[3,2,20] εἰ δὲ δὴ τὰς μὲν μάχας θαρρεῖτε, ὅτι δὲ οὐκέτι
ὑμῖν Τισσαφέρνης ἡγήσεται οὐδὲ βασιλεὺς ἀγορὰν παρέξει, τοῦτο ἄχθεσθε,
σκέψασθε πότερον κρεῖττον Τισσαφέρνην ἡγεμόνα ἔχειν, ὃς ἐπιβουλεύων ἡμῖν
φανερός ἐστιν, ἢ οὓς ἂν ἡμεῖς ἄνδρας λαβόντες ἡγεῖσθαι κελεύωμεν, οἳ εἴσονται ὅτι,
ἤν τι περὶ ἡμᾶς ἁμαρτάνωσι, περὶ τὰς ἑαυτῶν ψυχὰς καὶ σώματα ἁμαρτήσονται.
(3.2.21) τὰ δὲ ἐπιτήδεια πότερον ὠνεῖσθαι κρεῖττον ἐκ τῆς ἀγορᾶς ἧς οὗτοι παρεῖχον
μικρὰ μέτρα πολλοῦ ἀργυρίου, μηδὲ τοῦτο ἔτι ἔχοντας, ἢ αὐτοὺς λαμβάνειν ἤνπερ
κρατῶμεν, μέτρῳ χρωμένους ὁπόσῳ ἂν ἕκαστος βούληται.
(3.2.22) εἰ δὲ ταῦτα μὲν γιγνώσκετε ὅτι κρείττονα, τοὺς δὲ ποταμοὺς ἄπορον νομίζετε
εἶναι καὶ μεγάλως ἡγεῖσθε ἐξαπατηθῆναι διαβάντες, σκέψασθε εἰ ἄρα τοῦτο καὶ
μωρότατον πεποιήκασιν οἱ βάρβαροι. πάντες γὰρ ποταμοί, ἢν καὶ πρόσω τῶν πηγῶν
ἄποροι ὦσι, προσιοῦσι πρὸς τὰς πηγὰς διαβατοὶ γίγνονται οὐδὲ τὸ γόνυ βρέχοντες.
(3.2.23) εἰ δὲ μήθ᾽ οἱ ποταμοὶ διήσουσιν ἡγεμών τε μηδεὶς ἡμῖν φανεῖται, οὐδ᾽ ὣς ἡμῖν
γε ἀθυμητέον. ἐπιστάμεθα γὰρ Μυσούς, οὓς οὐκ ἂν ἡμῶν φαίημεν βελτίους εἶναι,
ὅτι βασιλέως ἄκοντος ἐν βασιλέως χώρᾳ πολλάς τε καὶ εὐδαίμονας καὶ μεγάλας
πόλεις οἰκοῦσιν, ἐπιστάμεθα δὲ Πισίδας ὡσαύτως, Λυκάονας δὲ καὶ αὐτοὶ εἴδομεν
ὅτι ἐν τοῖς πεδίοις τὰ ἐρυμνὰ καταλαβόντες τὴν τούτων χώραν καρποῦνται· (3.2.24)
καὶ ἡμᾶς δ᾽ ἂν ἔφην ἔγωγε χρῆναι μήπω φανεροὺς εἶναι οἴκαδε ὡρμημένους, ἀλλὰ
κατασκευάζεσθαι ὡς αὐτοῦ οἰκήσοντας. οἶδα γὰρ ὅτι καὶ Μυσοῖς βασιλεὺς πολλοὺς
μὲν ἡγεμόνας ἂν δοίη, πολλοὺς δ᾽ ἂν ὁμήρους τοῦ ἀδόλως ἐκπέμψειν, καὶ
ὁδοποιήσειέ γ᾽ ἂν αὐτοῖς καὶ εἰ σὺν τεθρίπποις βούλοιντο ἀπιέναι. καὶ ἡμῖν γ᾽ ἂν
οἶδ᾽ ὅτι τρισάσμενος ταῦτ᾽ ἐποίει, εἰ ἑώρα ἡμᾶς μένειν κατασκευαζομένους. (3.2.25)
ἀλλὰ γὰρ δέδοικα μή, ἂν ἅπαξ μάθωμεν ἀργοὶ ζῆν καὶ ἐν ἀφθόνοις βιοτεύειν, καὶ
Μήδων δὲ καὶ Περσῶν καλαῖς καὶ μεγάλαις γυναιξὶ καὶ παρθένοις ὁμιλεῖν, μὴ
ὥσπερ οἱ λωτοφάγοι ἐπιλαθώμεθα τῆς οἴκαδε ὁδοῦ. (3.2.26) δοκεῖ οὖν μοι εἰκὸς καὶ
δίκαιον εἶναι πρῶτον εἰς τὴν Ἑλλάδα καὶ πρὸς τοὺς οἰκείους πειρᾶσθαι ἀφικνεῖσθαι
καὶ ἐπιδεῖξαι τοῖς Ἕλλησιν ὅτι ἑκόντες πένονται, ἐξὸν αὐτοῖς τοὺς νῦν (οἴκοι)
σκληρῶς ἐκεῖ πολιτεύοντας ἐνθάδε κομισαμένους πλουσίους ὁρᾶν. ἀλλὰ γάρ, ὦ
ἄνδρες, πάντα ταῦτα τἀγαθὰ δῆλον ὅτι τῶν κρατούντων ἐστί· (3.2.27) τοῦτο δὴ δεῖ
λέγειν, ὅπως ἂν πορευοίμεθά τε ὡς ἀσφαλέστατα καὶ εἰ μάχεσθαι δέοι ὡς κράτιστα
μαχοίμεθα. πρῶτον μὲν τοίνυν, ἔφη, δοκεῖ μοι κατακαῦσαι τὰς ἁμάξας ἃς ἔχομεν,
ἵνα μὴ τὰ ζεύγη ἡμῶν στρατηγῇ, ἀλλὰ πορευώμεθα ὅπῃ ἂν τῇ στρατιᾷ συμφέρῃ·
ἔπειτα καὶ τὰς σκηνὰς συγκατακαῦσαι. αὗται γὰρ αὖ ὄχλον μὲν παρέχουσιν ἄγειν,
συνωφελοῦσι δ᾽ οὐδὲν οὔτε εἰς τὸ μάχεσθαι οὔτ᾽ εἰς τὸ τὰ ἐπιτήδεια ἔχειν. (3.2.28)
ἔτι δὲ καὶ τῶν ἄλλων σκευῶν τὰ περιττὰ ἀπαλλάξωμεν πλὴν ὅσα πολέμου ἕνεκεν ἢ
σίτων ἢ ποτῶν ἔχομεν, ἵνα ὡς πλεῖστοι μὲν ἡμῶν ἐν τοῖς ὅπλοις ὦσιν, ὡς ἐλάχιστοι
δὲ σκευοφορῶσι. κρατουμένων μὲν γὰρ ἐπίστασθε ὅτι πάντα ἀλλότρια· ἢν δὲ
κρατῶμεν, καὶ τοὺς πολεμίους δεῖ σκευοφόρους ἡμετέρους νομίζειν. (3.2.29) λοιπόν
μοι εἰπεῖν ὅπερ καὶ μέγιστον νομίζω εἶναι. ὁρᾶτε γὰρ καὶ τοὺς πολεμίους ὅτι οὐ
πρόσθεν ἐξενεγκεῖν ἐτόλμησαν πρὸς ἡμᾶς πόλεμον πρὶν τοὺς στρατηγοὺς ἡμῶν
συνέλαβον, νομίζοντες ὄντων μὲν τῶν ἀρχόντων καὶ ἡμῶν πειθομένων ἱκανοὺς
εἶναι ἡμᾶς περιγενέσθαι τῷ πολέμῳ, λαβόντες δὲ τοὺς ἄρχοντας ἀναρχίᾳ ἂν καὶ
ἀταξίᾳ ἐνόμιζον ἡμᾶς ἀπολέσθαι.
| [3,2,20] Mais peut-être, incapables de vous effrayer des combats
qu'il faudra livrer, vous affligez-vous seulement de ce que Tissapherne ne nous conduira plus, de ce
que le roi ne nous fera plus
trouver un marché et des vivres. Considérez lequel vaut mieux d'avoir pour guide un satrape, qui
machine évidemment notre perte
ou de faire conduire l'armée par des hommes qu'on aura pris dans le pays, à qui on donnera des
ordres, et qui sauront que leur
tête répond des fautes qu'ils pourraient commettre contre nous. Quant aux vivres, serait-il plus
avantageux d'en payer fort cher
une petite mesure au marché que nous feraient trouver les Barbares, surtout devant être bientôt
réduits à n'avoir plus de quoi en
acheter, qu'il ne le sera de prendre en vainqueurs, si nous avons des succès, notre subsistance, à la
mesure que chacun de nous
voudra ? Peut-être reconnaissez-vous que tout ce que je viens de vous faire envisager est préférable
; mais craignez-vous de ne
pouvoir traverser les fleuves, et vous plaignez-vous d'avoir été cruellement trompés par les Barbares,
qui en ont mis de nouveaux
entre la Grèce et vous ? Songez que c'est la plus grande folie qu'ait pu faire votre ennemi ; car, tous
les fleuves, quoique l'on ne
puisse pas les passer loin de leurs sources, si l'on remonte, deviennent enfin guéables, et l'on n'y
trouve pas de l'eau jusqu'au
genou. Mais, quand même le passage en serait impraticable, quand nous manquerions de guides, il
ne faudrait pas pour cela se
désespérer. Nous connaissons les Mysiens, que je ne regarde pas comme de meilleures troupes que
nous, qui, dans l'empire du
roi, habitent malgré lui beaucoup de villes, grandes et florissantes. Nous savons que les Pisidiens en
font autant ; nous avons vu
nous-mêmes les Lycaoniens occuper des lieux fortifiés au milieu de vastes plaines, et recueillir les
fruits que sèment pour eux les
sujets d'Artaxerxès. Je vous dirais alors qu'il faut ne pas paraître vouloir retourner en Grèce, mais
feindre au contraire de nous
préparer à fixer quelque part ici notre séjour ; car je sais que le roi voudrait engager les Mysiens à
sortir de ses états, fallût-il leur
donner et tous les guides qu'ils désireraient pour les conduire, et tous les otages qu'ils exigeraient
pour n'avoir aucun piège à
craindre. Que dis-je ? Il ferait aplanir les chemins pour eux, et les renverrait tous, s'ils le
demandaient, dans des chars attelés de
quatre chevaux. Artaxerxès, je n'en doute point, serait trop heureux d'en user ainsi avec nous, s'il
voyait que nous nous
préparassions à rester ici ; mais je craindrais que nous étant une fois habitués à vivre dans l'oisiveté et
dans l'abondance, à goûter
les plaisirs de l'amour avec les femmes et les filles des Perses et des Mèdes qui ont toutes la taille
belle et la figure charmante, je
craindrais, dis-je, que, comme ceux qui mangent du lotos, nous n'oubliassions de retourner dans
notre patrie. Il me paraît donc
juste et convenable de tâcher d'abord de revoir la Grèce et nos familles, d'y annoncer à nos
compatriotes qu'ils ne vivent dans la
misère que parce qu'ils le veulent bien, de leur apprendre qu'ils pourraient mener ici ceux de leurs
concitoyens qui sont dénués de
fortune, et qu'ils les verraient bientôt nager dans l'opulence ; car tous ces biens, amis, sont des prix
qui attendent un vainqueur.
J'ai maintenant à vous exposer les moyens de marcher avec le plus de sécurité ; et de combattre, s'il
le faut, avec le plus de
succès. D'abord, continua Xénophon, je suis d'avis de brûler les caissons qui nous suivent, afin que
les voitures ne décident pas
les mouvements de l'armée ; mais que nous nous portions où le bien commun l'exigera. Brûlons
ensuite nos tentes, elles sont
embarrassantes à porter, et ne servent de rien à des gens qui ne doivent plus songer qu'à combattre
et à se fournir du nécessaire
; débarrassons-nous aussi de tout le superflu des bagages ; ne gardons que les armes et les ustensiles
nécessaires à la vie c'est
le moyen d'avoir le plus de soldats dans les rangs, et le moins aux équipages. Car vous savez que
tout ce qui appartient aux
vaincus passe en des mains étrangères, et si nous sommes vainqueurs, nous devons regarder de plus
nos ennemis eux-mêmes
comme des esclaves destinés à porter pour nous leurs propres dépouilles. Il me reste à traiter le
point que je regarde comme le
plus important. Vous voyez que les Perses n'ont osé se déclarer nos ennemis, qu'après avoir arrêté
nos généraux ; ils ont cru que
nous serions en état de les vaincre, tant que nous aurions des chefs et que nous leur obéirions ; mais
ils ont espéré que lorsqu'ils
nous les auraient enlevés, l'anarchie et l'indiscipline suffiraient pour nous perdre.
|