[4,1,10] (10) Ἐπεὶ δὲ ἠρίστησαν, συνεκάλεσεν ὁ Κῦρος τοὺς αὑτοῦ 
 ταξιάρχους καὶ ἔλεξε τοιάδε.  
 - « Οἷά μοι δοκοῦμεν καὶ ὅσα ἀγαθά, ὦ ἄνδρες, ἀφεῖναι, θεῶν 
 ἡμῖν αὐτὰ διδόντων. Νῦν γὰρ ὅτι οἱ πολέμιοι ἡμᾶς 
 ἀποδεδράκασιν αὐτοὶ ὁρᾶτε· οἵτινες δὲ ἐν ἐρύματι ὄντες 
 ἐκλιπόντες τοῦτο φεύγουσι, πῶς ἄν τις τούτους οἴοιτ' ἂν μεῖναι 
 ἰδόντας ἡμᾶς ἐν τῷ ἰσοπέδῳ; Οἵτινες δὲ ἡμῶν ἄπειροι ὄντες οὐχ 
 ὑπέμειναν, πῶς νῦν γ' ἂν ὑπομείνειαν, ἐπεὶ ἥττηνταί τε καὶ πολλὰ 
 κακὰ ὑφ' ἡμῶν πεπόνθασιν; Ὧν δὲ οἱ βέλτιστοι ἀπολώλασι, πῶς 
 οἱ πονηρότεροι ἐκείνων μάχεσθαι ἂν ἡμῖν ἐθέλοιεν; » 
 (11) Καί τις εἶπε·  
 - « Τί οὖν οὐ διώκομεν ὡς τάχιστα, καταδήλων γε οὕτω τῶν ἀγαθῶν ὄντων; » 
 Καὶ ὃς εἶπεν·  
 - « Ὅτι ἵππων προσδεόμεθα· οἱ μὲν γὰρ κράτιστοι τῶν πολεμίων, 
 οὓς μάλιστα καιρὸς ἦν ἢ λαβεῖν ἢ κατακανεῖν, οὗτοι ἐφ' ἵππων 
 ὀχοῦνται· οὓς ἡμεῖς τρέπεσθαι μὲν σὺν τοῖς θεοῖς ἱκανοί, 
 διώκοντες δὲ αἱρεῖν οὐχ ἱκανοί. » 
 (12) - « Τί οὖν, » ἔφασαν, « οὐκ ἐλθὼν Κυαξάρῃ λέγεις ταῦτα; » 
 Καὶ ὃς εἶπε·  
 - « Συνέπεσθε τοίνυν μοι πάντες, ὡς εἰδῇ ὅτι πᾶσιν ἡμῖν ταῦτα 
 δοκεῖ. Ἐκ τούτου εἵποντό τε πάντες καὶ ἔλεγον οἷα ἐπιτήδεια 
 ἐδόκουν εἶναι ὑπὲρ ὧν ἐδέοντο. » 
 (13) Καὶ ὁ Κυαξάρης ἅμα μὲν ὅτι ἐκεῖνοι ἦρχον τοῦ λόγου, ὥσπερ 
 ὑπεφθόνει· ἅμα δ' ἴσως καλῶς ἔχειν ἐδόκει αὐτῷ μὴ πάλιν 
 κινδυνεύειν· καὶ γὰρ αὐτός τε περὶ εὐθυμίαν ἐτύγχανεν ὢν καὶ 
 τῶν ἄλλων Μήδων ἑώρα πολλοὺς τὸ αὐτὸ ποιοῦντας· εἶπε δ' οὖν ὧδε.  
 (14) - « Ἀλλ', ὦ Κῦρε, ὅτι μὲν κάλλιστα ἀνθρώπων μελετᾶτε ὑμεῖς 
 οἱ Πέρσαι μηδὲ πρὸς μίαν ἡδονὴν ἀπλήστως διακεῖσθαι καὶ ὁρῶν 
 καὶ ἀκούων οἶδα· ἐμοὶ δὲ δοκεῖ τῆς μεγίστης ἡδονῆς πολὺ 
 μάλιστα συμφέρειν ἐγκρατῆ εἶναι. Μείζω δὲ ἡδονὴν τί παρέχει 
 ἀνθρώποις εὐτυχίας ἣ νῦν ἡμῖν παραγεγένηται; (15) Ἢν μὲν 
 τοίνυν, ἐπεὶ εὐτυχοῦμεν, σωφρόνως διαφυλάττωμεν αὐτήν, ἴσως 
 δυναίμεθ' ἂν ἀκινδύνως εὐδαιμονοῦντες γηρᾶν· εἰ δ' ἀπλήστως 
 χρώμενοι ταύτῃ ἄλλην καὶ ἄλλην πειρασόμεθα διώκειν, ὁρᾶτε μὴ 
 πάθωμεν ἅπερ πολλοὺς μὲν λέγουσιν ἐν θαλάττῃ πεπονθέναι, διὰ 
 τὸ εὐτυχεῖν οὐκ ἐθέλοντας παύσασθαι πλέοντας ἀπολέσθαι· 
 πολλοὺς δὲ νίκης τυχόντας ἑτέρας ἐφιεμένους καὶ τὴν πρόσθεν 
 ἀποβαλεῖν. (16) Καὶ γὰρ εἰ μὲν οἱ πολέμιοι ἥττους ὄντες ἡμῶν 
 ἔφευγον, ἴσως ἂν καὶ διώκειν τοὺς ἥττους ἀσφαλῶς εἶχε. Νῦν δὲ 
 κατανόησον πόστῳ μέρει αὐτῶν πάντες μαχεσάμενοι 
 νενικήκαμεν· οἱ δ' ἄλλοι ἄμαχοί εἰσιν· οὓς εἰ μὲν μὴ ἀναγκάσομεν 
 μάχεσθαι, ἀγνοοῦντες καὶ ἡμᾶς καὶ ἑαυτοὺς δι' ἀμαθίαν καὶ 
 μαλακίαν ἀπίασιν· εἰ δὲ γνώσονται ὅτι ἀπιόντες οὐδὲν ἧττον 
 κινδυνεύουσιν ἢ μένοντες, ὅπως μὴ ἀναγκάσομεν αὐτούς, κἂν μὴ 
 βούλωνται, ἀγαθοὺς γενέσθαι. (17) Ἴσθι γὰρ ὅτι οὐ σὺ μᾶλλον τὰς 
 ἐκείνων γυναῖκας καὶ παῖδας λαβεῖν ἐπιθυμεῖς ἢ ἐκεῖνοι σῶσαι. 
 Ἐννόει δ' ὅτι καὶ αἱ σύες ἐπειδὰν ὀφθῶσι, φεύγουσι, κἂν πολλαὶ 
 ὦσι, σὺν τοῖς τέκνοις· ἐπειδὰν δέ τις αὐτῶν θηρᾷ τι τῶν τέκνων, 
 οὐκέτι φεύγει οὐδ' ἢν μία τύχῃ οὖσα, ἀλλ' ἵεται ἐπὶ τὸν λαμβάνειν 
 πειρώμενον. (18) Καὶ νῦν μὲν κατακλείσαντες ἑαυτοὺς εἰς ἔρυμα 
 παρέσχον ἡμῖν ταμιεύεσθαι ὥσθ' ὁπόσοις ἐβουλόμεθα αὐτῶν 
 μάχεσθαι· εἰ δ' ἐν εὐρυχωρίᾳ πρόσιμεν αὐτοῖς καὶ μαθήσονται 
 χωρὶς γενόμενοι οἱ μὲν κατὰ πρόσωπον ἡμῖν ὥσπερ καὶ νῦν 
 ἐναντιοῦσθαι, οἱ δ' ἐκ πλαγίου, οἱ δὲ καὶ ὄπισθεν, ὅρα μὴ πολλῶν 
 ἑκάστῳ ἡμῶν χειρῶν δεήσει καὶ ὀφθαλμῶν. Προσέτι δ' οὐδ' ἂν 
 ἐθέλοιμ', ἔφη, ἐγὼ νῦν, ὁρῶν Μήδους εὐθυμουμένους, 
 ἐξαναστήσας ἀναγκάζειν κινδυνεύσοντας ἰέναι. » 
 (19) Καὶ ὁ Κῦρος ὑπολαβὼν εἶπεν·  
 - « Ἀλλὰ σύγε μηδένα ἀναγκάσῃς, ἀλλὰ τοὺς ἐθέλοντάς μοι 
 ἕπεσθαι δός· καὶ ἴσως ἂν σοὶ καὶ τῶν σῶν φίλων τούτων ἥκοιμεν 
 ἑκάστῳ ἄγοντες ἐφ' οἷς ἅπαντες εὐθυμήσεσθε. Τὸ μὲν γὰρ πλῆθος 
 ἡμεῖς γε τῶν πολεμίων οὐδὲ διωξόμεθα· πῶς γὰρ ἂν καὶ 
 καταλάβοιμεν; Ἢν δέ τι ἢ ἀπεσχισμένον τοῦ στρατεύματος 
 λάβωμεν ἤ τι ὑπολειπόμενον, ἥξομεν πρὸς σὲ ἄγοντες. 
 | [4,1,10] (10) Le repas fini, Cyrus assemble ses  
taxiarques et leur parla ainsi : «Que de biens de toute  
sorte, soldats, je vois qui nous échappent, alors que les  
dieux nous les offraient ! Les ennemis se sont dérobés,  
vous le voyez vous-mêmes. Quand les hommes qui étaient  
dans ce retranchement l’ont abandonné pour prendre la  
fuite, comment croire qu’ils tiendraient contre nous, s’ils  
nous voyaient en rase campagne ? Quand, sans nous  
connaître, ils ont lâché pied, comment croire qu’ils  
résisteraient à présent qu’ils sont vaincus et que nous leur  
avons infligé de si grosses pertes ? Quand les plus braves  
d’entre eux ont péri, comment les plus mauvais  
consentiraientils à nous affronter ?» (11) Quelqu’un dit  
alors : «Mais alors pourquoi ne les poursuivons-nous pas  
le plus vite possible, alors que ces biens s’offrent ainsi à  
nous ?» Cyrus répondit : «Parce que nous manquons de  
chevaux : les plus considérables d’entre nos ennemis, ceux  
qu’il importait le plus de prendre ou de tuer, s’éloignent  
sur leurs chevaux ; nous avons pu, avec l’aide des dieux,  
les mettre en déroute ; mais nous aurons beau les  
poursuivre, nous ne les atteindrons pas. — Pourquoi donc,  
demanda-t-on, ne vas-tu pas dire cela à Cyaxare ? — Eh  
bien ! venez tous avec moi, répondit Cyrus, pour qu’il  
sache que nous sommes tous du même avis.» Et tous le  
suivirent et dirent ce qu’ils jugeaient propre à obtenir ce  
qu’ils demandaient.  
(13) Cyaxare ressentit quelque jalousie en voyant les  
Perses ouvrir les premiers cet avis ; peut-être en même  
temps estimait-il sage de ne plus s’exposer aux dangers ;  
car lui-même était tout à la joie, et parmi les autres  
Mèdes, il en voyait beaucoup imiter son exemple. Quoi  
qu’il en soit, voici ce qu’il répondit : (14) «Cyrus, plus que  
tous les autres hommes, vous avez souci, vous, les Perses,  
de n’user immodérément d’aucun plaisir, je le sais pour  
l’avoir vu et ouï-dire. Pour moi, ce qui importe le plus,  
c’est de se modérer au milieu des plus grandes  
jouissances. Or y a-t-il rien au monde qui en procure une  
plus grande que le bonheur qui vient de nous échoir ?  
(15) Si donc, à présent que nous sommes heureux, nous  
ménageons prudemment notre bonheur, peut-être  
pourrons-nous, à l’abri du danger vieillir heureux. Si au  
contraire, nous en sommes insatiables et que nous  
essayions d’en poursuivre un autre, puis un autre encore,  
prenez garde qu’il ne nous arrive ce qui arrive, dit-on, à  
beaucoup de navigateurs qui, éblouis de leur fortune,  
s’obstinent à courir les mers jusqu’à ce qu’ils périssent, ou  
à beaucoup de capitaines qui, après une victoire, courent  
après une seconde et perdent le fruit de la première.  
(16) Si en effet les ennemis qui se sont enfuis nous étaient  
inférieurs en nombre, peut-être n’y aurait-il aucun danger  
à poursuivre ce petit nombre, mais considère que pour  
vaincre une faible partie des leurs, nous avons dû engager  
tous les nôtres et que les autres n’ont pas combattu. Si  
nous ne les forçons pas à combattre, comme ils ne  
connaissent ni nos forces ni les leurs, ils se retireront par  
ignorance et pusillanimité ; mais s’ils se rendent compte  
qu’ils ne courent pas moins de risques à se retirer qu’à  
rester, prends garde de les rendre braves malgré eux.  
(17) Sache que tu ne désires pas plus ardemment t’emparer de  
leurs femmes et de leurs enfants qu’eux de les sauver.  
Rappelle-toi que les laies, une fois vues, s’enfuient, quel  
que soit leur nombre, avec leurs petits ; mais qu’un  
chasseur poursuive un de ses marcassins, la laie ne se  
sauve plus, même si elle est seule ; elle s’élance au  
contraire contre l’homme qui essaie de le lui ravir.  
(18) Tout à l’heure en s’enfermant dans un retranchement, ils  
nous ont permis de limiter le nombre de ceux que nous  
avons voulu combattre. Mais si nous nous avançons contre  
eux en rase campagne, et qu’ils apprennent à se diviser en  
plusieurs corps, pour nous attaquer, les uns de front,  
comme dernièrement, les autres de flanc, les autres par  
derrière, prends garde que chacun de nous n’aura ni assez  
de mains, ni assez d’yeux. Enfin, ajouta-t-il, je ne voudrais  
pas non plus, au moment où je vois les Mèdes se réjouir,  
les contraindre à se lever pour courir au danger. (19) — Ne  
contrains personne, répondit Cyrus, mais autorise à me  
suivre quiconque le désirera et peut-être te  
ramèneronsnous pour toi et pour chacun de tes amis de  
quoi vous réjouir tous. Nous n’allons certainement pas  
poursuivre le gros des ennemis ; car comment le rattraper ?  
Mais si nous surprenons quelque corps détaché ou resté  
en arrière, nous te l’amènerons.  
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