[3,1,30] (30) Εἰ δέ τί σοι, ἔφη, μέλει καὶ τοῦ ὡς
ἥκιστα τεταραγμένα τάδε καταλιπεῖν, ὅταν
ἀπίῃς, σκόπει, ἔφη, πότερον ἂν οἴει
ἠρεμεστέρως ἔχειν τὰ ἐνθάδε καινῆς γενομένης
ἀρχῆς ἢ τῆς εἰωθυίας καταμενούσης· εἰ δέ τί σοι
μέλει καὶ τοῦ ὡς πλείστην στρατιὰν ἐξάγειν, τίν'
ἂν οἴει μᾶλλον ἐξετάσαι ταύτην ὀρθῶς τοῦ
πολλάκις αὐτῇ κεχρημένου; Εἰ δὲ καὶ χρημάτων
δεήσει, τίν' ἂν ταῦτα νομίζεις κρεῖττον
ἐκπορίσαι τοῦ καὶ εἰδότος καὶ ἔχοντος πάντα τὰ
ὄντα; Ὠγαθέ, ἔφη, Κῦρε, φύλαξαι μὴ ἡμᾶς
ἀποβαλὼν σαυτὸν ζημιώσῃς πλείω ἢ ὁ πατὴρ
ἐδυνήθη σε βλάψαι. »
ὁ μὲν τοιαῦτα ἔλεγεν.
(31) Ὁ δὲ Κῦρος ἀκούων ὑπερήδετο, ὅτι ἐνόμιζε
περαίνεσθαι πάντα αὐτῷ ὅσαπερ ὑπέσχετο τῷ
Κυαξάρῃ πράξειν; Ἐμέμνητο γὰρ εἰπὼν ὅτι καὶ
φίλον οἴοιτο μᾶλλον ἢ πρόσθεν ποιήσειν. Καὶ
ἐκ τούτου δὴ τὸν ᾿Αρμένιον ἐρωτᾷ·
- « Ἢν δὲ δὴ ταῦτα πείθωμαι ὑμῖν, λέγε μοι, »
ἔφη, « σύ, ὦ ᾿Αρμένιε, πόσην μὲν στρατιάν μοι
συμπέμψεις, πόσα δὲ χρήματα συμβαλῇ εἰς τὸν
πόλεμον; »
(32) Πρὸς ταῦτα δὴ λέγει ὁ ᾿Αρμένιος·
- « Οὐδὲν ἔχω, ὦ Κῦρε, » ἔφη, « ἁπλούστερον
εἰπεῖν οὐδὲ δικαιότερον ἢ δεῖξαι μὲν ἐμὲ πᾶσαν
τὴν οὖσαν δύναμιν, σὲ δὲ ἰδόντα ὅσην μὲν ἄν
σοι δοκῇ στρατιὰν ἄγειν, τὴν δὲ καταλιπεῖν τῆς
χώρας φυλακήν. Ὡς δ' αὔτως περὶ χρημάτων
δηλῶσαι μὲν ἐμὲ δίκαιόν σοι πάντα τὰ ὄντα, σὲ
δὲ τούτων αὐτὸν γνόντα ὁπόσα τε ἂν βούλῃ
φέρεσθαι καὶ ὁπόσα ἂν βούλῃ καταλιπεῖν. »
(33) Καὶ ὁ Κῦρος εἶπεν·
- « Ἴθι δὴ λέξον μοι πόση σοι δύναμίς ἐστι,
λέξον δὲ καὶ πόσα χρήματα. »
Ἐνταῦθα δὴ λέγει ὁ ᾿Αρμένιος·
- « Ἰππεῖς μὲν τοίνυν εἰσὶν (᾿Αρμενίων) εἰς
ὀκτακισχιλίους, πεζοὶ δὲ εἰς τέτταρας μυριάδας·
χρήματα δ', ἔφη, σὺν τοῖς θησαυροῖς οἷς ὁ
πατὴρ κατέλιπεν ἔστιν εἰς ἀργύριον λογισθέντα
τάλαντα πλείω τῶν τρισχιλίων. »
(34) Καὶ ὁ Κῦρος οὐκ ἐμέλλησεν, ἀλλ' εἶπε·
- « Τῆς μὲν τοίνυν στρατιᾶς, ἐπεί σοι, » ἔφη, « οἱ
ὅμοροι Χαλδαῖοι πολεμοῦσι, τοὺς ἡμίσεις μοι
σύμπεμπε· τῶν δὲ χρημάτων ἀντὶ μὲν τῶν
πεντήκοντα ταλάντων ὧν ἔφερες δασμὸν
διπλάσια Κυαξάρῃ ἀπόδος, ὅτι ἔλιπες τὴν
φοράν· ἐμοὶ δ', ἔφη, ἄλλα ἑκατὸν δάνεισον· ἐγὼ
δέ σοι ὑπισχνοῦμαι, ἢν ὁ θεὸς εὖ διδῷ, ἀνθ' ὧν
ἂν ἐμοὶ δανείσῃς ἢ ἄλλα πλείονος ἄξια
εὐεργετήσειν ἢ τὰ χρήματα ἀπαριθμήσειν, ἢν
δύνωμαι· ἢν δὲ μὴ δύνωμαι, ἀδύνατος ἂν
φαινοίμην, οἶμαι, ἄδικος δ' οὐκ ἂν δικαίως κρινοίμην.
(35) Καὶ ὁ ᾿Αρμένιος,
- « Πρὸς τῶν θεῶν, » ἔφη, « ὦ Κῦρε, μὴ οὕτω
λέγε· εἰ δὲ μή, οὐ θαρροῦντά με ἕξεις· ἀλλὰ
νόμιζε, ἔφη, ἃ ἂν καταλίπῃς μηδὲν ἧττον σὰ
εἶναι ὧν ἂν ἔχων ἀπίῃς. »
- « Εἶεν, » ἔφη ὁ Κῦρος· «ὥστε δὲ τὴν γυναῖκα
ἀπολαβεῖν, ἔφη, πόσα ἄν μοι χρήματα δοίης; »
- « Ὁπόσα ἂν δυναίμην, » ἔφη.
- « Τί δέ, ὥστε τοὺς παῖδας; »
- « Καὶ τούτων, » ἔφη, «ὁπόσα ἂν δυναίμην. »
- « Οὐκοῦν, » ἔφη ὁ Κῦρος, « ταῦτα μὲν ἤδη
διπλάσια τῶν ὄντων. (36) Σὺ δέ, ἔφη, ὦ Τιγράνη,
λέξον μοι πόσου ἂν πρίαιο ὥστε τὴν γυναῖκα
ἀπολαβεῖν.»
Ὁ δὲ ἐτύγχανε νεόγαμός τε ὢν καὶ ὑπερφιλῶν
τὴν γυναῖκα.
- « Ἐγὼ μέν, » ἔφη, « ὦ Κῦρε, κἂν τῆς ψυχῆς
πριαίμην ὥστε μήποτε λατρεῦσαι ταύτην. »
(37) - « Σὺ μὲν τοίνυν, » ἔφη, « ἀπάγου τὴν σήν·
οὐδὲ γὰρ εἰλῆφθαι ἔγωγε αἰχμάλωτον ταύτην
νομίζω σοῦ γε μηπώποτε φυγόντος ἡμᾶς. Καὶ
σὺ δέ, ὦ ᾿Αρμένιε, ἀπάγου τὴν γυναῖκα καὶ τοὺς
παῖδας μηδὲν αὐτῶν καταθείς, ἵν' εἰδῶσιν ὅτι
ἐλεύθεροι πρὸς σὲ ἀπέρχονται. καὶ νῦν μέν, ἔφη,
δειπνεῖτε παρ' ἡμῖν· δειπνήσαντες δὲ
ἀπελαύνετε ὅποι ὑμῖν θυμός. »
Οὕτω δὴ κατέμειναν.
(38) Διασκηνούντων δὲ μετὰ δεῖπνον ἐπήρετο ὁ Κῦρος·
- « Εἰπέ μοι, » ἔφη, « ὦ Τιγράνη, ποῦ δὴ ἐκεῖνός
ἐστιν ὁ ἀνὴρ ὃς συνεθήρα ἡμῖν καὶ σύ μοι μάλα
ἐδόκεις θαυμάζειν αὐτόν. »
- « Οὐ γάρ, » ἔφη, « ἀπέκτεινεν αὐτὸν οὑτοσὶ ὁ
ἐμὸς πατήρ; »
- « Τί λαβὼν ἀδικοῦντα; »
- « Διαφθείρειν αὐτὸν ἔφη ἐμέ. Καίτοι (γ', ἔφη), ὦ
Κῦρε, οὕτω καλὸς κἀγαθὸς ἐκεῖνος ἦν ὡς καὶ
ὅτε ἀποθνῄσκειν ἔμελλε προσκαλέσας με εἶπε· «
Μήτι σύ, ἔφη, « ὦ Τιγράνη, ὅτι ἀποκτείνει με,
χαλεπανθῇς τῷ πατρί· οὐ γὰρ κακονοίᾳ τῇ σῇ
τοῦτο ποιεῖ, ἀλλ' ἀγνοίᾳ. Ὁπόσα δὲ ἀγνοίᾳ
ἄνθρωποι ἐξαμαρτάνουσι, πάντ' ἀκούσια ταῦτ'
ἔγωγε νομίζω.
(39) Ὁ μὲν δὴ Κῦρος ἐπὶ τούτοις εἶπε·
- « Φεῦ τοῦ ἀνδρός. »
Ὁ δ' ᾿Αρμένιος ἔλεξεν·
- « Οὔτοι, » ἔφη, « ὦ Κῦρε, οὐδ' οἱ ταῖς ἑαυτῶν
γυναιξὶ λαμβάνοντες συνόντας ἀλλοτρίους
ἄνδρας οὐ τοῦτο αἰτιώμενοι αὐτοὺς
κατακαίνουσιν ὡς ἀμαθεστέρας; ποιοῦντας τὰς
γυναῖκας, ἀλλὰ νομίζοντες ἀφαιρεῖσθαι αὐτοὺς
τὴν πρὸς αὑτοὺς φιλίαν, διὰ τοῦτο ὡς πολεμίοις
αὐτοῖς χρῶνται. Καὶ ἐγὼ ἐκείνῳ, ἔφη, ἐφθόνουν,
ὅτι μοι ἐδόκει τοῦτον ποιεῖν αὐτὸν μᾶλλον
θαυμάζειν ἢ ἐμέ. »
| [3,1,30] (30) En outre, si tu as quelque souci de laisser à ton
départ ce pays le plus tranquille possible, vois, ajouta-t-il, si tu penses que
la tranquillité sera plus grande ici, en établissant un nouveau
gouvernement qu’en gardant le gouvernement habituel. S’il t’importe
en outre d’emmener le plus grand nombre de troupes, qui, à ton avis, est
plus à même de les recruter comme il faut que celui qui les a souvent
employées ? S’il te faut de l’argent, qui sera, selon toi, plus capable de
t’en procurer que celui qui connaît et qui possède toutes les ressources ?
Mon bon Cyrus, dit-il, prends garde, en nous perdant, de te causer toi-
même plus de préjudice que mon père n’a pu t’en faire.»
Ainsi parla Tigrane. Cyrus l’avait écouté avec un plaisir extrême ; car il
pensait avoir accompli toutes les promesses qu’il avait faites à Cyaxare.
Il se souvenait en effet de lui avoir dit qu’il espérait s’en faire un allié
plus fidèle que par le passé. Après cette discussion, il s’adressa au roi d’Arménie :
«Si je vous accorde ce que ton fils demande, dis-moi, roi d’Arménie,
combien de troupes m’enverras-tu ? pour quelle somme contribueras-tu
à la guerre ?»
(32) Le roi d’Arménie répondit :
«Je ne vois rien, Cyrus, de plus simple à dire ni de plus juste que de te
montrer toutes les troupes que je possède ; quand tu les auras vues, tu en
emmèneras autant qu’il te paraîtra bon et tu laisseras le reste pour
garder le pays. De même pour l’argent, il est juste que je t’en indique le
montant : quand tu le sauras, tu en emporteras autant que tu le désireras
et tu laisseras ce que tu voudras.
— Eh bien ! dit Cyrus, dis-moi d’abord quelles sont tes forces ? tu me
diras ensuite combien tu as d’argent.
— Eh bien ! dit alors le roi, la cavalerie des Arméniens se monte à huit
mille hommes et l’infanterie à quarante mille. Mes richesses, ajouta-t-il, y
compris les trésors que m’a laissés mon père, en les évaluant en argent,
montent à plus de trois mille talents.»
Cyrus n’hésita pas.
«De ton armée, dit-il, puisque les Chaldéens, tes voisins, te font la guerre,
tu m’enverras la moitié. De ton argent, au lieu des cinquante talents que
tu fournissais comme tribut, tu en donneras le double à Cyaxare pour avoir
cessé de le payer ; pour moi, dit-il, tu m’en prêteras cent autres, et je te
promets, si la fortune me favorise. qu’en échange de ce que tu m’auras
prêté, je te rendrai des services qui vaudront davantage ou je te
rembourserai la somme, si je le puis ; si je ne le puis, on m’accusera
peut-être d’impuissance, mais d’injustice, non pas, je ne le mériterai
point.
(35) — Au nom des dieux, Cyrus, dit le roi d’Arménie, ne parle pas ainsi,
ou je n’aurai plus confiance en ton amitié : mais crois, ajouta-t-il, que ce
que tu laisseras n’est pas moins à toi que ce que tu emporteras.
— Soit, dit Cyrus mais pour recouvrer ta femme, ajouta-t-il, combien
d’argent me donneras-tu ?
— Tout ce que je pourrai, dit-il.
— Et pour tes enfants ?
— Pour mes enfants aussi, tout ce que je pourrai. — Alors, dit Cyrus, ce
serait le double de ce que tu possèdes. (36) Et toi, Tigrane, dis-moi
combien tu payerais pour recouvrer ta femme ? (Tigrane était justement
nouveau marié et éperdument épris de sa femme.)
— Pour moi, répondit-il, je vendrais ma vie pour qu’elle ne soit jamais esclave.
(37) — Eh bien ! emmène-la ; elle est à toi ; car je ne la regarde pas
comme captive, puisque, toi, tu n’as jamais abandonné notre parti. Et toi,
roi d’Arménie, emmène aussi ta femme et tes enfants sans rien payer
pour eux, afin qu’ils sachent qu’ils sont libres en revenant chez toi. Et
maintenant, dînez avec nous ; après dîner, vous irez où le coeur vous en dira.»
Et ils restèrent.
(38) Au sortir du dîner, Cyrus demanda :
«Dis-moi, Tigrane, où est cet homme qui chassait avec nous et que tu
semblais fort admirer ?
— Eh ! mon père ici présent ne l’a-t-il pas tué ?
— Quel crime l’avait-il surpris à commettre ?
— Il prétendait qu’il me corrompait. Cependant, Cyrus, ajouta-t-il, cet
homme était si vertueux que, même sur le point de mourir, il me fit appeler
et me dit : «Ne garde point rancune à ton père, Tigrane, parce qu’il me
fait mourir ; ce n’est pas par malveillance pour toi qu’il le fait, mais par
ignorance ; or toutes les fautes que les hommes commettent par
ignorance, j’estime qu’elles sont toujours involontaires.
(39) — L’infortuné !» s’écria Cyrus.
Le roi d’Arménie dit :
«Cyrus, quand un homme qui trouve sa femme avec un autre homme, le
tue, ce qu’il lui reproche, ce n’est pas de gâter l’esprit de sa femme,
mais de lui ravir l’amour qu’elle a pour lui, et c’est la raison pour
laquelle il le traite en ennemi. Moi, de même, si j’étais jaloux, ajouta-t-il,
de ce sophiste, c’est qu’à mon avis, il inspirait à mon fils plus
d’estime que moi.
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