[16] Ἀλλ´ ἤδη γάρ τι καὶ περὶ τῆς τέχνης ῥητέον,
ὡς ἂν παραγένοιτο. ἄριστον μὲν οὖν οὕτως παρεσκευακέναι
τὸ πνεῦμα τὸ θεῖον, ὡς ἐφορείας ἀξιοῦσθαι νοῦ καὶ
θεοῦ, ἀλλὰ μὴ δεξαμενὴν εἶναι τῶν ἀορίστων εἰδώλων.
τροφὴ δὲ ἀρίστη διά τε φιλοσοφίας γαλήνην ἐμποιούσης
παθῶν, ὑφ´ ὧν κινηθέντων τὸ πνεῦμα, καθάπερ χώρα, καταλαμβάνεται,
καὶ διὰ μετρίας διαίτης καὶ σώφρονος, ἥκιστα
μὲν ἐξοιστρώσης τὸ ζῷον, ἥκιστα δὲ σάλον ἐμποιούσης εἰς
τὸ ἔσχατον σῶμα· φθάνοι γὰρ ἂν ὁ κλόνος μέχρι τοῦ πρώτου,
τὸ δὲ ἀτρεμές τε δεῖ καὶ ἀκλόνητον εἶναι. ἀλλ´ ἐπειδὴ
τοῦτο συνεύξασθαι μὲν ἅπαντι ῥᾴδιον, συγκατεργάσασθαι
δὲ ἁπάντων ἀμηχανώτατον, ἡμεῖς δὲ βουλόμεθα μηδενὶ τὸν
ὕπνον ἀνόνητον εἶναι, φέρε τινὰ κἂν τοῖς ἀορίστοις ὅρον
ζητήσωμεν, τοῦτ´ ἔστι τέχνην περὶ τὰ εἴδωλα συστησώμεθα.
ἔχει δὲ οὕτως· ὥσπερ ἐπὶ τῶν διαποντίων πλεόντων,
ὅταν ποτὲ σκοπέλῳ τινὶ προεντύχωσι, κᾆτ´ ἀποβάντες
ἴδωσι πόλιν ἀνδρῶν, ὁσάκις ἂν τὸν αὐτὸν σκόπελον ἴδωσι,
τὴν αὐτὴν πόλιν σημαίνονται· καὶ ὥσπερ ἐπὶ τῶν στρατηγῶν,
οὓς οὐχ ὁρῶντες ἀπὸ τῶν προδρόμων ἴσμεν ὅτι
παρέσονται· τῶν γὰρ αὐτῶν φανέντων, ἀεί ποτε παρεγένοντο·
οὕτω καὶ τοῖς εἰδώλοις ἑκάστοτε σημαινόμεθα τὴν
τῶν ἐσομένων ἐνέργειαν· πρόδρομα γάρ ἐστι ταῦτα τῶν
αὐτῶν, καὶ ὅμοια τῶν ὁμοίων. ὥσπερ οὖν κυβερνήτου κακία
ταὐτοῦ σκοπέλου φανέντος μὴ ἐπιγνῶναι, μηδ´ ἔχειν εἰπεῖν
παρ´ ἥντινα γῆν τὸ σκάφος σαλεύει, καὶ ὁ τοιοῦτος ἀτέκμαρτα
πλεῖ, οὕτως ὁ τὴν αὐτὴν ὄψιν πολλάκις ἰδών, εἰ μὴ
κατεσημήνατο τίνος αὐτῷ προφῆτις ἐγένετο πάθους ἢ τύχης
ἢ πράξεως, ἀνοήτως χρῆται τῷ βίῳ, καθάπερ ὁ κυβερνήτης
ἐκεῖνος τῷ σκάφει. καὶ τὰς διοσημείας προαγορεύομεν ἐν
εἰρήνῃ βαθείᾳ τοῦ περιέχοντος, περὶ τὴν σελήνην ἅλως
ἰδόντες, ὅτι πολλάκις ἰδόντων οὕτω χειμὼν ἠκολούθησεν,
τῇ μὲν ἰῇ ἀνέμοιο γαληναίης τε δοκεύειν,
ῥηγνυμένῃ ἀνέμοιο, μαραινομένῃ δὲ γαλήνης.
αἱ δύο δ´ ἂν χειμῶνι περιτροχάοιντο σελήνην.
μείζονα δ´ ἂν χειμῶνα φέροι τρισέλικτος ἀλωή,
καὶ μᾶλλον μελανεῦσα, καὶ εἰ ῥηγνύατο μᾶλλον.
οὕτως ἐπὶ πάντων Ἀριστοτέλης τε καὶ ὁ λόγος φησίν· ἡ
μὲν αἴσθησις μνήμην, ἡ δὲ μνήμη πεῖραν, ἡ δὲ πεῖρα τέχνην
ἐποίησεν. οὕτω καὶ τὴν ἐπὶ τοὺς ὀνείρους βαδίσωμεν.
| [16] C’est ici que je dois dire comment on peut acquérir cet art de la divination.
Ce qu’il faut tout d’abord, c’est que l’esprit divin qui est en nous soit assez
bien préparé pour être visité par l’intelligence et par Dieu, et n’être pas le réceptacle
des vaines images. Or, pour qu’il en soit ainsi, recourons surtout à la philosophie, dont
la bienfaisante action apaise les passions qui assiègent l’esprit et l’envahissent pour
en faire leur demeure; portons dans notre vie des habitudes de tempérance et de
frugalité, afin de ne pas agiter la partie animale de notre être; car le trouble des sens
s’étend bientôt jusqu’à l’imagination, qu’il faut garder paisible et tranquille. Ce calme, il
est bien facile de le souhaiter, mais bien malaisé d’y parvenir. Pour moi, comme je
veux que le sommeil ne soit inutile à personne, je vais chercher une règle fixe qui
s’applique à l’infinie variété des rêves; en d’autres termes il s’agit d’établir une science
des apparitions nocturnes. Voici comment on peut s’y prendre.
Le navigateur qui, après être passé près d’un rocher, aperçoit une ville, sait
plus tard, quand il signale le même rocher, que la même ville va se montrer à ses
yeux. Nous n’avons pas besoin de voir un général pour savoir qu’il vient; pour nous
avertir de son approche il suffit des cavaliers qui le précèdent : car chaque fois qu’ils
ont apparu, c’est que le général arrivait. Ainsi les images qui se présentent à notre
esprit sont des indices de l’avenir; le retour des mêmes signes présage le retour des
mêmes événements. C’est un triste pilote celui qui repasse près du même rocher sans
le reconnaître, et qui ne peut dire à quel rivage il est près d’aborder; il navigue à
l’aventure. Ainsi l’homme qui a eu plusieurs fois le même rêve, et qui n’a pas observé
ce qu’annonçait ce rêve, accident, bonheur, entreprise, celui-là dirige sa vie comme ce
pilote dirige son vaisseau, sans réflexion. Nous pronostiquons les tempêtes, même
quand tout est tranquille dans l’atmosphère, si nous apercevons des cercles autour de
la lune; car nous avons souvent remarqué qu’après ce phénomène est venu l’orage.
"Un seul cercle, terni, présage un temps serein;
S’il est brisé, du vent c’est l’annonce certaine;
S’il est double, crois-moi, la tempête est prochaine;
Mais s’il est triple, et sombre, et brisé, je m’attends
Alors plus que jamais aux fureurs des autans".
Ainsi toujours, comme le dit Aristote, et avec lui la raison, de la perception
procède la mémoire, de la mémoire l’expérience, et de l’expérience la science. C’est
par cette voie que nous arriverons à l’interprétation des songes.
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