[6,3,3] ἔφορος δ' οὕτω λέγει περὶ τῆς κτίσεως: ἐπολέμουν Λακεδαιμόνιοι Μεσσηνίοις
ἀποκτείνασι τὸν βασιλέα Τήλεκλον εἰς Μεσσήνην ἀφικόμενον ἐπὶ θυσίαν,
ὀμόσαντες μὴ πρότερον ἐπανήξειν οἴκαδε πρὶν ἢ Μεσσήνην ἀνελεῖν ἢ πάντας
ἀποθανεῖν: φύλακας δὲ τῆς πόλεως κατέλιπον στρατεύοντες τούς τε νεωτάτους
καὶ πρεσβυτάτους τῶν πολιτῶν. δεκάτῳ δ' ὕστερον {ἔτει} τοῦ πολέμου τὰς
γυναῖκας τῶν Λακεδαιμονίων συνελθούσας ἐξ ἑαυτῶν πέμψαι τινὰς παρὰ τοὺς
ἄνδρας τὰς μεμψομένας, ὡς οὐκ ἐπ' ἴσοις πολεμοῖεν πρὸς τοὺς Μεσσηνίους ̔οἱ
μὲν γὰρ μένοντες τεκνοποιοῦνται, οἱ δὲ χήρας ἀφέντες τὰς γυναῖκας ἐν τῇ
πολεμίᾳ ἐστρατοπέδευον̓, καὶ κίνδυνος εἴη λιπανδρῆσαι τὴν πατρίδα. οἱ δ' ἅμα
καὶ τὸν ὅρκον φυλάττοντες καὶ τὸν τῶν γυναικῶν λόγον ἐν νῷ θέμενοι πέμπουσι
τῆς στρατιᾶς τοὺς εὐρωστοτάτους ἅμα καὶ νεωτάτους, οὓς ᾔδεσαν οὐ
μετασχόντας τῶν ὅρκων διὰ τὸ παῖδας ἔτι ὄντας συνεξελθεῖν τοῖς ἐν ἡλικίᾳ:
προσέταξαν δὲ συγγίνεσθαι ταῖς παρθένοις ἁπάσαις ἅπαντας, ἡγούμενοι
πολυτεκνήσειν μᾶλλον: γενομένων δὲ τούτων οἱ μὲν παῖδες ὠνομάσθησαν
Παρθενίαι. Μεσσήνη δὲ ἑάλω πολεμηθεῖσα ἐννεακαίδεκα ἔτη, καθάπερ καὶ
Τυρταῖός φησιν
ἀμφ' αὐτὴν δ' ἐμάχοντ' ἐννεακαίδεκ' ἔτη,
νωλεμέως αἰεὶ ταλασίφρονα θυμὸν ἔχοντες,
αἰχμηταὶ πατέρων ἡμετέρων πατέρες.
εἰκοστῷ δ' οἱ μὲν κατὰ πίονα ἔργα λιπόντες
φεῦγον Ἰθωμαίων ἐκ μεγάλων ὀρέων.
τὴν μὲν οὖν Μεσσηνίαν κατενείμαντο, ἐπανελθόντες δ' οἴκαδε τοὺς Παρθενίας
οὐχ ὁμοίως τοῖς ἄλλοις ἐτίμων ὡς οὐκ ἐκ γάμου γεγονότας: οἳ συνιστάμενοι μετὰ
τῶν Εἱλώτων ἐπεβούλευσαν τοῖς Λακεδαιμονίοις καὶ συνέθεντο ἆραι σύσσημον
ἐν τῇ ἀγορᾷ πῖλον Λακωνικόν, ἐπειδὰν ἐγχειρῶσι. τῶν δὲ Εἱλώτων τινὲς
ἐξαγγείλαντες, τὸ μὲν ἀντεπιτίθεσθαι χαλεπὸν ἔγνωσαν: καὶ γὰρ πολλοὺς εἶναι
καὶ πάντας ὁμόφρονας, ὡς ἂν ἀλλήλων ἀδελφοὺς νομιζομένους: τοὺς μέλλοντας
δ' αἴρειν τὸ σύσσημον ἐκ τῆς ἀγορᾶς ἀπιέναι προσέταξαν. οἱ μὲν δὴ
μεμηνυμένην αἰσθόμενοι τὴν πρᾶξιν ἐπέσχον, οἱ δὲ διὰ τῶν πατέρων ἔπεισαν
αὐτοὺς εἰς ἀποικίαν ἐξελθεῖν: κἂν μὲν κατάσχωσιν ἀρκοῦντα τὸν τόπον, μένειν,
εἰ δὲ μή, τῆς Μεσσηνίας τὸ πέμπτον κατανείμασθαι μέρος ἐπανιόντας. οἱ δὲ
σταλέντες κατελάβοντο τοὺς Ἀχαιοὺς πολεμοῦντας τοῖς βαρβάροις,
μετασχόντες δὲ τῶν κινδύνων κτίζουσι τὴν Τάραντα.
| [6,3,3] Ephore, lui, raconte autrement la fondation de Tarente.
« Les Lacédémoniens, dit-il, ayant déclaré la guerre
aux Messéniens pour venger la mort de leur roi Téléclus, tué
à Messène pendant la célébration d'un sacrifice, jurèrent de
ne point rentrer dans leurs foyers avant d'avoir détruit Messène,
et de périr plutôt jusqu'au dernier. Ils partirent ne laissant
pour garder la ville que ce que Sparte comptait d'enfants
tout jeunes ou de vieillards décrépits. Mais, la dixième
année de la guerre, les femmes des Lacédémoniens s'étant
réunies en conciliabule députèrent vers leurs maris
quelques-unes d'entre elles pour leur représenter qu'ils faisaient
la guerre aux Messéniens dans des conditions par trop inégales;
que ceux-ci, restant dans leurs foyers, continuaient
à procréer, tandis qu'eux, en s'obstinant à ne pas vouloir
quitter le territoire ennemi, laissaient leurs femmes à l'état
de veuves et risquaient ainsi de dépeupler leur cité. Les
Lacédémoniens pour faire droit aux représentations de leurs
femmes, sans manquer pourtant à leur serment, renvoyèrent
les plus vigoureux et les plus jeunes d'entre eux, qui n'avaient
pu prendre part au, serment commun, vu qu'ils étaient
encore enfants quand ils avaient suivi l'armée en Messénie,
et, en les congédiant, ils recommandèrent à chacun en particulier
d'avoir commerce avec toutes les jeunes filles qu'ils
trouveraient à Sparte : ils supposaient que ces unions collectives
avaient chance d'être plus fécondes. Les choses se
passèrent de la sorte et les enfants nés de ces unions reçurent
le nom de Parthénies. Quant à Messène, elle fut prise
après un siége de dix-neuf ans, comme le marque Tyrtée
dans les vers qui suivent :
"Sous les murs de Messène, durant dix-neuf années, combattirent
sans relâche, et le coeur toujours animé de la même
constance, les pères de nos pères, héroïques guerriers!
Enfin, la vingtième année vit l'ennemi renoncer à ses grasses
campagnes et descendre en fuyant des sommets élevés de l'Ithôme."
Les Lacédémoniens se partagèrent la Messénie; seulement,
une fois revenus dans leurs foyers, ils refusèrent de
traiter les Parthénies sur le même pied que les autres citoyens,
prétendant qu'ils étaient nés d'unions illégitimes.
Ceux-ci se concertèrent alors avec les hilotes et complotèrent
le massacre des Spartiates ; il fut convenu que le signal de
l'attaque serait un pilas ou bonnet laconien hissé {au haut
d'une pique}. Mais quelques hilotes dénoncèrent le complot.
On jugea toutefois difficile de prévenir les Parthénies par
une attaque à main armée, car ils étaient nombreux et étroitement
unis entre eux, se regardant tous naturellement
comme frères. On se borna donc à faire sortir de l'agora
ceux des conjurés qui devaient hisser le signal convenu. Les
autres comprirent que leur plan était découvert, et ils se
tinrent cois. On se servit alors de l'influence qu'avaient sur
eux leurs pères pour les décider à aller au loin fonder une
colonie : s'ils trouvaient quelque emplacement suffisamment
spacieux, ils devaient s'y fixer définitivemeet; autrement,
on les engageait à revenir et on leur promettait le cinquième
des terres de la Messénie. A ces conditions ils partirent
et allèrent aborder {en Iapygie} chez les Achéens;
ils les trouvèrent aux prises avec les Barbares, et, comme
ils avaient voulu partager leurs dangers, ceux-ci leur permirent
de fonder la ville de Tarente sur leur territoire.
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