, mes charmes avaient conservé quelque éclat auprès de ta beauté ? mais quelle faiblesse ! pourquoi ne pas me l'apprendre ? tu m'aimais, et je l'ignorois! tu languissais et je mourais ! conçois-tu les maux affreux que j'ai soufferts ? viens à présent, viens cher époux, que je m'en dédommage ! reçois toutes mes larmes, et que la touffe de tes beaux cheveux en boive le suc amoureusement : serrés dans les bras l'un de l'autre, embrassons-nous étraitement, et que ces guirlandes nuptiales, arrosées de nos pleurs, prennent aussi de l'amour avec nous ; qu'elles saient une parfaite image de celui que nous ressentons.
Elle dit, et cependant elle caressait la couronne et la guirlande de son époux ; elle essuyait avec ses cheveux les yeux à Abrocome ; sa bouche parcourait avidement tout son visage ; ses lèvres, appliquées sur celle de son époux, brûlaient ensemble du même feu, et tout ce qui se passait dans l'ame de l'un, était renvoyé dans celle de l'autre par un souffle amoureux.
Anthia baisant les yeux de son époux avec transport: ô vous, dit-elle, qui fûtes mes premiers ennemis, qui perçâtes mon ame du premier trait, alors fiers et superbes, à présent tendres et passionnés, que vous m'avez bien servie ! vous avez tracé la première voie par où mon cœur a passé dans celui d'Abrocome; mille et mille baisers suffisent à peine pour vous marquer ma reconnaissance et mon amour; recevez aussi les caresses des yeux d'Anthia, ces heureux esclaves de son époux; il vous est permis à présent de leur sourire, et de vous animer pour eux; mais donnez-vous bien de garde de montrer au charmant Abrocome d'autre belle que moi, quand même sa beauté le céderait à la mienne. Je vous donne en entier cette âme que vous avez embrasée ; vous la conserverez aisément; d'autres yeux n'y pénétreront jamais que vous, ni d'autre image que celle d'Abrocome. C'est dans de pareils transports qu'ils s'abandonnèrent à tous les mouvements de leur cœur ; et, guidés par les amours, ils jouirent pour la première fois des plaisirs de Vénus. Tout le reste de la nuit ne fut pour eux qu'un combat de tendresse et de passion ;
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