[14] Ἅλις ἐγκωμίων, καὶ καταβάλωμεν. ἀλλ´ ἦ παρὰ
μικρὸν ἀγνωμοσύνης ἑάλωκα· ὅτι μὲν ἀγαθὴ συνεκπλεῦσαί
τε καὶ συγκαταμεῖναι, καὶ συνεμπορεύσασθαι, καὶ συστρατηγῆσαι
καὶ πᾶσι πάντα συγκατεργάσασθαι, ταῦθ´ ἃ μικρὸν
πρόσθεν εἶπον, τὰ δὲ εἰς αὐτὸν ἐμὲ παρ´ αὐτῆς οὔπω
δημοσιεύσας. καίτοι γε οὐδὲν οὕτω συνδιατίθεται τοῖς
ἀνθρώποις, ὡς συμφιλοσοφεῖ, καὶ πολλὰ τῶν ὕπαρ ἀπόρων,
ἐπειδὴ καθεύδοιμεν, τὰ μὲν ὅλα ἔφηνε, τὰ δὲ συνηυπόρησε.
γίνεται γάρ τι τοιοῦτον, ὡς νῦν μὲν ἐοικέναι πυνθανομένῳ,
νῦν δὲ αὐτὸν εἶναι τὸν ἐξευρίσκοντα καὶ διανοούμενον·
ἐμοὶ δὴ θαμὰ καὶ συγγράμματα συνεξείργασται. καὶ γὰρ
νοῦν ηὐτρέπισε, καὶ λέξιν ἐνήρμοσε, καὶ τὸ μὲν διέγραψε,
τὸ δὲ ἀντεισήγαγεν. ἤδη δέ ποτε καὶ τὴν ὅλην κατασκευὴν
τῆς γλώττης ὑλομανοῦσάν τε καὶ φλεγμαίνουσαν
ὀνομάτων καινότητι, ζήλῳ τῆς ἐκφύλου, τῆς ἀρχαίας
Ἀτθίδος, ἡ δὲ διὰ θεοῦ νουθετήσασα, τὸ μέν τι εἰπόντος,
τὸ δὲ τί ἐστιν εἰπόντος, τὸ δὲ δείξαντος ὄχθους
τινὰς ἀπολεαίνειν ἐμπεφυκότας τῆς γλώττης, ἐπανήγαγέ
τε ἐς τὸ σῶφρον, καὶ τὸ οἰδοῦν ἐκόλασε. καὶ κυνηγετοῦντί
ποτε συνεπαλαμήσατο μηχανὰς ἐπὶ τὰ σὺν τέχνῃ τῶν
θηρίων καὶ θέοντα καὶ κρυπτόμενα, καὶ ἀπειπόντι δέ ποτε
καὶ ἀναζευγνύντι προσεδρείαν ἐπέταξε, καὶ τὴν τύχην εἰς
κυρίαν ὑπέσχετο, ὥστε ἥδιον θυραυλῆσαι πιστεύσαντα· ἡ
δέ, ἐπειδὴ παρῆν, ἡ κυρία, καὶ ἡ τύχη παρῆν, ἥ γε ὑπέδειξεν
ἐσμοὺς δικτυαλώτων καὶ δοριαλώτων θηρίων. ἐμοὶ
μὲν οὖν βίος βιβλία καὶ θήρα, ὅτι μὴ πεπρέσβευκά ποτε. ὡς
οὐκ ὤφελον ἀποφράδας ἰδεῖν ἐνιαυτοὺς τρεῖς ἐκ τοῦ βίου.
καὶ μέντοι τότε πλεῖστα δὴ καὶ μέγιστα ὠνάμην αὐτῆς.
ἐπιβουλάς τε γὰρ ἐπ´ ἐμὲ ψυχοπομπῶν γοήτων ἀκύρους
ἐποίησε, καὶ φήνασα καὶ ἐξ ἁπασῶν περισώσασα, καὶ κοινὰ
συνδιῴκησεν, ὥστε ἄριστα ἔχειν ταῖς πόλεσι, καὶ ἐς τὴν
βασιλέως ὁμιλίαν τῶν πώποτε Ἑλλήνων θαρραλεώτερον
παρεστήσατο. ἄλλοις δὲ ἄλλων μέλει· ἡ δὲ πάρεστι πᾶσι
δαίμων ἀγαθὸς οὖσα ἑκάστῳ, καὶ ἐπιτεχνωμένη τι ταῖς ἐν
ἐγρηγορόσι φροντίσιν. οὕτω σοφόν τι χρῆμα ψυχὴ σχολάσασα
τοῦ κατακλυσμοῦ τῶν ἀγοραίων αἰσθήσεων ἐπεισαγουσῶν
αὐτῇ παντοδαπὸν τὸ ἀλλότριον. ἅ τε γὰρ
ἔχει τὰ εἴδη, καὶ ὅσα παρὰ νοῦ δέχεται, μόνη γενομένη
παρέχει τοῖς ἐστραμμένοις ἐπὶ τὰ εἴσω, καὶ τὰ παρὰ τοῦ
θείου πορθμεύει. συγγίνεται γὰρ αὐτῇ καὶ θεὸς ἐγκόσμιος
οὕτως ἐχούσῃ, τῷ τὴν φύσιν αὐτῆς ὁμόθεν εἶναι.
| [14] C’est assez faire l’éloge des songes; arrêtons-nous. Mais quoi! j’allais être
ingrat. Je l’ai déjà montré : parcourons les mers ou restons dans nos foyers, soyons
marchands ou soldats, toujours et partout nous portons avec nous la faculté de prévoir
l’avenir. Mais je n’ai pas encore dit tout ce que moi-même je dois aux songes. Et
pourtant ce sont les esprits tournés vers la philosophie que les songes viennent
surtout visiter, pour les éclairer dans leurs difficiles recherches, pour leur apporter
pendant le sommeil les solutions qui leur échappent pendant la veille. On semble, en
dormant, tantôt apprendre, tantôt trouver par sa propre réflexion. Pour moi, que de fois
les songes sont venus à mon secours dans la composition de mes écrits! Souvent ils
m’ont aidé à mettre mes idées en ordre, et mon style en harmonie avec mes idées; ils
m’ont fait effacer certaines expressions, pour en choisir d’autres. Quand je me laissais
aller à prodiguer les images et les termes pompeux pour imiter ce nouveau genre
attique si éloigné de l’ancien, un dieu alors m’avertissait dans mon sommeil, censurait
mes écrits, en faisait disparaître les phrases emphatiques, et me ramenant au naturel
me corrigeait de l’enflure du style. D’autres fois, dans le temps des chasses, j’ai
inventé, à la suite d’un rêve, des pièges pour prendre les animaux les plus légers à la
course, ou les plus adroits à se cacher. Si, rebuté d’une trop longue attente, je me
préparais à revenir chez moi, les songes me rendaient le courage, en m’annonçant,
pour tel ou tel jour, une chance meilleure : je veillais alors patiemment quelques nuits
de plus; la fortune reparaissait en effet au jour marqué, et une foule d’animaux
venaient tomber dans mes filets ou sous mes flèches. Ma vie tout entière s’est passée
sur les livres ou à la chasse, excepté le temps de mon ambassade; et plût aux dieux
que je n’eusse point vécu ces trois années maudites ! Mais alors encore la divination
m’a été singulièrement utile : c’est elle qui m’a préservé des embûches que me
tendaient certains magiciens, révélé leurs sortilèges, sauvé de tout danger; elle m’a
soutenu pendant toute la durée de cette mission qu’elle a fait réussir pour le plus
grand bien des villes de la Libye; elle m’a conduit jusque devant l’Empereur, au milieu
de la cour, où j’ai parlé avec une indépendance dont jamais Grec n’avait encore donné
l’exemple.
Chaque genre de divination a ses adeptes particuliers; mais la divination par
les songes s’adresse à tous : elle s’offre à chacun de nous comme une divinité
propice; elle ajoute de nouvelles conceptions à celles que nous avons trouvées dans
nos veillées méditatives. Rien de plus sage qu’une âme dégagée du tumulte des sens,
qui ne lui apportent du dehors que troubles sans fin. Les idées qu’elle possède, et,
quand elle est recueillie en elle-même, celles qu’elle reçoit de l’intelligence, elle les
communique à ceux qui sont tournés vers la vie intérieure; elle fait passer en eux tout
ce qui lui vient de Dieu; car entre cette âme et la divinité qui anime le monde il existe
des rapports étroits, parce que toutes deux viennent de la même source.
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