[7,3,4] Τὸ μὲν οὖν τὴν γραφὴν κινεῖν ἐκ τοσούτων ἐτῶν εὐδοκιμήσασαν περιττὸν
ἴσως· πολὺ γὰρ πιθανώτερον ὠνομάσθαι μὲν ἐξ ἀρχῆς Μυσούς,
μετωνομάσθαι δὲ ὡς νῦν. Τοὺς ἀβίους δὲ τοὺς χήρους {οὐ} μᾶλλον ἢ τοὺς
ἀνεστίους καὶ τοὺς ἁμαξοίκους δέξαιτ' ἄν τις· μάλιστα γὰρ περὶ τὰ συμβόλαια
καὶ τὴν τῶν χρημάτων κτῆσιν συνισταμένων τῶν ἀδικημάτων, τοὺς οὕτως ἀπ'
ὀλίγων εὐτελῶς ζῶντας δικαιοτάτους εὔλογον κληθῆναι· ἐπεὶ καὶ οἱ
φιλόσοφοι τῇ σωφροσύνῃ τὴν δικαιοσύνην ἐγγυτάτω τιθέντες τὸ αὔταρκες καὶ
τὸ λιτὸν ἐν τοῖς πρώτοις ἐζήλωσαν· ἀφ' οὗ καὶ προεκπτώσεις τινὰς αὐτῶν
παρέωσαν ἐπὶ τὸν κυνισμόν. Τὸ δὲ χήρους γυναικῶν οἰκεῖν οὐδεμίαν τοιαύτην
ἔμφασιν ὑπογράφει, καὶ μάλιστα παρὰ τοῖς Θρᾳξί, καὶ τούτων τοῖς Γέταις.
Ὅρα δ' ἃ λέγει Μένανδρος περὶ αὐτῶν, οὐ πλάσας, ὡς εἰκός, ἀλλ' ἐξ ἱστορίας
λαβών· Πάντες μὲν οἱ Θρᾷκες, μάλιστα δ' οἱ Γέται
ἡμεῖς ἁπάντων (καὶ γὰρ αὐτὸς εὔχομαι
ἐκεῖθεν εἶναι τὸ γένος) οὐ σφόδρ' ἐγκρατεῖς ἐσμέν,
καὶ ὑποβὰς μικρὸν τῆς περὶ τὰς γυναῖκας ἀκρασίας τίθησι τὰ παραδείγματα·
Γαμεῖ γὰρ ἡμῶν οὐδὲ εἷς, εἰ μὴ δέκ' ἢ
ἕνδεκα γυναῖκας δώ" δεκά τ' ἢ πλείους τινάς.
Ἂν τέτταρας δ' ἢ πέντε γε γαμηκὼς τύχῃ
καταστροφῆς τις, ἀνυμέναιος, ἄθλιος
ἄνυμφος οὗτος ἐπικαλεῖτ' ἐν τοῖς ἐκεῖ.
Ταῦτα γὰρ ὁμολογεῖται μὲν καὶ παρὰ τῶν ἄλλων. Οὐκ εἰκὸς δὲ τοὺς αὐτοὺς
ἅμα μὲν ἄθλιον νομίζειν βίον τὸν μὴ μετὰ πολλῶν γυναικῶν, ἅμα δὲ
σπουδαῖον καὶ δίκαιον τὸν τῶν γυναικῶν χῆρον. Τὸ δὲ δὴ καὶ θεοσεβεῖς
νομίζειν καὶ καπνοβάτας τοὺς ἐρήμους γυναικῶν σφόδρα ἐναντιοῦται ταῖς
κοιναῖς ὑπολήψεσιν.
Ἅπαντες γὰρ τῆς δεισιδαιμονίας ἀρχηγοὺς οἴονται τὰς γυναῖκας·
αὗται δὲ καὶ τοὺς ἄνδρας προκαλοῦνται πρὸς τὰς ἐπὶ πλέον
θεραπείας τῶν θεῶν καὶ ἑορτὰς καὶ ποτνιασμούς· σπάνιον δ' εἴ τις ἀνὴρ καθ'
αὑτὸν ζῶν εὑρίσκεται τοιοῦτος. Ὅρα δὲ πάλιν τὸν αὐτὸν ποιητήν, ἃ λέγει
εἰσάγων τὸν ἀχθόμενον ταῖς περὶ τὰς θυσίας τῶν γυναικῶν δαπάναις καὶ
λέγοντα· Ἐπιτρίβουσι δ' ἡμᾶς οἱ θεοὶ,
μάλιστα τοὺς γήμαντας· ἀεὶ γάρ τινα
ἄγειν ἑορτήν ἐστ' ἀνάγκη·
τὸν δὲ μισογύνην αὐτὰ ταῦτα αἰτιώμενον·
Ἐθύομεν δὲ πεντάκις τῆς ἡμέρας,
ἐκυμβάλιζον δ' ἑπτὰ θεράπαιναι κύκλῳ,
αἱ δ' ὠλόλυζον.
Τὸ μὲν οὖν ἰδίως τοὺς ἀγύνους τῶν Γετῶν εὐσεβεῖς νομίζεσθαι παράλογόν τι
ἐμφαίνει· τὸ δ' ἰσχύειν ἐν τῷ ἔθνει τούτῳ τὴν περὶ τὸ θεῖον σπουδὴν ἔκ τε ὧν
εἶπε Ποσειδώνιος οὐκ ἀπιστητέον (καὶ ἐμψύχον ἀπέχεσθαι δι' εὐσέβειαν) καὶ
ἐκ τῆς ἄλλης ἱστορίας.
| [7,3,4] Mais, sans compter qu'il peut paraître oiseux de toucher à une leçon
admise et consacrée depuis des siècles, il est infiniment plus probable
qu'en Europe comme en Asie le nom de Mysiens est l'ancien nom, et
que celui de Moesiens qu'on donne aujourd'hui à ces populations de la
Thrace n'est qu'une altération de la forme primitive. Personne ne
voudra croire non plus que l'expression g-abious dont s'est servi Homère
se rapporte aux privations du célibat plutôt qu'à celles de la vie
nomade, de la vie hamaxoeque. En général l'injustice et la fraude
naissent des contrats auxquels donne lieu la possession, l'acquisition
des biens ; on conçoit donc parfaitement qu'Homère ait appelé les plus
justes des hommes des peuples {connus pour ne posséder rien} et
pour vivre de si peu de chose et à si peu de frais, et l'on peut même
dire qu'il n'y a rien de plus logique, d'autant que nos philosophes,
aujourd'hui encore, semblent identifier en quelque sorte la justice avec
la tempérance, en s'attachant, comme ils le font, par-dessus tout, à
réduire leurs besoins et à simplifier leur vie, au risque parfois de
tomber dans le cynisme par l'exagération de leur principe. Mais le
célibat, dans les idées des peuples Thraces surtout, et dans celles des
Gètes en particulier, n'impliquait absolument rien de pareil.
Voyez plutôt le portrait que Ménandre a tracé d'eux (et évidemment il
n'invente pas, il peint d'après nature) :
«Nous autres Thraces, tous tant que nous sommes, nous autres
Gètes surtout (car je suis Gète et je me fais gloire de mon origine)
nous ne sommes pas précisément des modèles de continence»,
ce que le poète explique un peu plus bas en donnant de cet amour
immodéré des femmes les exemples que voici :
«Chez nous jamais on ne se marie à moins de dix, onze ou douze
femmes, quand on n'en épouse pas davantage. Et si par hasard
quelqu'un vient à mourir n'en ayant épousé que quatre ou cinq,
savez-vous ce que disent les gens du pays ? Le pauvre homme !
mais il n'a point été marié, mais il n'a point connu l'amour !»
Et bien d'autres témoignages confirment ce que dit ici Ménandre. Or,
on l'avouera, il n'est guère vraisemblable que des peuples, qui font
consister le malheur de la vie à n'avoir pas un grand nombre de
femmes, regardent en même temps comme l'homme vertueux, comme
le juste par excellence celui qui se voue au célibat. S'il était vrai
d'ailleurs qu'aux yeux des Gètes les plus fervents adorateurs de la
Divinité, ceux que nous appelons "théosèbes" et "capnobates", fussent
précisément les hommes qui fuient le commerce des femmes,
il y aurait là quelque chose de tout à fait opposé aux idées communes,
car c'est aux femmes généralement qu'on attribue l'initiative des pratiques
religieuses et ce sont bien elles en effet qui entraînent les hommes
dans tous ces excès de zèle à l'égard des Dieux, dans ces fêtes, dans
ces prières et adorations perpétuelles, tandis qu'il est rare de voir un
homme vivant seul se livrer à de semblables pratiques. Consultez
encore Ménandre à ce sujet, écoutez-le se plaindre par la bouche d'un
mari qu'il met en scène de tout l'argent que les femmes dépensent en sacrifices :
«Les dieux nous ruinent, nous autres surtout, pauvres maris ; car
nous avons toujours quelque fête indispensable à célébrer».
Ecoutez-le formuler encore les mêmes griefs par la bouche de son Misogyne :
«C'était, de bon compte, cinq sacrifices par jour : sept filles esclaves
rangées en cercle autour de nous faisaient retentir les cymbales,
tandis que les autres hurlaient en choeur».
Et dites s'il n'y a pas quelque chose d'absurde à prétendre que les
Gètes ont toujours considéré le célibat comme la perfection de la piété !
En revanche, il est une chose qu'on ne peut révoquer en doute et qui
ressort, non seulement des détails que nous fournit Posidonius, mais
de toute la suite de l'histoire des Gètes, c'est que le zèle religieux a été
de tout temps le trait dominant du caractère de ce peuple.
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