[300] ἀλλ´ ἄγε δὴ σειρῇσι περίπλοκον ἀμφιβαλόντες
301 ἕλκετ´ ἐς ἀκρόπολιν μεγάλην χρυσήνιον ἵππον·
302 ἄμμι δ´ Ἀθηναίη ἐρυσίπτολις ἡγεμονεύοι
303 δαιδάλεον σπεύδουσα λαβεῖν ἀνάθημα καὶ αὐτή.
304 ὣς ἄρ´ ἔφη· καὶ τὸν μὲν ἄναξ ἐκέλευσε λαβόντα
305 ἕσσασθαι χλαῖνάν τε χιτῶνά τε, τοὶ δέ, βοείαις
306 δησάμενοι σειρῇσιν, ἐυπλέκτοισι κάλωσιν
307 εἷλκον ὑπὲρ πεδίοιο, θοῶν ἐπιβήτορα κύκλων,
308 ἵππον ἀριστήεσσι βεβυσμένον· οἱ δὲ πάροιθεν
309 αὐλοὶ καὶ φόρμιγγες ὁμὴν ἐλίγαινον ἀοιδήν.
310 σχέτλιον ἀφραδέων μερόπων γένος, οἷσιν ὁμίχλη
311 ἄσκοπος ἐσσομένων· κενεῷ δ´ ὑπὸ χάρματι πολλοὶ
312 πολλάκις ἀγνώσσουσι περιπταίοντες ὀλέθρῳ.
313 οἵη καὶ Τρώεσσι τότε φθισίμβροτος ἄτη
314 ἐς πόλιν αὐτοκέλευθος ἐκώμασεν· οὐδέ τις ἀνδρῶν
315 ᾔδεεν, οὕνεκα λάβρον ἐφέλκετο πένθος ἄλαστον.
316 ἄνθεα δὲ δροσόεντος ἀμησάμενοι ποταμοῖο
317 ἔστεφον αὐχενίους πλοκάμους σφετέροιο φονῆος.
318 γαῖα δὲ χαλκείοισιν ἐρεικομένη περὶ κύκλοις
319 δεινὸν ὑπεβρυχᾶτο, σιδήρειοι δὲ δι´ αὐτῶν
320 τριβόμενοι τρηχεῖαν ἀνέστενον ἄξονες ἠχήν·
321 τετρίγει δὲ κάλων ξυνοχή, καὶ πᾶσα ταθεῖσα
322 λιγνὺν αἰθαλόεσσαν ἕλιξ ἀνεκήκιε σειρή.
323 πολλὴ δ´ ἑλκόντων ἐνοπὴ καὶ κόμπος ὀρώρει·
324 ἔβρεμε νυμφαίῃσιν ἅμα δρυσὶ δάσκιος Ἴδη,
325 ἴαχε καὶ Ξάνθου ποταμοῦ κυκλούμενον ὕδωρ,
326 καὶ στόμα κεκλήγει Σιμοείσιον· οὐρανίη δὲ
327 ἐκ Διὸς ἑλκόμενον πόλεμον μαντεύετο σάλπιγξ.
328 οἱ δ´ ἦγον προπάροιθεν· ὁδὸς δ´ ἐβαρύνετο μακρὴ
329 σχιζομένη ποταμοῖσι καὶ οὐ πεδίοισιν ὁμοίη.
330 εἵπετο δ´ αἰόλος ἵππος ἀρηιφίλους ἐπὶ βωμοὺς
331 κυδιόων ὑπέροπλα, βίην δ´ ἐπέρεισεν Ἀθήνη
332 χεῖρας ἐπιβρίσασα νεογλυφέων ἐπὶ μηρῶν.
333 ὧδε θέων ἀκίχητος ἐπέδραμε θᾶσσον ὀιστοῦ
334 Τρῶας ἐυσκάρθμοισιν ὁδοιπορίῃσι διώκων,
335 εἰσόκε δὴ πυλέων ἐπεβήσατο Δαρδανιάων.
336 αἱ δέ οἱ ἐρχομένῳ θυρέων πτύχες ἐστείνοντο·
337 ἀλλ´ Ἥρη μὲν ἔλυσεν ἐπὶ δρόμον αὖθις ὁδοῖο
338 πρόσθεν ἀναστέλλουσα, Ποσειδάων δ´ ἀπὸ πύργων
339 σταθμὸν ἀνοιγομένων πυλέων ἀνέκοπτε τριαίνῃ.
340 Τρωιάδες δὲ γυναῖκες ἀνὰ πτόλιν ἄλλοθεν ἄλλαι,
341 νύμφαι τε πρόγαμοί τε καὶ ἴδμονες Εἰλειθυίης,
342 μολπῇ τ´ ὀρχηθμῷ τε περὶ βρέτας εἱλίσσοντο·
343 ἄλλαι δὲ χνοόωσαν ἀμελγόμεναι χάριν ὄμβρου
344 ὁλκῷ δουρατέῳ ῥοδέους στορέσαντο τάπητας.
345 αἱ δὲ θαλασσαίης ἐπιμάζια νήματα μίτρης
346 λυσάμεναι κλωστοῖσι κατέπλεκον ἄνθεσιν ἵππον.
347 καί τις ἀπειρεσίοιο πίθου κρήδεμνον ἀνεῖσα
348 χρυσείῳ προχέουσα κρόκῳ κεκερασμένον οἶνον
349 γαῖαν ἀνεκνίσσωσε χυτὴν εὐώδεϊ πηλῷ.
| [300] Ne perdez donc point de temps ; entourez de chaînes ce cheval au frein d'or, et amenez-le ainsi
dans votre citadelle, dont l'enceinte est si chère à la déesse des combats».
Dès qu'il eut achevé ces mots, le roi lui fit apporter des vêtements, et lui ordonna de s'en couvrir.
Cependant les Troyens, ayant passé des bandes de cuir et de fortes chaînes autour du corps du
cheval, le traînaient dans la campagne, à l'aide des roues sur lesquelles il était monté. Ils ignoraient
qu'il portait dans ses flancs l'élite des héros grecs. Des joueurs de flûte et de luth, rassemblés au-devant
de lui, faisaient retentir l'air de leurs concerts. Hélas ! misérables humains, que nos vues sont
bornées ! Un nuage épais nous dérobe l'avenir : séduits par de vains transports, nous courons
souvent, sans le savoir, à notre ruine. Ainsi le plus terrible fléau menaçait les Troyens, et eux-mêmes
allaient l'introduire dans leurs portes. Ils avaient cueilli toutes les fleurs des bords du Simoïs, et ils
couronnaient déjà de guirlandes le cheval auquel le destin avait attaché leur perte. La terre gémissait
sous le poids de l'airain dont les roues étaient entourées ; l'essieu, surchargé d'un poids énorme, criait
horriblement ; l'on entendait craquer le bois assemblé avec un art infini ; la chaîne qui traînait à terre,
et qui y formait plusieurs circonvolutions, élevait des tourbillons de poussière dont l'air était obscurci ;
les cris de la multitude employée à traîner cette machine faisaient un bruit épouvantable. Les
Hamadryades du mont Ida firent en cet instant retentir les bois de leurs gémissements ; le Xanthe
désespéré roula ses eaux avec plus de fracas ; l'on entendit le Simoïs à son embouchure pousser des
cris affreux ; enfin Jupiter, embouchant la trompette céleste, annonçait l'approche de la guerre.
Cependant les Troyens avançaient toujours, traînant après eux l'auteur de leur ruine. Les inégalités du
terrain et les rivières qu'il fallait traverser leur rendaient le chemin très pénible : malgré ces obstacles,
le cheval les suivait aux autels de Pallas ; il semblait s'enorgueillir de ce qu'il devait en être l'ornement.
La déesse, frappant de sa main divine la croupe de l'animal, augmentait la rapidité de sa marche :
aussi franchissait-il l'espace plus promptement qu'une flèche. Il atteignit aisément ses conducteurs,
quelque précipitée que fût leur marche. On ne le vit pas prendre un instant de relâche, jusqu'à ce qu'il
fût rendu sous les murs de Troie. Les portes n'étaient pas assez larges pour le recevoir ; mais Junon
accourut, et lui en rendit l'accès facile. Neptune, assis au haut des tours d'Ilion, enfonça les portes
d'un coup de son trident, et lui en ouvrit l'entrée. Aussitôt les femmes troyennes, accourant des divers
quartiers de la ville, se rassemblèrent autour de cette merveille. Les vierges, les jeunes filles dont la
main était déjà promise, celles enfin qui joignaient au titre d'épouse celui de mère, toutes exprimaient
leur joie par leurs chants et par leurs danses. Les unes apportaient des tapis brodés, pour en parer ce
superbe cheval et le mettre à couvert ; d'autres, déliant leurs riches ceintures, afin de pouvoir agir plus
librement, l'entouraient de guirlandes qu'elles avaient tressées elles-mêmes ; l'une d'entre elles,
faisant servir à des libations la liqueur renfermée dans un très grand tonneau, en laissa couler un vin
exquis, mêlé d'une infusion de safran doré. La terre ainsi abreuvée exhalait une odeur délicieuse.
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