[17b,3] Ὑπέρκειται δὲ τῆς Μερόης ἡ Ψεβὼ λίμνη μεγάλη
νῆσον ἔχουσα οἰκουμένην ἱκανῶς. συμβαίνει δὲ τοῦ
Νείλου τὴν μὲν δυσμικὴν παραποταμίαν ἐχόντων τῶν
Λιβύων, τὴν δὲ πέραν Αἰθιόπων, παρὰ μέρος αὐτῶν
τὴν ἐπικράτειαν εἶναι τῶν νήσων καὶ τῆς ποταμίας,
ἐξελαυνομένων τῶν ἑτέρων καὶ παραχωρούντων τοῖς
κρείττοσι γενομένοις. χρῶνται δὲ καὶ τόξοις Αἰθίοπες
τετραπήχεσι ξυλίνοις πεπυρακτωμένοις· ὁπλίζουσι δὲ
καὶ τὰς γυναῖκας, ὧν αἱ πλείους κεκρίκωνται τὸ χεῖλος
τοῦ στόματος χαλκῷ κρίκῳ· κωδιοφόροι δ´ εἰσίν,
ἐρέαν οὐκ ἔχοντες, τῶν προβάτων αἰγοτριχούντων· οἱ
δὲ γυμνῆτές εἰσιν, οἳ καὶ περιέζωνται μικρὰ κώδια ἢ
τρίχινα πλέγματα εὐυφῆ. θεὸν δὲ νομίζουσι τὸν μὲν
ἀθάνατον (τοῦτον δ´ εἶναι τὸν αἴτιον τῶν πάντων)
τὸν δὲ θνητὸν ἀνώνυμόν τινα καὶ οὐ σαφῆ· ὡς δ´ ἐπὶ
τὸ πολὺ τοὺς εὐεργέτας καὶ βασιλικοὺς θεοὺς νομίζουσι,
καὶ τούτων τοὺς μὲν βασιλέας κοινοὺς ἁπάντων
σωτῆρας καὶ φύλακας, τοὺς δ´ ἰδιώτας ἰδίως τοῖς
εὖ παθοῦσιν ὑπ´ αὐτῶν. τῶν δὲ πρὸς τῇ διακεκαυμένῃ
τινὲς καὶ ἄθεοι νομίζονται, οὕς γε καὶ τὸν ἥλιόν
φασιν ἐχθαίρειν καὶ κακῶς λέγειν ἐπειδὰν προσίδωσιν
ἀνίσχοντα, ὡς καίοντα καὶ πολεμοῦντα αὐτοῖς, καταφεύγειν
τε εἰς τὰ ἕλη. οἱ δ´ ἐν Μερόῃ καὶ Ἡρακλέα
καὶ Πᾶνα καὶ Ἶσιν σέβονται πρὸς ἄλλῳ τινὶ βαρβαρικῷ
θεῷ. τοὺς δὲ νεκροὺς οἱ μὲν εἰς τὸν ποταμὸν
ἐκρίπτουσιν, οἱ δ´ οἴκοι κατέχουσι περιχέαντες ὕαλον·
τινὲς δὲ ἐν κεραμέαις σοροῖς κατορύττουσι κύκλῳ τῶν
ἱερῶν, ὅρκον τε τὸν ὑπὲρ αὐτῶν ἀπαιτοῦσι καὶ πάντων
ἁγιστεύουσι μάλιστα. βασιλέας τε καθιστᾶσι τοὺς
κάλλει διαφέροντας ἢ ἀρετῇ κτηνοτροφίας ἢ ἀνδρείᾳ
ἢ πλούτῳ. ἐν δὲ τῇ Μερόῃ κυριωτάτην τάξιν ἐπεῖχον
οἱ ἱερεῖς τὸ παλαιόν, οἵ γε καὶ τῷ βασιλεῖ προσέταττον
ἔσθ´ ὅτε ἀποθνήσκειν πέμψαντες ἄγγελον καὶ καθίστασαν
ἀντ´ αὐτοῦ ἕτερον· ὕστερον δὲ κατέλυσέ τις
τῶν βασιλέων τὸ ἔθος, ἐπιὼν μεθ´ ὅπλων ἐπὶ τὸ ἱερόν,
ὅπου ὁ χρυσοῦς νεώς ἐστι, καὶ τοὺς ἱερέας ἀποσφάξας
πάντας. ἔστι δὲ καὶ τοῦτο ἔθος Αἰθιοπικόν·
ὃς γὰρ ἂν τῶν βασιλέων πηρωθῇ μέρος τι τοῦ σώματος
ὁπωσοῦν, τὸ αὐτὸ πάσχουσιν οἱ συνόντες αὐτῷ
μάλιστα, οἱ δ´ αὐτοὶ καὶ συναποθνήσκουσιν· ἐκ δὲ
τούτου φυλακὴ τοῦ βασιλέως ἐστὶ πλείστη παρ´ αὐτῶν.
περὶ μὲν Αἰθιόπων ἀρκέσει ταῦτα.
| [17b,3] Au-dessus de Méroé se déploie le grand lac Psébo, dont une île encore
assez peuplée occupe le milieu. Le voisinage des Libyens et des
Ethiopiens, placés comme ils sont des deux côtés du Nil en regard les uns
des autres, fait que la possession des îles et de la vallée du fleuve
passe tour à tour aux mains de chacun de ces deux peuples : dès que l'un
se sent le plus fort, il chasse l'autre et le force à reculer devant lui.
Les Ethiopiens se servent d'arcs hauts de 4 coudées {et d'épieux} en bois
durci au feu. Leurs femmes portent les mêmes armes et ont presque toutes
la lèvre percée pour y passer un anneau de cuivre. Les Ethiopiens
s'habillent de peaux de bêtes, faute de pouvoir utiliser la laine de leurs
brebis, qui est aussi dure, aussi rude, que du poil de chèvre.
Quelques-uns même vont nus, ou peu s'en faut, ayant pour unique vêtement
une ceinture faite de peaux étroites ou d'une étoffe de poil artistement
tissue. Indépendamment d'un dieu immortel, cause et principe de toutes
choses, ils reconnaissent un dieu mortel, mais sans le désigner par un nom
particulier et sans définir nettement sa nature. Généralement aussi, ils
rendent les honneurs divins à la personne de leurs bienfaiteurs et de
leurs rois, attribuant à la protection et à la tutelle des rois un
caractère plus général et à celle des évergètes ou bienfaiteurs un
caractère plus particulier, plus domestique. Il y a aussi parmi les
Ethiopiens qui touchent à la zone torride quelques tribus qui passent pour
athées : du moins professent-elles pour le Soleil une véritable haine,
maudissant chaque jour, quand il se lève, ses feux dévorants et
malfaisants, et, pour le fuir, allant se cacher tout au fond des marais. A
Méroé, c'est Hercule qu'on adore en compagnie de Pan, d'Isis, et d'une
autre divinité d'importation barbare. Pour ce qui est des morts {l'usage
varie} : ici on les jette dans le Nil, ailleurs on les garde dans les
maisons sous des carreaux de pierre spéculaire ajustés à leur taille ;
ailleurs encore on les inhume autour des temples après les avoir mis dans
des cercueils de terre cuite. Quand il s'agit de faire jurer quelqu'un, on
l'amène là au-dessus des tombeaux : cette forme de serment est la plus
sacrée aux yeux des Ethiopiens. On choisit de préférence pour rois les
hommes les plus beaux, les pasteurs les plus exercés, ou ceux que désigne
la plus grande réputation de bravoure ou de richesse. A Méroé,
anciennement, le premier rang appartenait aux prêtres, et telle était leur
autorité qu'il leur arrivait parfois de signifier au roi par messager
qu'il eût à mourir et à céder la place à un autre qu'ils proclamaient du
même coup. Mais plus tard un roi vint qui abolit pour toujours cette
coutume; suivi d'une bande d'hommes armés, il assaillit l'enceinte sacrée
où s'élève le Temple d'or, et égorgea tous les prêtres jusqu'au dernier.
Il est encore d'usage en Ethiopie, que, quand le roi, par accident ou
autrement, a perdu l'usage d'un membre ou ce membre lui-même, tous ceux
qui composent son cortège habituel (et qui sont destinés d'ailleurs à
mourir en même temps que lui) s'infligent une mutilation semblable. Et
c'est ce qui explique le soin extrême avec lequel ils veillent sur la
personne du roi. - Nous n'en dirons pas davantage au sujet des Ethiopiens.
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