[6,1,12] πρώτη δ' ἐστὶ Κρότων ἐν ἑκατὸν καὶ πεντήκοντα σταδίοις ἀπὸ τοῦ Λακινίου
καὶ ποταμὸς Αἴσαρος καὶ λιμὴν καὶ ἄλλος ποταμὸς Νέαιθος, ᾧ τὴν ἐπωνυμίαν
γενέσθαι φασὶν ἀπὸ τοῦ συμβεβηκότος. καταχθέντας γάρ τινας τῶν ἀπὸ τοῦ
Ἰλιακοῦ στόλου πλανηθέντων Ἀχαιῶν ἐκβῆναι λέγουσιν ἐπὶ τὴν κατάσκεψιν τῶν
χωρίων, τὰς δὲ συμπλεούσας αὐτοῖς Τρῳάδας καταμαθούσας ἔρημα ἀνδρῶν τὰ
πλοῖα ἐμπρῆσαι βαρυνομένας τὸν πλοῦν, ὥστ' ἀναγκασθῆναι μένειν ἐκείνους,
ἅμα καὶ τὴν γῆν σπουδαίαν ὁρῶντας: εὐθὺς δὲ καὶ ἄλλων πλειόνων
εἰσαφικνουμένων καὶ ζηλούντων ἐκείνους κατὰ τὸ ὁμόφυλον, πολλὰς κατοικίας
γενέσθαι, ὧν αἱ πλείους ὁμώνυμοι τῶν ποταμῶν ἐγένοντο. φησὶ δ' Ἀντίοχος, τοῦ
θεοῦ χρήσαντος Ἀχαιοῖς Κρότωνα κτίζειν, ἀπελθεῖν Μύσκελλον
κατασκεψόμενον τὸν τόπον, ἰδόντα δ' ἐκτισμένην ἤδη Σύβαριν ποταμῷ τῷ
πλησίον ὁμώνυμον κρῖναι ταύτην ἀμείνω: ἐπανερέσθαι δ' οὖν ἀπιόντα τὸν θεὸν
εἰ λῷον εἴη ταύτην ἀντ' ἐκείνης κτίζειν, τὸν δὲ ἀνειπεῖν ἐτύγχανε δὲ ὑπόκυφος
ὢν ὁ Μύσκελλος
"Μύσκελλε βραχύνωτε, παρὲκ θεὸν ἄλλο ματεύων
κλάσματα θηρεύεις: δῶρον δ' ὅ τι δῷ τις ἐπαινεῖν".
ἐπανελθόντα δὲ κτίσαι τὸν Κρότωνα συμπράξαντος καὶ Ἀρχίου τοῦ τὰς
Συρακούσσας οἰκίσαντος, προσπλεύσαντος κατὰ τύχην ἡνίκα ὥρμητο ἐπὶ τὸν
τῶν Συρακουσσῶν οἰκισμόν. ᾤκουν δὲ Ἰάπυγες τὸν Κρότωνα πρότερον, ὡς
Ἔφορός φησι. δοκεῖ δ' ἡ πόλις τά τε πολέμια ἀσκῆσαι καὶ τὰ περὶ τὴν ἄθλησιν: ἐν
μιᾷ γοῦν Ὀλυμπιάδι οἱ τῶν ἄλλων προτερήσαντες τῷ σταδίῳ ἑπτὰ ἄνδρες
ἅπαντες ὑπῆρξαν Κροτωνιᾶται, ὥστ' εἰκότως εἰρῆσθαι δοκεῖ διότι Κροτωνιατῶν ὁ
ἔσχατος πρῶτος ἦν τῶν ἄλλων Ἑλλήνων: καὶ τὴν παροιμίαν δὲ ὑγιέστερον
Κρότωνος λέγουσαν ἐντεῦθεν εἰρῆσθαί φασιν, ὡς τοῦ τόπου πρὸς ὑγίειαν καὶ
εὐεξίαν ἔχοντός τι φορόν. πλείστους οὖν Ὀλυμπιονίκας ἔσχε, καίπερ οὐ πολὺν
χρόνον οἰκηθεῖσα διὰ τὸν φθόρον τῶν ἐπὶ Σάγρᾳ πεσόντων ἀνδρῶν τοσούτων τὸ
πλῆθος: προσέλαβε δὲ τῇ δόξῃ καὶ τὸ τῶν Πυθαγορείων πλῆθος καὶ Μίλων,
ἐπιφανέστατος μὲν τῶν ἀθλητῶν γεγονὼς ὁμιλητὴς δὲ Πυθαγόρου διατρίψαντος
ἐν τῇ πόλει πολὺν χρόνον. φασὶ δ' ἐν τῷ συσσιτίῳ ποτὲ τῶν φιλοσόφων
πονήσαντος στύλου τὸν Μίλωνα ὑποδύοντα σῶσαι ἅπαντας, ὑποσπάσαι δὲ καὶ
ἑαυτόν: τῇ δ' αὐτῇ ῥώμῃ πεποιθότα εἰκὸς καὶ τὴν ἱστορουμένην ὑπό τινων
εὑρέσθαι καταστροφὴν τοῦ βίου. λέγεται γοῦν ὁδοιπορῶν ποτε δι' ὕλης βαθείας
παραβῆναι τὴν ὁδὸν ἐπὶ πλέον, εἶθ' εὑρὼν ξύλον μέγα ἐσφηνωμένον, ἐμβαλὼν
χεῖρας ἅμα καὶ πόδας εἰς τὴν διάστασιν βιάζεσθαι πρὸς τὸ διαστῆσαι τελέως:
τοσοῦτον δ' ἴσχυσε μόνον ὥστ' ἐκπεσεῖν τοὺς σφῆνας: εἶτ' εὐθὺς ἐπισυμπεσεῖν τὰ
μέρη τοῦ ξύλου, ἀποληφθέντα δ' αὐτὸν ἐν τῇ τοιαύτῃ πάγῃ θηρόβρωτον γενέσθαι.
| [6,1,12] Crotone, à 100 stades du Lacinium, s'offre à nous la
première, avec la rivière et le port d'Asarus et un autre cours
d'eau, le Neaethus, qui doit son nom, assure-t-on, au fait
suivant. Des Achéens, revenant de Troie, s'étaient vus, après
de longues erreurs, jetés sur cette partie de la côte d'Italie
et y avaient débarqué pour prendre connaissance des lieux.
Des femmes troyennes qu'ils ramenaient avec eux s'aperçurent
qu'il n'était pas resté un seul homme sur les vaisseaux,
et y mirent le feu pour se venger des fatigues et des
ennuis de la traversée, forçant ainsi les Achéens, qui n'étaient
pas, du reste, sans avoir remarqué la fertilité du
pays, à s'y fixer définitivement. Puis d'autres colons achéens
avaient rejoint les premiers, et, s'étant piqués d'émulation,
comme il arrive communément entre frères, ils s'étaient
mis à fonder de leur côté différents établissements, auxquels
ils avaient donné de préférence les noms {des fleuves les
plus voisins}. Sil faut en croire Antiochus, ce fut sur l'ordre
formel d'un oracle que les Achéens envoyèrent une
colonie à Crotone. Myscellus partit devant pour explorer
le pays et vit en passant la ville de Sybaris, qui s' élevait
déjà sur les bords du fleuve dont elle a pris le nom; il en
jugea le site bien autrement avantageux, et s'en revint aussitôt
consulter l'oracle, pour savoir si la nouvelle colonie ne
ferait pas mieux de s'établir là qu'à Crotone, mais l'oracle
lui fit cette réponse :
"Myscellus, toi dont la taille aurait déjà besoin d'être
REDRESSÉE (Myscellus avait le dos légèrement voûté), montre
au moins que tu as l'esprit DROIT, cesse de courir après
les larmes en cherchant autre chose que ce que les dieux te
destinent, et agrée de bon coeur le présent qui t'est fait."
Myscellus repartit alors pour l'Italie et bâtit Crotone avec
l'aide d'Archias, le futur fondateur de Syracuse, ayant alors,
par un hasard heureux, relâché sur ce point de la côte ainsi
que la colonie qu'il conduisait en Sicile. Éphore, lui, prétend
que Crotone a eu des Japyges pour premiers habitants.
Crotone, au reste, paraît s'être appliquée surtout à former
des soldats et des athlètes; il est arrivé, par exemple,
que, dans la même Olympiade, les sept vainqueurs du stade
fussent tous de Crotone, de sorte qu'on a pu dire avec vérité
que « le dernier des Crotoniates était encore le premier des
Grecs. » Le proverbe « plus sain que Crotone » a eu aussi,
dit-on, la même origine, et ce grand nombre d'athlètes
crotoniates paraîtrait indiquer dans la situation de cette ville
quelque vertu native éminemment favorable au développement
des forces et à l'entretien de la santé. Le fait est que
Crotone compte plus d'Olympionices qu'aucune autre ville,
bien qu'elle se soit dépeuplée de bonne heure, par suite des
pertes énormes qu'elle avait éprouvées à la journée de la
Sagra. Quelque chose a contribué encore à illustrer son
nom, c'est d'avoir produit tant de Pythagoriciens et d'avoir
donné le jour notamment à Milon, qui, non content d'être le
plus célébre des athlètes de son temps, fut encore l'un des
disciples assidus de Pythagore durant le long séjour que le
Maître fit à Crotone. On raconte à ce propos qu'un jour,
pendant que les Pythagoriciens prenaient leur repas en
commun, un pilier de la salle où ils se trouvaient étant venu
à céder, Milon s'y substitua aussitôt, donna le temps ainsi
à tous ses compagnons de s'échapper, et réussit lui-même
à s'esquiver. Or, une telle confiance dans sa force rend
vraisemblable le genre de mort que la tradition lui prête :
un jour, dit-on, comme il traversait une épaisse forêt, il lui
arriva de s'écarter beaucoup du chemin frayé et de rencontrer
un grand arbre à demi fendu que des coins tenaient
entr'ouvert; il voulut essayer, en introduisant ses pieds et
ses mains dans la fente, d'achever de séparer l'arbre en
deux, mais il ne réussit, avec tous ses efforts, qu'à faire
tomber les coins, de sorte que les deux côtés de l'arbre se
rapprochèrent aussitôt, et qu'étant resté pris comme dans un
piège il devint la proie des bêtes féroces.
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