[3,2,13] Πρὸς δὲ τὸ βέλτιον ἐκ τούτων· ἥ τε γὰρ Ἡρακλέους στρατεία μέχρι δεῦρο
προελθοῦσα καὶ τῶν Φοινίκων ὑπέγραφεν αὐτῷ πλοῦτόν τινα καὶ ῥᾳθυμίαν
τῶν ἀνθρώπων· οὗτοι γὰρ Φοίνιξιν οὕτως ἐγένοντο σφόδρα ὑποχείριοι, ὥστε
τὰς πλείους τῶν ἐν τῇ Τουρδητανίᾳ πόλεων καὶ τῶν πλησίον τόπων ὑπ'
ἐκείνων νῦν οἰκεῖσθαι. Καὶ ἡ τοῦ Ὀδυσσέως δὲ στρατεία δοκεῖ μοι δεῦρο
γενηθεῖσα καὶ ἱστορηθεῖσα ὑπ' αὐτοῦ παραδοῦναι πρόφασιν· ὥστε τὴν
Ὀδύσσειαν, καθάπερ καὶ τὴν Ἰλιάδα, ἀπὸ τῶν συμβάντων μεταγαγεῖν εἰς
ποίησιν καὶ τὴν συνήθη τοῖς ποιηταῖς μυθοποιίαν. Οὐ γὰρ μόνον οἱ κατὰ τὴν
Ἰταλίαν καὶ Σικελίαν τόποι καὶ ἄλλοι τινὲς τῶν τοιούτων σημεῖα
ὑπογράφουσιν, ἀλλὰ καὶ ἐν τῇ Ἰβηρίᾳ Ὀδύσσεια πόλις δείκνυται καὶ Ἀθηνᾶς
ἱερὸν καὶ ἄλλα μυρία ἴχνη τῆς τε ἐκείνου πλάνης, καὶ ἄλλων τῶν ἐκ τοῦ
Τρωικοῦ πολέμου περιγενομένων ἐπ' ἴσης κακώσαντος τούς τε πολεμηθέντας
καὶ τοὺς ἑλόντας τὴν Τροίαν· καὶ γὰρ οὗτοι Καδμείαν νίκην ἐτύγχανον
ἠρμένοι, τῶν τε οἴκων αὐτοῖς κατεφθαρμένων, καὶ τῶν λαφύρων ὀλίγων εἰς
ἕκαστον ἐληλυθότων· συνέβη {δὴ} τοῖς περιλειφθεῖσιν ἀπελθοῦσιν ἐκ τῶν
κινδύνων κατὰ λῃστείας τρέπεσθαι, τοῖς μὲν διὰ τὸ ἐκπεπορθῆσθαι, τοῖς δὲ
διὰ τὴν αἰσχύνην, ἑκάστου προλαβόντος
αἰσχρόν τοι δηρόν τε μένειν
ἄνευ τῶν οἰκείων,
κενεόν τε νέεσθαι
παρ' αὐτοὺς πάλιν. Ἥ τε τοῦ Αἰνείου παραδέδοται πλάνη καὶ Ἀντήνορος καὶ ἡ
τῶν Ἑνετῶν· ὡσαύτως καὶ ἡ Διομήδους τε καὶ Μενελάου καὶ ἄλλων πλειόνων.
Ὁ τοίνυν ποιητὴς τὰς τοσαύτας στρατείας ἐπὶ τὰ ἔσχατα τῆς Ἰβηρίας
ἱστορηκώς, πυνθανόμενος δὲ καὶ πλοῦτον καὶ τὰς ἄλλας ἀρετὰς (οἱ γὰρ
Φοίνικες ἐδήλουν τοῦτο), ἐνταῦθα τὸν τῶν εὐσεβῶν ἔπλασε χῶρον καὶ τὸ
Ἠλύσιον πεδίον, οὗ φησιν ὁ Πρωτεὺς ἀποικήσειν τὸν Μενέλαον·
Ἀλλά σ' ἐς Ἠλύσιον πεδίον καὶ πείρατα γαίης
ἀθάνατοι πέμψουσιν, ὅθι ξανθὸς Ῥαδάμανθυς·
τῇ περ ῥηίστη βιοτὴ πέλει ἀνθρώποισιν·
οὐ νιφετὸς οὔτ' ἂρ χειμὼν πολὺς οὐδέ ποτ' ὄμβρος,
ἀλλ' αἰεὶ ζεφύ" ροιο λιγὺ πνείοντας ἀήτας
ὠκεανὸς ἀνίησιν ἀναψύχειν ἀνθρώπους.
Τό τε γὰρ εὐάερον καὶ τὸ εὔπνουν τοῦ Ζεφύρου ταύτης ἐστὶ τῆς χώρας οἰκεῖον,
ἑσπερίου τε καὶ ἀλεεινῆς οὔσης, τό τε ἐπὶ τοῖς πέρασι τῆς γῆς, ἐφ' οἷς καὶ τὸν
Ἅιδην μεμυθεῦσθαι ἔφαμεν. Ὅ τε Ῥαδάμανθυς παρατεθεὶς ὑπογράφει τὸν
πλησίον τῷ Μίνῳ τόπον, περὶ οὗ φησίν·
Ἔνθ' ἤτοι Μίνωα ἴδον Διὸς ἀγλαὸν υἱόν,
χρύσεον σκῆπτρον ἔχοντα, θεμιστεύοντα νέκυσσι.
Κὶ οἱ μετὰ ταῦτα δὲ ποιηταὶ παραπλήσια θρυλοῦσι, τήν τε ἐπὶ τὰς Γηρυόνου
βόας στρατείαν, καὶ τὴν ἐπὶ τὰ μῆλα τῶν Ἑσπερίδων τὰ χρύσεα ὡσαύτως, καὶ
μακάρων τινὰς νήσους κατονομάζοντες, ἃς καὶ νῦν δεικνυμένας ἴσμεν οὐ
πολὺ ἄπωθεν τῶν ἄκρων τῆς Μαυρουσίας τῶν ἀντικειμένων τοῖς Γαδείροις.
| [3,2,13] Mais la chose ressort mieux encore {de l'emploi qu'il a fait de
certaines notions positives} que nous allons rappeler : l'expédition
d'Hercule, par exemple, en ces contrées lointaines et celles des
Phéniciens aux mêmes lieux lui donnaient des vaincus l'idée d'un
peuple riche et amolli; et il est de fait que l'assujettissement de cette
partie de l'Ibérie aux Phéniciens a été si complet, qu'aujourd'hui
encore, dans la plupart des villes de la Turdétanie et des campagnes
environnantes, le fond de la population est d'origine phénicienne. Il me
paraît certain aussi qu'Ulysse avait poussé jusqu'ici ses courses
guerrières, et qu'Homère, qui avait dû rechercher dans l'histoire tout ce
qui se rapportait à son héros, l'a su et en a tiré prétexte pour
transporter l'Odyssée, comme il avait fait l'Iliade, du domaine de la
réalité pure dans celui de la poésie et des mythes ou fictions familières
aux poètes.Il est constant, en effet, que ce n'est pas seulement sur les
côtes d'Italie et de Sicile et dans les parages environnants qu'on peut
relever les vestiges de toute cette histoire, et l'Ibérie elle-même nous
montre aujourd'hui une ville du nom d'Odyssea, un temple de Minerve
et mille autres traces des erreurs du héros et de ceux qui, comme lui,
survécurent à la guerre de Troie, à cette guerre aussi funeste, on peut
dire, aux vainqueurs qu'aux vaincus, les premiers n'ayant remporté
qu'une victoire cadméenne. Cette victoire, on le sait, avait coûté à
chacun des chefs grecs la ruine de sa maison et ne lui avait rapporté
en échange qu'une bien faible part des dépouilles de l'ennemi , de
sorte qu'a l'imitation des chefs Troyens qui avaient échappé à la mort
et à l'esclavage ils s'étaient tournés vers la piraterie, faisant par honte
ce que ceux-ci avaient fait par dénument, car chacun s'était dit
« Qu'il est humiliant de rester si longtemps loin des siens, humiliant surtout
« De revenir auprès d'eux les mains vides. »
Et c'est ainsi qu'à côté des erreurs d'Énée, d'Anténor et
des Hénètes, l'histoire a enregistré celles de Diomède,
de Ménélas, de Ménesthée et de maint autre héros
grec. Or, instruit par la voix de l'histoire de toutes ces
expéditions guerrières aux côtes méridionales de l'Ibérie,
instruit aussi de la richesse de cette contrée et des biens
de toute sorte qu'elle possède et que les Phéniciens
avaient fait connaitre, Homère a eu l'idée d'y placer la
demeure des Ames pieuses et ce champ Élyséen, où,
suivant la prédiction de Protée, Ménélas devait habiter un jour :
« Quant à vous, Ménélas, les immortels vous conduiront vers le
champ Élyséen, aux bornes mêmes de la terre : c'est là que siége le
blond Rhadamanthe, là aussi que les humains goûtent la vie la plus
facile à l'abri de la neige, des frimas et de la pluie et qu'au sein de
l'Océan s'élève sans cesse le souffle harmonieux et rafraîchissant du zéphyr. »
La pureté de l'air et la douce influence du zéphyr sont bien en effet des
caractères propres à cette partie de l'Ibérie, qui, tournée toute du côté
de l'occident, possède un climat vraiment tempéré. Il se trouve en
outre qu'elle est située juste aux derniers confins de la ferre habitée,
c'est-à-dire aux lieux mêmes où la fable, avons-nous dit, a placé les
enfers, car la mention de Rhadamanthe dans les vers qui précèdent
implique le voisinage de Minos, et l'on sait ce qu'il est dit de Minos
dans Homère : « Là j'ai vu Minos, au visage rayonnant, Minos, le fils de
Jupiter, qui, son sceptre d'or dans la main, rendait la justice aux morts.
» D'autres poétes maintenant, venus après Homère, ont enchéri sur ce
qu'il avait fait en imaginant à leur tour et l'enlèvement par Hercule des
troupeaux de Géryon, et l'expédition du même héros à la conquête des
pommes d'or du jardin des Hespérides, et ces îles des Bienheureux,
dans lesquelles nous reconnaissons aujourd'hui quelques-unes des
îles situées non loin de l'extrémité de la Maurusie qui fait face à Gadira.
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