[350] ἀνδρομέῃ δὲ βοῇ συνεβάλλετο θῆλυς ἰωή,
351 καὶ παίδων ἀλαλητὸς ἐμίσγετο γήραος ἠχῇ.
352 οἷαι δ´ ἀφνειοῖο μετήλυδες Ὠκεανοῖο,
353 χείματος ἀμφίπολοι, γεράνων στίχες ἠεροφώνων,
354 κύκλον ἐπογμεύουσιν ἀλήμονος ὀρχηθμοῖο
355 γειοπόνοις ἀρότῃσιν ἀπεχθέα κεκληγυῖαι·
356 ὣς οἵγε κλαγγῇ τε δι´ ἄστεος ἠδὲ κυδοιμῷ
357 ἦγον ἐς ἀκρόπολιν βεβαρημένον ἔνδοθεν ἵππον.
358 κούρη δὲ Πριάμοιο θεήλατος οὐκέτι μίμνειν
359 ἤθελεν ἐν θαλάμοισι· διαρρήξασα δ´ ὀχῆας
360 ἔδραμεν ἠύτε πόρτις ἀήσυρος, ἥντε τυπεῖσαν
361 κέντρον ἀνεπτοίησε βοορραίσταο μύωπος·
362 ἡ δ´ οὐκ εἰς ἀγέλην ποτιδέρκεται οὐδὲ βοτῆρι
363 πείθεται οὐδὲ νομοῖο λιλαίεται, ἀλλὰ βελέμνῳ
364 ὀξέι θηγομένη βοέων ἐξήλυθε θεσμῶν·
365 τοίη μαντιπόλοιο βολῆς ὑπὸ νύγματι κούρη
366 πλαζομένη κραδίην ἱερὴν ἀνεσείετο δάφνην.
367 πάντη δ´ ἐβρυχᾶτο κατὰ πτόλιν· οὐδὲ τοκήων
368 οὐδὲ φίλων ἀλέγιζε· λίπεν δέ ἑ παρθένος αἰδώς.
369 οὐχ οὕτω Θρήισσαν ἐνὶ δρυμοῖσι γυναῖκα
370 νήδυμος αὐλὸς ἔτυψεν ὀρειμανέος Διονύσου,
371 ἥτε θεῷ πληγεῖσα παρήορον ὄμμα τιταίνει
372 γυμνὸν ἐπισσείουσα κάρη κυανάμπυκι κισσῷ,
373 ὡς ἥγε πτερόεντος ἀναΐξασα νόοιο
374 Κασσάνδρη θεόφοιτος ἐμαίνετο· πυκνὰ δὲ χαίτην
375 κοπτομένη καὶ στέρνον ἀνίαχε μαινάδι φωνῇ·
376 ὦ μέλεοι, τίνα τοῦτον ἀνάρσιον ἵππον ἄγοντες
377 δαιμόνιοι μαίνεσθε καὶ ὑστατίην ἐπὶ νύκτα
378 σπεύδετε καὶ πολέμοιο πέρας καὶ νήγρετον ὕπνον;
379 δυσμενέων ὅδε κῶμος ἀρήιος· αἱ δέ που ἤδη
380 τίκτουσιν μογερῆς Ἑκάβης ὠδῖνες ὀνείρων,
381 λήγει δ´ ἀμβολιεργὸν ἔτος πολέμοιο λυθέντος.
382 τοῖος ἀριστήων λόχος ἔρχεται, οὓς ἐπὶ χάρμην
383 τεύχεσιν ἀστράπτοντας ἀμαυροτάτην ὑπὸ νύκτα
384 τέξεται ὄβριμος ἵππος· ἐπὶ χθόνα δ´ ἄρτι θορόντες
385 ἐς μόθον ὁρμήσουσι τελειότατοι πολεμισταί.
386 οὐ γὰρ ἐπ´ ὠδίνεσσι μογοστόκον ἵππον ἀνεῖσαι
387 ἀνδράσι τικτομένοισιν ἐπισχήσουσι γυναῖκες,
388 αὐτὴ δ´ Εἰλείθυια γενήσεται, ἥ μιν ἔτευξε·
389 γαστέρα δὲ πλήθουσαν ἀνακλίνασα βοήσει
390 μαῖα πολυκλαύτοιο τόκου πτολίπορθος Ἀθήνη.
391 καὶ δὴ πορφύρεον μὲν ἑλίσσεται ἔνδοθι πύργων
392 αἵματος ἐκχυμένου πέλαγος καὶ κῦμα φόνοιο,
393 δεσμά τε συμπαθέων πλέκεται περὶ χερσὶ γυναικῶν
394 νυμφία, φωλεύει δ´ ὑπὸ δούρασι κευθόμενον πῦρ.
395 ὤμοι ἐμῶν ἀχέων, ὤμοι σέο, πάτριον ἄστυ,
396 αὐτίκα λεπταλέη κόνις ἔσσεαι, οἴχεται ἔργον
397 ἀθανάτων, προθέλυμνα θεμείλια Λαομέδοντος.
398 καὶ σέ, πάτερ, καὶ μῆτερ, ὀδύρομαι, οἷά μοι ἤδη
399 ἀμφότεροι πείσεσθε· σὺ μέν, πάτερ, οἰκτρὰ δεδουπὼς
| [350] Les cris des femmes répondaient à ceux des hommes ; les enfants mêlaient leurs voix aiguës aux
sons débiles que poussaient les vieillards. Comme on voit des grues arriver en troupes des rivages situés
par delà le vaste Océan, ces filles de l'hiver annoncent leur venue par les cris qu'elles font entendre
au haut des airs ; elles planent, et, disposées en rond, elles gardent toujours un ordre admirable : le
laboureur, affligé du retour des frimas, se désole en les voyant. Ainsi les Troyens, assemblés en
tumulte au devant de leurs portes, amenaient un cheval qui portait dans ses flancs des bataillons ; ils
allaient le déposer dans leur citadelle.
Dans ses entrefaites, Cassandre, agitée par l'esprit prophétique, et ne pouvant plus demeurer
renfermée dans son appartement, en avait brisé la porte, et courait au dehors. Telle on voit une
génisse piquée par un insecte, vrai fléau de son espèce, s'élancer avec légèreté : c'est en vain que le
berger attend son retour ; elle n'entend plus sa voix qui l'appelle, elle a oublié ses pâturages qu'elle
aimait tant ; depuis qu'elle a senti l'aiguillon de son ennemi, elle a fui loin de ses parcs. Telle la fille de
Priam, en proie au trait dont elle était déchirée en découvrant un avenir fâcheux, agitait le laurier sacré
; elle remplissait la ville de ses hurlements. Ni ce qu'elle doit au rang illustre dont elle est issue, ni ce
qu'elle doit à ses amis, rien ne peut la retenir ; elle a perdu jusqu'au sentiment de la pudeur, si cher à
son sexe. L'excès de fureur auquel elle est livrée est pire que l'état de ces femmes thraces qui,
troublées par le son des flûtes de Bacchus lorsqu'il court sur les montagnes, et ressentant toute la
rage que ce dieu sait inspirer, restent immobiles, sans que rien puisse détourner leurs regards de
l'objet sur lequel ils se sont fixés : on les voit secouer leur tête dépouillée de tout ornement, et ceinte
uniquement d'une bandelette de lierre attachée par un cordon ; ainsi Cassandre, conduite par son
délire, errait çà et là. Souvent dans les accès de son désespoir elle s'arrachait les cheveux, et,
déchirant sa poitrine, elle jetait des cris effroyables : «Insensés que vous êtes, dit-elle en s'adressant
aux Troyens, quelle fureur aveugle vous a fait conduire dans vos portes ce cheval, ouvrage de la
perfidie ? pourquoi vous précipiter ainsi dans la nuit éternelle ? c'est à la mort que vous courez ; un
sommeil funeste va fermer vos yeux pour jamais. Ne voyez-vous pas que vos ennemis sont campés
dans cette prodigieuse machine ? C'est à cette heure que vont s'accomplir les tristes visions qui ont
troublé le repos d'Hécube. Rien ne s'opposera désormais aux efforts de nos ennemis ; ils touchent à
l'exécution de leur entreprise, et leurs succès vont terminer la guerre. Ln bataillon de héros grecs est
prêt à fondre sur nous, ils n'attendent qu'une nuit obscure pour sortir des flancs où ils sont renfermés,
ils brûlent de descendre à terre pour nous livrer combat. Malgré les ténèbres, nous verrons briller le
fer homicide levé contre nous. Avec quelle ardeur ces braves guerriers vont s'élancer dans la mêlée !
Vos femmes, alarmées à l'aspect de tant de soldats sortis du ventre du cheval, s'enfuiront, et ne
pourront tenir contre une semblable multitude. La déesse qui a conçu le plan de cette machine la
délivrera du poids dont elle est surchargée ; Pallas elle-même, qui se plaît à désoler les cités,
favorisera cette espèce d'enfantement qui doit nous coûter tant de larmes. Je vois déjà les flots de
notre sang rejaillir sur nos meurtriers ; ils se repaissent de carnage. Les femmes, enveloppées dans le
malheur commun, sont chargées de fers. Un feu dévorant s'est glissé dans nos murs, c'est du sein du
cheval qu'il est sorti. Hélas ! malheureuse Cassandre ! hélas ! chère patrie ! tu vas être réduite en
poussière. L'ouvrage des dieux va périr : des murs qu'ils ont bâtis eux-mêmes, et que Laomédon
fonda jadis, sont près d'être renversés. O mon père ! je gémis d'avance sur tes malheurs et sur ceux
d'une reine infortunée ; une chute affreuse t'attend.
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